Assurance vie : la fiscalité revient sur le devant de la scène

candidats à l’élection présidentielle,
Emmanuel Macron, candidat pour
le mouvement En marche !, est le
seul à proposer un changement du
régime fiscal de l’assurance vie. © Christophe Morin / IP3/MAXPPP
Le régime fiscal avantageux de l’assurance vie risque d’être remis en cause si le candidat Emmanuel Macron remporte la prochaine élection présidentielle. Les assureurs s’y opposent, surtout dans le contexte actuel.
À chaque échéance électorale, les assureurs s’inquiètent de voir l’assurance vie visée par une nouvelle mesure fiscale. La prochaine élection présidentielle ne déroge pas à la règle. Et pour cause. Emmanuel Macron, candidat du mouvement En marche ! a annoncé sa volonté de mettre en place une taxe unique de 30 % sur les revenus du capital pour les nouveaux flux en assurance vie. Un impôt qui alourdirait la fiscalité des revenus de cette épargne au-delà de 8 ans. Les réactions n’ont pas tardé. La mutuelle d’épargne MIF a rapidement soulevé le caractère «dangereux» d’une telle mesure. Pour Olivier Sentis, son directeur général, «si aujourd’hui l’assurance vie bénéficie d’une fiscalité avantageuse par rapport à d’autres placements financiers, c’est en partie pour son objectif de placement de long terme et de financement de l’économie. En faisant une taxe unique, cela minimise le rôle primordial de l’assurance vie».
Lors de sa conférence annuelle qui s’est tenue début mars, la Fédération française de l’assurance (FFA) a manifesté son rejet de cette taxe en insistant sur l’importance de la stabilité de la fiscalité de l’assurance vie. L’Afer, principale association française d’épargnants, est également montée au créneau lors des assises de l’épargne et de la fiscalité qu’elle organisait le 16 mars dernier en appelant à la stabilité fiscale.
L’Épargne préférée des Français
- 1 636 Md€ L’encours de l’assurance vie à fin février 2017.
- 11 ans La durée moyenne de détention des contrats d’assurance vie.
-
44 % La part des ménages ayant au moins un contrat d’assurance vie.
Sources : FFA
Non à une nouvelle taxe
Si ce farouche attachement à la sacro-sainte fiscalité de l’assurance vie n’est pas nouveau – on se souvient des débats animés qui ont abouti au rapport Berger-Lefebvre (du nom des députés PS Karine Berger et Dominique Lefebvre) en 2013 –, il prend une dimension encore plus forte aujourd’hui. «Ce n’est pas le bon moment pour mettre en place une telle taxe, alors que l’assurance vie est dans une phase de ralentissement. Le métier est déjà sous stress entre Solvabilité 2 et les taux bas», relève Jean-Marc Crestani, membre du comité exécutif d’AG2R La Mondiale, en charge de l’épargne et de la clientèle patrimoniale. Et David Simon, membre du comité exécutif d’AG2R La Mondiale, en charge des finances, des investissements et des risques, d’ajouter : «À l’heure actuelle, le marché anticipe une remontée des taux. Et mettre en place une mesure susceptible de générer des rachats importants dans ce contexte tomberait au plus mal pour les assureurs». D’autres encore évoquent le risque de détourner les assurés de l’assurance vie, et de voir ainsi la dette française, largement détenue par les assureurs, passer aux mains d’investisseurs étrangers.
2012-2017 : une remontée fragile
Après l’année noire de 2012, l’assurance vie a retrouvé des couleurs. Les cotisations ont progressé de 5 à 9 % par an entre 2013 (118,8 Md€) et 2015 (135,5 Md€). Mais la tendance s’est étiolée en 2016 où l’assurance vie a marqué un recul de 0,6 % à 134,7 Md€. Même la part réalisée en unités de compte qui a doublé entre 2012 (13,8 Md€) et 2015 (27,4 Md€) marque le pas à 27,1 Md€, selon les chiffres de la Fédération française de l’assurance. Tout comme la collecte nette qui tombe de 24 Md€ en 2015 à 17 Md€ l’année dernière. Les épargnants, attentistes dans le contexte électoral, ont préféré les comptes à vue dont la collecte nette en 2016 s’affiche à 33 Md€.
Des épargnants échaudés
En effet, la crainte que cette nouvelle fiscalité fasse fuir les épargnants est dans tous les esprits alors que les résultats de l’assurance vie font grise mine. En 2016, les cotisations ont enregistré un léger recul de 0,6 % à 135 Md€ et les derniers résultats de février révèlent une collecte d’à peine 600 M€ contre 2,8 Md€ en février 2016, selon les estimations de la FFA. Privée de son régime fiscal avantageux, l’assurance vie n’aurait plus qu’un intérêt : la transmission de patrimoine. Lors des assises de l’épargne organisées par l’Afer, Jean Arthuis, ancien ministre de l’Économie sous la présidence de Jacques Chirac et soutien du candidat Macron, a en effet indiqué qu’il y aurait bien «un maintien des avantages successoraux qui ont fait le succès de l’assurance vie».
Plus de taxe et… moins de rendement dans la mesure où la performance des fonds en euros fond comme neige au soleil depuis plusieurs années. Elle serait au titre de 2016 en moyenne de 1,80 % selon la FFA. Difficile dans ce contexte de ne pas échauder les épargnants. La FFA a d’ailleurs présenté quelques éléments d’une étude commandée à l’Ipsos, comme elle l’avait d’ailleurs déjà fait dès les premiers mois de la précédente mandature. Il en ressort que 85 % des détenteurs de ce produit estime qu’une Flat tax (alignement de la fiscalité de l’assurance vie sur les autres produits d’épargne) serait plutôt une mauvaise chose. Ce taux monte même à 92 % chez les détenteurs d’un contrat depuis plus de 8 ans.
Et pourtant, Emmanuel Macron maintient sa position. Avec toutefois un léger rétropédalage puisque le candidat envisage de n’appliquer cette taxe de 30 % qu’au-delà d’un certain plafond pour les nouveaux contrats et nouveaux versements. Les réflexions s’orientent pour un seuil à 150 000 € par personne.
Investir dans l’économie réelle
Quels que soient les arbitrages, des rachats seraient à craindre. Mais, comme le souligne un fiscaliste, uniformiser l’impôt sur les revenus de l’épargne pourrait avoir un autre effet, celui de réorienter l’épargne vers des placements davantage investis dans l’économie réelle.
En effet, pour l’heure, l’assurance vie est encore investie à hauteur de 80 % dans les fonds en euros. Un objectif que les candidats sont nombreux à mettre en avant. Sans pour autant toucher à la fiscalité.
François Fillon, qui milite également pour une taxe unique sur les revenus de capital de 30 %, épargne cependant l’assurance vie et les livrets bancaires.
Quant à Benoît Hamon et Marine Le Pen, aucun n’envisage, pour l’heure, de toucher à l’assurance vie. Mais combien de temps encore les assureurs arriveront-ils à protéger celle-ci ?
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