De l'exceptionnel au quotidien
Avec le développement des services à la personne, les assisteurs ont fait évoluer leur champ d'intervention, en pénétrant au coeur de la vie quotidienne. Le succès de leurs prestations hors sinistre démontre qu'ils ont su prendre le bon virage.
«Le besoin de "rassurance" est croissant, nous le constatons un peu plus chaque jour, reconnaît Dan Assouline. Les assurés ne veulent plus d'imprévus et sont prêts à payer pour ne plus avoir de franchise. » Bénéficiant de cette inquiétude générale et de cette recherche du risque zéro, les assisteurs ont dû s'adapter et étendre leurs garanties à des événements exclus jusqu'ici. « L'éruption du volcan islandais ou les troubles politiques du Printemps arabe ont amené les assisteurs à revoir leurs contrats », continue le PDG de Mondial assistance. « Avec la crise, les clients exigent que chaque euro dépensé soit couvert. Pas question pour eux de prendre des risques », ajoute Sylvain Rouffaud, directeur commercial et marketing d'Europ assistance France.
L'assistance hors sinistre, un univers en pleine expansion
Il s'agit de l'ensemble des prestations délivrées par un assisteur sans qu'un sinistre en soit l'événement générateur. Selon les contrats et les assisteurs, on retrouve souvent les services ci-après.
- L'aide aux aidants : conseil, gestion du répit, soutien psychologique...
- L'aide à la recherche d'emploi : coaching, rédaction de CV...
- La « télédiagnostie » médicale : monitoring, suivi de retour d'hospitalisation, double avis sur une ordonnance, localisation du spécialiste le plus proche...
- Les services de conciergerie : réservation de billets de trains, pressing, livraison de fleurs....
De l'urgence à l'accompagnement
« Les extensions de garanties représentent un surcoût pour le consommateur, dans un contexte de marché où le prix de nos offres est devenu un critère de décision majeur. Je crains que leur développement soit nettement freiné si les difficultés économiques perdurent », prédit François Josse, directeur général de Fidélia, rejoint par le président du directoire d'IMA, Jean-Dominique Antoni : « La tendance au cocooning et l'envie d'être protégé de tout se heurtent à la pression économique. »
Force est de constater que la part des interventions à caractère d'urgence dans l'activité des assisteurs a tendance à diminuer. Et ce même en automobile, où 80% des interventions concernent des pannes. Europ assistance reconnaît être passé d'une logique axée sur le véhicule à une logique centrée sur l'utilisateur, tout comme Opteven, qui propose en option l'assistance crevaison ou panne de carburant, d'abord liée à une recherche de confort. « Certes, nous n'agissons pas toujours dans l'urgence, mais toujours dans l'immédiateté », tempère Serge Morelli, PDG d'Axa assistance. « L'urgence est l'origine des assisteurs, mais cela n'empêche pas d'étendre aussi de plus en plus notre savoir-faire à l'accompagnement au quotidien », estime pour sa part Thierry Depois, directeur général d'Europ assistance France.
Dan Assouline, PDG de Mondial assistance France « De réactif, l'assisteur devient proactif »
« L'assistance change de visage. Nos clients nous demandent d'aller au-delà de la vente de produits "nus" et il nous faut répondre à cette attente. Les voitures comme les logements sont de plus en plus connectés (intelligence embarquée, domotique, etc.), ce qui induit de nouveaux services d'accompagnement. Nous passons d'une assistance réactive, où l'on attendait les appels, à une assistance proactive, qui devra savoir interpréter les signaux émis par les voitures ou les maisons. Pour des personnes dépendantes ou atteintes d'une maladie chronique (diabète, cholestérolémie...), le système de monitoring représente l'avenir : il nous permettra d'interpréter à distance un électrocardiogramme ou d'être alertés en cas de dépassement d'un seuil, afin d'intervenir ou de donner des recommandations sur la conduite à tenir... »
Des bénéfices partagés
Le développement récent des prestations d'assistance hors sinistre (lire l'encadré page précédente) en atteste, avec en première ligne l'aide aux aidants, fortement plébiscitée par les assurés. Et si cela correspond à un réel besoin, cela permet aussi aux assureurs de se différencier et de fidéliser leurs clients. Ainsi, sachant que le changement de voiture est un moment critique, certains assureurs proposent par exemple, via l'assisteur, une aide à la vente (expertise, devis des réparations éventuelles...) puis une aide à l'achat, avec des bons plans sur les sites d'occasions ou chez les constructeurs.
