En quête de la meilleure forme de mutualisation

« Ce que nous proposons, c'est que les organismes de prévoyance prennent toute leur part dans le financement de la perte d'autonomie liée à l'âge. Cette intervention ne doit pas se faire de manière désordonnée et sans coordination avec l'intervention publique. » Xavier Bertrand, alors ministre de la Solidarité, justifiait, en mai 2008, la nécessité d'un « partenariat public-privé », lors de l'annonce des « premières orientations du gouvernement » sur la création du cinquième risque dépendance. Depuis, l'exécutif n'a jamais démenti cette approche combinant solidarité nationale - l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) - et assurance privée, mais sans entrer plus en détail dans le rôle respectif de ces deux « piliers » ni dans leur combinaison.
Provisionner au plus tôt
« Tout l'intérêt de l'assurance est de provisionner dès maintenant. Aucun système public n'est capable de gérer des réserves dans le temps, comme le prouve le Fonds de réserve des retraites (FRR) », souligne un bon connaisseur du dossier. Ce schéma public-privé n'a rien de révolutionnaire - c'est notamment celui qui prévaut en santé. Avec des enjeux proches - articuler mécanismes de marché et couverture universelle -, mais une différence de taille : la fréquence de sinistralité en santé pousse à se prémunir, alors que le risque de dépendance survient tout au bout de la vie.
C'est bien l'un des arguments majeurs en faveur de l'assurance obligatoire. « Il se peut que beaucoup d'individus sous-estiment fortement le risque de devenir dépendant un jour ou l'autre. En effet, il s'agit d'un risque de long terme que beaucoup préfèrent occulter », analyse Pierre-Yves Geoffard, professeur à l'École d'économie de Paris, dans une tribune au journal Libération. Cette solution, propre à une mutualisation maximale, est vivement défendue aujourd'hui par Henri de Castries, PDG d'Axa, qui multiplie les contacts avec la sphère politique. « C'est lui qui l'a soufflée dans l'oreille de Valérie Rosso-Debord », affirme un proche du dossier.
Le rapport remis en juin 2010 par la députée UMP de Meurthe-et-Moselle dans le cadre de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la dépendance, préconise de « rendre obligatoire dès 50 ans la souscription d'une assurance des personnes contre la perte d'autonomie auprès de l'établissement labellisé de son choix ». Avec, à terme, une assurance dépendance qui se substituerait à l'APA. Un choix partagé par Laurence Parisot, présidente du Medef, qui évoque toutefois la nécessité de « concevoir un socle minimal de solidarité pour ceux qui sont en situation particulièrement défavorisée ».
Beaucoup de détracteurs du contrat obligatoire
Le rapport finalisé en janvier par le Sénat est loin d'emprunter ce chemin. Non seulement très complexe à mettre en oeuvre, cette assurance obligatoire, selon ce document, « ne pourrait à juste titre qu'être perçue comme la création d'un prélèvement obligatoire masqué sous le vocable d'assurance ». Le contrat obligatoire « nous laisse sceptiques, tant en termes de faisabilité que pour des raisons sociologiques », expliquait en février Gérard Andreck, président du Gema, avant de privilégier « un partenariat entre l'État et les organismes de santé complémentaires pour les inciter à présenter à leurs clients un contrat garantissant le versement d'une rente en cas de dépendance totale ou partielle ».
De fait, la couverture santé est largement diffusée (93% de la population), et ce couplage permettrait « de mutualiser le risque entre générations », explique le Gema, qui ne cache pas, pour autant, tous les problèmes que cette solution soulève, le premier étant l'impact sur les tarifs des contrats d'assurance maladie complémentaire déjà en forte hausse. Tout en portant un regard intéressé, le Sénat relève que « la détermination du caractère automatique ou non de l'inclusion tend à réintroduire indirectement le débat sur la nature obligatoire ou non de l'assurance dépendance ».
Le Gema a engagé une concertation avec la Mutualité française. Certaines mutuelles de la fonction publique, tout particulièrement la MGEN, pratiquent déjà l'inclusion. Pour l'heure, la Mutualité française, dont Étienne Caniard, le président, fait de la dépendance un chantier prioritaire, en reste à des orientations, adoptées le 18 mars, qui affirment l'attachement à un socle public, le souhait d'un vrai partenariat public-privé a contrario de ce qui se passe sur la santé, et souligne les enjeux en termes de prévention et de développement des services. Des propositions plus précises devraient suivre.
Soutenir le dispositif par une incitation publique
L'assurance obligatoire ne fait pas non plus recette du côté de la FFSA. Contrairement à son prédécesseur, promoteur de l'épargne prévoyance, Bernard Spitz, son président, n'entend pas privilégier telle ou telle forme de contrats. Favorable à une assurance « universelle », il milite infatigablement depuis des mois en faveur d'une incitation à la souscription à destination des classes moyennes. Un combat pour le moins compliqué - voire perdu d'avance, diront certains - en pleine chasse aux niches fiscales et sociales.
Quelle que soit sa forme, cette aide publique est un point fondamental. Et pas seulement au regard de l'objectif d'une couverture maximale dans un cadre facultatif. Comment contraindre les assureurs à proposer des contrats « vertueux » sans incitation au bout ? « Une simple labellisation constituerait un levier beaucoup moins efficace », souligne un expert. À moins de taxer les contrats dépendance non vertueux... Cela ferait sans doute hurler les acteurs de l'assurance et compliquerait sérieusement un dialogue avec les pouvoirs publics qui n'est déjà pas simple. Le groupe de travail piloté par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) vient de conclure à la difficulté d'une évaluation commune de la dépendance... Pourtant, c'est l'une des préconisations de tous les rapports publics, et visiblement une vraie attente des consommateurs. Autant dire que le partenariat public-privé est un combat.
D'abord, parler la même langue...
Acteurs de l'assurance et départements vont tenter d'utiliser un glossaire commun et partager les informations nécessaires à l'évaluation de la perte d'autonomie. Voilà les principaux résultats du groupe de travail lancé en février 2010 par Xavier Darcos, alors ministre de la Solidarité, dans le cadre d'un futur partenariat public-privé. En revanche, « l'élaboration d'un référentiel commun doit constituer un objectif à moyen terme », peut-on lire dans le rapport publié par la CNSA. Bref, ce n'est pas demain qu'une seule évaluation pourrait déclencher le versement de l'APA et d'une rente viagère. Les logiques et méthodes d'évaluation de la perte d'autonomie demeurent très éloignées. Et pour cause, selon une enquête Inserm-CNSA réalisée auprès d'un échantillon de personnes âgées « présentant une déficience des fonctions intellectuelles supérieures », 89% étaient éligibles à l'APA, mais seulement 34% aux critères « trois AVQ sur quatre » retenus par nombre de contrats d'assurance.
Et le collectif ?
Sur le papier, les contrats collectifs d'entreprise ne manquent pas d'intérêt pour développer l'assurance dépendance. Ils « permettent de couvrir une population plus jeune dans un cadre mutualisé plus large », note le rapport du Sénat. Qui plus est pour un coût moins élevé que les contrats individuels, sans sélection médicale. En pointe sur ce domaine, l'Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp) a même développé un produit par points qui permet une transférabilité des garanties. Pourtant, leur développement est plus que timide, même si les entreprises bénéficient d'avantages fiscaux et sociaux. Pour une raison toute simple que résume un DRH : « Il faut d'abord gérer la santé et la prévoyance, voire la retraite. Alors, la dépendance... »
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