Assurance vie : les épargnants toujours accros aux fonds euros
Séduits par la garantie du capital à tout moment davantage que par les rendements, les Français tardent encore à se convertir aux placements risqués.
Géraldine Bruguière-Fontenille

Le fonds euros résiste. Les épargnants français demeurent attachés aux avantages du fonds général, malgré l’érosion constante des rendements servis ces dernières années. Le rendement moyen est tombé sous la barre symbolique des 2 % en 2016 : 1,80 %, en recul de 0,5 point par rapport à 2015 et de 1 point en cinq ans (2,80 % en 2013) ! Pas moins de 57 % des Français possédant un contrat d’assurance vie se déclarent satisfaits du rendement de leur fonds en euros, selon un sondage Ipsos réalisé pour le courtier Assurancevie.com. Et a contrario, seuls 30 % d’entre eux ont déjà investi dans des supports en unités de compte (UC). Pire, seulement 7 % déclarent avoir l’intention d’investir sur ces supports.
Lente progression des UC
Les stratégies plus ou moins contraignantes déployées par les assureurs pour convertir les épargnants aux unités de compte, n’ont qu’un effet modéré. Certes, les versements sur les supports unités de compte progressent : ils ont représenté 36,7 Md€ en 2017, selon les dernières estimations de la Fédération française de l’assurance (FFA), soit 28 % des cotisations, contre 20 % en 2016. Mais sur les 1 676 Md€ d’encours global de l’assurance vie, un peu plus de 1 300 Md€ sont investis sur les fonds euros. La garantie du capital à tout moment demeure le principal atout des fonds en euros, tant pour la clientèle retail que pour les épargnants très haut de gamme, qui tiennent à sécuriser leurs richesses. « Les épargnants français ont été biberonnés à l’épargne réglementée et à l’épargne sans risque », déplorait, à l’automne dernier, lors du congrès Patrimonia, Amélie de Montchalin, députée La République en marche et commissaire majoritaire à la commission des Finances. Or, le nouveau gouvernement souhaite orienter davantage l’épargne des Français vers des placements plus productifs. Financer l’entreprise plutôt que de la dette souveraine ! Beaucoup dénoncent le mauvais procès qui serait fait aux fonds euros. Ces derniers sont loin d’être totalement absents du financement de l’économie, comme le rappellent souvent les assureurs. Olivier Sentis, directeur général de la Mutuelle MIF-La Fraternelle, souligne ainsi que sur 100 € versés sur un contrat d’assurance vie, 80 € alimentent en moyenne le fonds en euros, dont plus de la moitié en direction de l’économie : 20 € en obligations d’entreprises, 20 € en obligations émises par des banques (qui leur permet notamment de prêter aux entreprises), 10 € en action d’entreprises, un peu plus de 4 € dans des infrastructures des prêts aux petites et moyennes entreprises, et moins de 1 € en monétaire. Ce que confirme l’analyse du site Good value for money de Cyrille Chartier-Kastler : la composition moyenne des fonds en euros comporte une part d’obligations corporate (dettes d’entreprises) de 63 % et une part en actions de 8 % (voir graphique).« Aujourd’hui, on peut considérer comme un défaut de conseil de proposer à nos clients uniquement du fonds en euros. Il faut proposer de la diversification et nous accompagnons nos réseaux et nos clients vers les unités de compte », estime toutefois Geoffroy Brossier, directeur commercial marketing et offres vie de Covéa. D’autant plus qu’avec la persistance des taux bas, la garantie de liquidité à tout moment, qui n’est pas valorisée à son juste prix selon les assureurs, coûte très cher en marge de solvabilité.
Le petit nouveau « bonifié »
Actuellement en discussion, la création d’un contrat dit eurobonifié est censée alléger cette contrainte tout en améliorant les rendements servis aux assurés… du moins pour ceux qui seraient prêts à immobiliser plus longuement leur épargne. Et ils seraient nombreux selon François Villeroy de Galhau… « Les Français sont davantage attachés à la protection du capital qu’à la liquidité, car ils sont de plus en plus orientés vers le long terme du fait notamment de la nécessité de préparer leur retraite », affirmait le gouverneur de la Banque de France lors du Grand rendez-vous de l’investissement productif, le 22 janvier dernier.
« Nous approuvons l’objectif poursuivi par le gouvernement s’il aboutit à engendrer de meilleures performances pour l’épargnant car il faut avant tout respecter son intérêt », rappelle Guillaume Prache, président de la Faider (Fédération des associations indépendantes de défense des épargnants pour la retraite). Reste à savoir si l’éducation financière que tout le monde appelle de ses vœux sera suffisante pour convaincre les épargnants français de prendre davantage de risques dans leurs investissements, d’autant que les marchés financiers connaissent depuis peu quelques zones de turbulences.
Renaud Larcher, agent général Thélem Assurances à Barentin (76)
« Les clients restent assez frileux »« Dans mon agence, question épargne, nous sommes sur du 70/30, respectivement pour le fonds en euros et pour les unités de compte. Nous voyons de plus en plus une volonté de la part de nos clients les plus jeunes de faire fructifier leur épargne mais, globalement, la sécurité du capital reste leur principal souci. Les clients veulent gagner un peu plus que sur un livret A, mais ils ne veulent pas perdre d’argent. Aujourd’hui encore, ils restent assez frileux dès qu’il s’agit d’investissements risqués. »
Florence Kurzenne, agent général Gan à Annecy (74)
« Le client souhaite toujours de la sécurité »« En termes d’épargne, le client souhaite toujours de la sécurité. Nous lui expliquons que pour un meilleur rendement, il doit prendre un peu plus de risques et s’orienter pour une petite partie vers des unités de compte dont les rendements sont supérieurs sans être totalement dangereux. Nous en possédons une large gamme et il nous appartient de guider le client selon son profil et d’accompagner son choix dans le temps via des arbitrages. Le GAN encourage cette démarche en donnant un bonus sur son fonds en euros si le client accepte de souscrire des unités de compte dans son contrat. »
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