« Derrière tous ces services, l'objectif est de transformer un client satisfait en un ambassadeur de la marque », confirme François Josse. Outre l'amortissement des coûts d'acquisition, les assureurs voient un avantage financier à « offrir » des prestations d'assistance à leurs assurés. Un exemple frappant est celui de l'assurance emprunteur : « L'accompagnement à la recherche d'emploi proposé par l'assisteur a comme objectif de réduire la durée pendant laquelle l'assureur sera contraint de se substituer à l'assuré pour le paiement de ses mensualités », explique Nicolas Gusdorf.
François Josse, directeur généralde Fidelia « L'assistance est en train de changer de visage »
En quoi le développement de l'assistance hors sinistre change-t-il le métier d'assisteur ? L'arrivée de ces nouvelles prestations dont le déclenchement n'est pas lié à la survenance d'un sinistre est en train de changer totalement le visage de l'assistance. Et cela pour deux raisons. Tout d'abord, cela amène les assisteurs à compléter leurs réseaux de prestataires pour mettre en oeuvre des services nouveaux : il s'agit de les sélectionner, de vérifier sur le terrain la qualité de leurs prestations, de demander un retour des clients... Tout cela exige à la fois du temps, des moyens, et soulève des enjeux opérationnels. Par ailleurs, ces prestations n'étant pas liées à un aléa, les assisteurs doivent adapter leurs principes de tarification des risques. En l'absence d'historique ou de séries statistiques fiables sur la consommation potentielle de certaines prestations, les assisteurs sont contraints d'être prudents et, si nécessaire, d'ajuster leur tarification a posteriori. Ces contraintes constituent-elles un danger pour les acteurs du secteur ? Non, bien au contraire. Ces prestations, si elles correspondent aux besoins de la cible et si elles sont bien tarifées, peuvent constituer un facteur de différenciation et renforcer l'attractivité des offres d'assistance. Néanmoins, comme il s'agit de nouveaux services, il est difficile de prévoir l'évolution de la consommation. L'important est d'être vigilant quant à la qualité des réseaux de prestataires et à la pertinence de la tarification. Cela renforce l'exigence relative au professionnalisme de notre métier, ce qui est une bonne chose à mon sens.
PROPOS RECUEILLIS PAR AURÉLIE NICOLAS
Un concierge pour tout le monde
Depuis quelques années, les services de conciergerie se démocratisent. Avec Visa et American Express comme clients, Axa assistance est l'un des acteurs les plus en pointe sur les services de conciergerie liés aux cartes bancaires. « Le rachat, en 2012, du spécialiste européen du domaine, Whiteconcierge, nous permet de disposer d'une plate-forme reconnue en Europe », explique Serge Morelli.
Même stratégie d'internalisation chez Europ assistance depuis trois ans, avec sa filiale Bien-être à la carte, pionnier et numéro un en France de la conciergerie d'entreprise. Également très présent sur ce marché, Opteven va même jusqu'à proposer l'organisation d'événements de dernière minute. « Nous savons qu'à notre époque, ce qui manque le plus, c'est le temps. Nous offrons la tranquillité, mais aussi la garantie de prestations de qualité », explique Guillaume Cazenave, responsable du marketing d'Opteven. Plus récente en France, mais également en forte croissance, la conciergerie d'entreprise fait son apparition dans les grandes sociétés, notamment celles qui ont fait le choix, pour des raisons immobilières, de quitter le centre-ville pour la périphérie urbaine : pressing, livraison de fleurs, réservation de spectacles... mais aussi assistance juridique ou expertise mécanique constituent autant de services « plus » pour les salariés.
À notre époque, ce qui manque le plus, c'est le temps. Nous offrons la tranquillité.
Guillaume Cazenave, responsable du marketing d'Opteven
Se placer vite sur les nouveaux métiers
L'assisteur est-il encore à sa place dans ce rôle de pourvoyeurs de services ? « Sélectionner et gérer des réseaux de prestataires, réceptionner les demandes sur des plates-formes réactives 24 heures 24 et 7 jours sur 7, cela fait partie de l'ADN de l'assisteur ! Qui est mieux placé que nous pour le faire ? », s'interroge Serge Morelli.
Alors, simple évolution ou nouveau métier ? Les avis sur la question sont partagés. « Sans remettre en cause nos fondamentaux, nous sommes passés de la gestion de l'urgence à l'accompagnement du quotidien de nos clients », confirme Jean-Dominique Antoni d'IMA. « Il s'agit d'une prolongation de notre métier », complète Nicolas Gusdorf. « L'assistance change de visage », estiment au contraire Dan Assouline et Thierry Depois : « On passe de l'exceptionnel au quotidien. Ce ne sont pas les mêmes médecins qui vont juger de la nécessité d'un rapatriement ou qui vont suivre une affection de longue durée. » De ce débat, un élément commun ressort néanmoins : tous les assisteurs sont convaincus de l'enjeu majeur que représentent les services hors sinistre et de l'importance de se positionner sur ce marché le plus vite possible.
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