Les assureurs en blouse blanche, placement ou engagement ?

En février, Predica entrait à hauteur de 5,7 % au capital de Medica. Une prise de participation qui n'était pas une première pour la filiale vie de Crédit agricole assurances. Depuis 2004, le bancassureur détient en effet 31 % du capital de Korian, groupe de maisons de retraite et de cliniques spécialisées, et a encore frappé en juillet 2009 en acquérant 43 % du groupe de cliniques Proclif. Predica, qui déclare suivre avant tout une logique d'investissement, ne cache cependant pas sa volonté de fabriquer des offres dédiées à ce secteur.
Pour Olivier Cayot, actuaire chargé du secteur santé chez Optimind, l'objectif des assureurs est clair : « Maîtriser les coûts et aider leurs assurés tout en leur proposant un service de meilleure qualité. » Si l'on peut croire que ces investissements sont exclusivement financiers, ils constituent donc aussi une véritable stratégie de développement et de réduction des coûts.
Terre de conquête...
Consultante senior chez Kadris, Sammy Chevalier reconnaît qu'« il y a une logique purement financière, qui correspond à un effet d'aubaine, étant donné que le secteur est rentable et peu exploité », mais aussi que « le fait de se rapprocher des Ehpad (1) leur donne une meilleure connaissance du secteur et permet une meilleure adéquation de leur offre aux besoins des assurés ». Certains se contentent pour l'instant d'investir dans les murs des établissements de santé, à l'instar d'Axa Real Estate et de son fonds d'investissement dédié aux actifs atypiques, parmi lesquels les centres de soins et les maisons de retraite. Apiv (2) a ainsi été lancé en mars 2007 et a acheté, l'année suivante, le groupe de cliniques Marseille, qui regroupe 71 institutions en Allemagne.
D'autres ont pris des participations. Groupama, via sa caisse régionale Centre-Atlantique, détient 4,97 % du groupe Noble Âge depuis juin 2008. Un investissement qui représente « la volonté de participer à la prise en charge de la dépendance en milieu médicalisé en complément des activités d'assurance et d'épargne », selon le communiqué de l'époque. L'assureur « vert » fait également partie du projet du premier hôpital privé tunisien, qui doit entrer en exploitation à la fin de l'année. La gestion de l'établissement a été confiée à la société Medytec Salud, qui opère exclusivement avec Groupama Seguros.
... où il faut être pionnier
Depuis 2007, Domus Vi, un groupe de maisons de retraite et de cliniques, a vu entrer à son capital la Macif et la Caisse nationale des caisses d'épargne. D'ailleurs, « les compagnies d'assurances vont de plus en plus investir dans les Ehpad pour anticiper les problèmes de dépendance », prévoit Olivier Cayot. Les assureurs devraient donc s'intéresser encore davantage à ce secteur dans les années à venir.
Mais ce mouvement n'est pas toujours vu d'un bon oeil : « Ainsi pourra naître un nouveau système de santé ayant gardé du système français la CMU et le financement des cas les plus graves par la collectivité, et ayant pris au système américain la gestion par les assureurs privés du marché rentable de la santé : un cauchemar pour les médecins et les malades, un rêve pour les assureurs et les nouveaux manageurs », constate André Grimaldi, chef du service diabétologie-métabolisme à la Pitié Salpêtrière, dans une tribune parue dans le Monde diplomatique de novembre 2009.
1. Ehpad : établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.
2. Alternative Property Income Venture.
Témoignage
« Proposer des prestations d'un bon niveau, tout en limitant les dépassements d'honoraires »
Franck Coisnon, Associé du cabinet Wight Consulting
« Cette tendance est intéressante, car elle permet aux assureurs de créer de la valeur à plusieurs niveaux. D'abord en termes d'investissement purement financier. Ensuite, le fait de fournir des capitaux à des groupes de santé favorise la réduction du coût des prestations, via le développement d'économies d'échelle liées aux grands acteurs et le renforcement de la concurrence. Et la mise en place de partenariats industriels sur certaines prestations permet de minimiser le coût des dépenses à rembourser. Enfin, ce type d'investissement peut influer sur la qualité de l'offre : les établissements de santé auront en effet la capacité de proposer des prestations d'un bon niveau, tout en limitant les dépassements d'honoraires.Il existe en tout cas un phénomène d'intégration aval de la chaîne de valeur dans le domaine de la santé. Un parallèle peut d'ailleurs être établi avec le secteur de l'assurance auto, qui a tenté d'intégrer des réseaux de réparateurs et de garages. C'est symptomatique, car la santé et l'auto sont deux marchés concurrentiels où tout ce qui relève de la maîtrise des coûts est un levier de compétitivité. »
Le chiffre
43 % du capital du groupe de cliniques Proclif sont détenus par Predica depuis juillet 2009.
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