Assurance emprunteur, les stratégies de conquête

Les pouvoirs publics n’ont cessé de favoriser la concurrence en assurance emprunteur. À la veille d’une nouvelle étape réglementaire majeure, courtiers et assureurs multiplient les initiatives pour bousculer les positions fortes des contrats groupes bancaires.

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Assurance emprunteur, les stratégies de conquête

La forteresse des ­contrats groupes finira-­t-elle par tomber ? Depuis près de dix ans, les ­projets de loi se succèdent (lire encadré p.46) pour déverrouiller ce marché encore détenu très majoritairement par les groupes bancaires. Sans grand succès a priori. Selon les derniers chiffres de la Fédération française de l’assurance (FFA), le marché de l’assurance emprunteur ­représentait, en 2016, 8,8 Md€ de primes annuelles, dont 88 % ­encaissées par des bancassureurs et seulement 12 % souscrites en délégation d’assurance, le plus souvent via un contrat individuel.

Un chiffre stable sur le stock de contrats, mais qui tendrait à évoluer sur le flux. « Chez Magnolia.fr, 60 % des souscriptions se font en application de la loi Hamon », se félicite Gérald Loobuyck, PDG du comparateur. « Via notre filiale Multi-Impact, qui gère les contrats emprunteur pour le compte de ­plusieurs assureurs, on voit que le nombre de simulations a atteint un niveau record en octobre. On enregistre pas moins de 5 200 demandes en une semaine », confirme Maël Bernier, porte-parole du courtier en crédit, Meilleurtaux.com.

Le segment aiguise les appétits, à l’heure où nombre d’acteurs du marché recherchent des leviers de diversification.

D’autant plus que l’assurance emprunteur permet encore de dégager des niveaux de marge plus importants que la santé-prévoyance par exemple. « Pour les réseaux d’agents, il y a une possibilité rapide de multiéquipement. Sur l’emprunteur, si la technique est rejointe par les réseaux locaux, il y a de vraies opportunités », poursuit Gérald Loobuyck de Magnolia.fr. Conséquence de cet engouement, « la bataille tarifaire va s’amplifier et la baisse des tarifs semble inévitable, mais il faut mesurer le juste équilibre entre baisse des tarifs et augmentation des coûts d’acquisition et de gestion, et surtout analyser la fragilité des portefeuilles », anticipe déjà Catherine Soulard, associée, responsable du pôle actuariat et risques chez Galéa & Associés.

Selon Michel Larigauderie, directeur général délégué de CBP Group, courtier qui revendique 3 Md€ de primes sous gestion en Europe, « l’ouverture du marché vers l’assurance emprunteur individuelle est inéluctable ». Beaucoup comptent, pour ce faire, sur une prochaine étape réglementaire. À la suite de l’amendement Bourquin, voté dans le cadre de la loi du 21 février 2017, la résiliation ­annuelle, qui concerne le flux des nouveaux contrats depuis février 2017, doit être étendue au stock dès le 1er janvier prochain, si le Conseil constitutionnel n’en décide pas autrement (lire p.50). À l’instar du groupe Prévoir, de nouveaux acteurs se positionnent sur ce segment et ­chacun redou­ble donc d’efforts – évolution de garanties, des process de souscription… – pour profiter de ce qui fait figure de nouvel ­Eldorado…

Faciliter les process de délégation d’assurance

C’est la tendance forte du moment. Pour profiter à plein de l’introduction de la résiliation annuelle au 1er janvier 2018 sur les anciens contrats, il est indispensable d’aller vite et d’alléger l’assuré des formalités de changement d’assureur. « Avec l’amendement Bourquin, on s’attend à une augmentation de notre activité, parce que les assureurs vont intensifier leur communication sur la possibilité de résilier son contrat. C’est pourquoi nous avons développé un process pour faciliter la mise en œuvre de la délégation », précise Maël Bernier de Meilleurtaux.com. Le courtier a d’ailleurs développé un guide de la délégation d’assurance sur son site Internet. Et de plus en plus d’acteurs poussent l’accompa­gnement du client par des courriers préremplis, des mandats, des simulations d’équivalence de garanties, la possibilité de remplir des questionnaires en ligne, de résilier en ligne comme sur Simulassur (Magnolia.fr)...

Simplifier la souscription/alléger les formalités médicales

MetLife a décidé de supprimer l’examen médical pour les assurés de moins 46 ans empruntant jusqu’à 1 M€. Et au-delà de cet âge, le questionnaire de santé n’intervient que pour des capitaux assurés de plus de 400 000 €. En dessous de cette somme, ­l’assureur exige seulement un questionnaire d’état de santé comportant ­cinq questions. Ce seuil de 46 ans est également celui retenu par BNP ­Paribas Cardif qui, depuis le mois de mai 2016, propose, en ­dessous de cet âge, une souscription via un questionnaire médical simplifié.

Compléter le contrat groupe bancaire

Malgré la réglementation, il peut être difficile pour les emprunteurs de refuser l’assurance proposée par leur banque. C’est à leur attention que le courtier BPSIs-Naoassur a lancé un « complé­ment emprunteur ban­que ». Une offre qui, comme son nom l’indique, revient à compléter les garanties souscrites auprès de l’organisme de crédit. Très concrètement, elle permet d’améliorer la couverture de deux ­coemprunteurs qui auraient fait le choix de ne pas se couvrir chacun à 100 %. Proposé en formule décès/PTIA ou décès/PTIA/incapacité/invalidité, ce complément emprunteur prévoit que le bénéficiaire des ­prestations sera, par défaut, le coemprunteur en cas de décès et ­l’assuré pour les autres garanties. Cette offre ­permet donc à l’assuré emprunteur de désigner un autre bénéficiaire que la banque pour les sommes restant dues.

Digitaliser la souscription

Magnolia, Utwin, CBP, BPSIs-Naoassur... Les courtiers sont de plus en plus nombreux à développer des plateformes permettant à leurs courtiers ou assureurs partenaires, de proposer une expérience full digital à leurs clients. Concrètement, ces outils, ou back offices, affichent des fonctionnalités proches : devis en ligne, questionnaire médical dématérialisé, e-sélection médicale, tarification « sur mesure », adhésion en ligne... Les assureurs ont entamé la même démarche. « Nous avons mis en place un outil pour faciliter la souscription, via une totale dématérialisation et un algorithme de décision médicale, pour une souscription plus rapide », explique Christophe Vanhuyse, responsable du développement emprunteur chez Swiss Life.

Miser sur la modularité

C’est une des spécificités des contrats individuels. Bien que les stratégies varient d’un acteur à l’autre, la plupart des offres individuelles s’appuient sur une segmentation tarifaire fine, en utilisant différents critères comme l’âge, la catégorie socioprofessionnelle, le fait d’être ou non fumeur… Elle permet de faire bénéficier d’un tarif plus avantageux les populations présentant les « meilleurs » risques, cibles de ces contrats. « Notre gamme compor­te trois offres qui permettent une segmentation assez fine. Et qui répondent aux obligations du courtier en termes de devoir de conseil. En effet, le courtier est tenu de proposer trois offres à son client. Nous proposons donc une gamme complète via un tarificateur unique », indique Nathalie Kremer, responsable grands comptes santé et prévoyance chez Solly Azar.

Une segmentation qui se traduit par une plus grande modularité et qui conduit les banques à, elles aussi, segmenter davantage leurs offres groupe. Crédit agricole Assurances, qui a décidé d’internaliser la production des affaires nouvelles en emprunteur, est dans cette démarche. « Au troisième trimestre 2018, nous allons proposer une nouvelle offre ­modulable pour s’adapter aux besoins du client, avec le déve­loppement d’un outil de vente sur tablette, ou encore la proposition de nouvelles garanties adaptées au niveau de risque des clients », confirme Henri Le Bihan, directeur général délégué de Prédica.

Il est peu probable que le marché bascule totalement sous l’impact de résiliations massives. Mais il y a bien l’idée d’une opportunité à ne pas louper. « En termes de conquête du marché, nous estimons qu’il y a une fenêtre de tir de trois ans pour attaquer le stock des contrats emprunteurs car ce sont surtout les contrats récents, entre 3 et 5 ans, qui auront intérêt à être résiliés pour espérer un meilleur tarif ou de meilleures garanties », explique Nathalie Kremer, de Solly Azar.

L’attaque certes, mais il ne ­faudrait pas oublier également la défense, souligne Catherine ­Soulard, associée, responsable du pôle actuariat et risques chez Galéa & Associés « Les assureurs, tout comme les banques, cherchent à se démarquer dans leur produit. En revanche, la fidélisation des clients reste un sujet à part entière qui va devenir de plus en plus prégnant avec l’ouverture à la résiliation à tout moment à partir du 1er janvier prochain. »

Trois lois pour ouvrir le marché à la concurrence

2010 La loi Lagarde ouvre la possibilité pour l’emprunteur de refuser le contrat groupe proposé par la banque en couverture du crédit, au profit d’une autre assurance présentant un niveau de garantie équivalent (délégation d’assurance).

2014 La loi Hamon donne la possibilité de résilier son assurance emprunteur au profit d’une assurance présentant une équivalence de garantie, dans le délai d’un an à compter de l’offre de prêt.

2017 La loi Sapin 2 permet de résilier tous les ans le contrat d’assurance emprunteur, après la première année d’assurance, pour lui substituer un contrat présentant des garanties équivalentes. Censurée par le Conseil constitutionnel, cette mesure a été réintroduite dans la loi du 21 février 2017.

 

« Nous espérons profiter de l’ouverture du marché »

« L’assurance emprunteur est un marché à prendre et je considère qu’à chacun son métier. L’assurance doit revenir à un assureur. L’offre d’Allianz permet d’assurer tous les types de crédits, pour tous les types de profils. L’agent général a une vraie légitimité, tant en termes de conseil qu’en termes de tarif. Dans 90 % des cas, l’offre Allianz est mieux placée avec des meilleures garanties que l’offre d’assurance faite par la banque. Du fait de l’ouverture du marché, la compagnie a modernisé son offre qui est plus modulable et qui bénéficie de la signature électronique pour être souscrite plus rapidement. Avec cette nouvelle offre, Allianz a proposé à ses agents de suivre une journée de formation et nous bénéficions également des formations proposées par Agéa, la Fédération nationale des syndicats d’agents généraux d’assurance. La difficulté est que nous arrivons souvent après la bataille ; le financement venant avant l’assurance. La loi Hamon nous a beaucoup aidés à réaliser des affaires nouvelles cette année. Mon agence a toujours été positionnée sur l’assurance emprunteur et nous espérons profiter de l’ouverture du marché suite à la loi Sapin 2. » ? Propos recueillis par G. B.-F.

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