Des remises en question fertiles

Le terrain sur lequel évoluent les experts d'assurés est en pleine recomposition, une situation qui bouleverse les habitudes mais s'avère propice à l'action et à un renouveau du métier.

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Des remises en question fertiles

Le terme qu'ils utilisent volontiers pour qualifier leur rôle dans le processus de gestion des sinistres : « facilitateur ». Mais

MENACES ET OPPORTUNITÉS

  • Des modes d'indemnisation plus favorables aux assurés mais un flux de gestion des sinistres de masse plus tendu pouvant créer de l'insatisfaction et des besoins de conseil.
  • Une image écornée par les comportements d'une minorité d'acteurs qui pénalisent toute une profession, mais incite également à s'organiser et à agir.
  • Des pistes à explorer dans le domaine de l'estimation préalable et autres prestations en amont de la gestion des sinistres, à condition d'investir et de faire évoluer son modèle.
l'environnement dans lequel ils évoluent ne leur simplifie pas la tâche. Les experts intervenant pour le compte des assurés - particuliers, institutionnels ou entreprises - font en effet face à de nombreux bouleversements.

Comme leurs confrères mandatés par les assureurs, les experts d'assurés ont vu, sur un pan de leur activité, l'expertise après sinistre, leur champ d'intervention se réduire, du fait de la baisse de la sinistralité, un phénomène accentué par l'évolution des besoins de certains de leurs clients. « En risques d'entreprises, observe Stéphane Debeauve, président de Collomé Frères, nous avons commencé, à partir des années 90, à ressentir les effets des efforts réalisés en termes de protection et de prévention des risques ; en parallèle, nos clients ont optimisé leurs techniques d'assurance, ce qui s'est traduit par un essor des sociétés captives et par un accroissement des franchises. Dans ce contexte, l'expertise unique, s'est développée, au profit notamment des experts de compagnie pouvant gérer des volumes importants de dossiers. »

Perte de terrain

Sur le marché des particuliers, ce sont surtout les assureurs qui ont été moteurs des changements. La pratique du règlement de gré à gré a ainsi réduit le champ d'intervention des experts, de même que l'évolution des garanties et l'introduction de nouveaux modes d'indemnisation. « Quand l'assuré bénéficie d'une garantie rééquipement à neuf ou d'une réparation en nature, l'accompagnement d'un expert d'assuré ne se justifie plus vraiment puisque les débats sur la vétusté ou le montant de l'indemnisation n'ont plus lieu d'être », observe Floréal Sanchez, membre de la commission technique IRD du Gema. « Dans les dossiers de masse, objectivement, je ne vois pas ce qu'apporte l'expert d'assuré aujourd'hui », ajoute-t-il.

Cette remise en cause de la contre-expertise sur le périmètre des sinistres de fréquence fait partie des raisons qui ont amené certains assureurs à supprimer de leurs contrats, les garanties honoraires d'experts d'assurés, leur coupant l'herbe sous le pied (lire l'encadré p. 64).

Si certains acteurs, à l'instar des mutuelles, ne proposent quasiment plus cette garantie, ou se réserve la possibilité de la remettre en question c'est aussi parce qu'en risques des particuliers, des comportements abusifs ont sérieusement entaché l'image de la profession. « Certains acteurs, immédiatement après la survenance d'un sinistre en risque de particuliers ont pu faire miroiter à nos assurés sinistrés des indemnités manifestement déconnectées des garanties et des termes contractuels. Ces fausses promesses font naître des attentes qui peuvent générer des difficultés inutiles dans la gestion des dossiers ainsi que de la frustration chez nos clients », observe Franck Le Vallois, directeur indemnisation d'Allianz France, qui n'exclut pas « de reconsidérer les limites et portées de la garantie honoraires d'experts, si nous constatons trop d'abus. »

Pérenniser leur activité, trouver de nouveaux relais de croissance, redorer leur image : autant de défis qui peuvent sembler difficile à relever surtout pour des acteurs de taille modeste. Sur le marché, trois ténors se distinguent : Galtier (37 M€ de chiffre d'affaires), Roux (15 M€) et Collomé Frères (5,5 M€). Ces acteurs évoluent sur un périmètre national voire international essentiellement en risques d'entreprises, un segment de marché sur lequel, la pertinence de leur rôle n'est généralement pas remise en cause par les assureurs (lire pages suivantes).

Le local, un bel atout

En mettant l'accent sur l'estimation préalable des biens assurés, pan de leur activité moins soumis aux aléas que l'expertise après sinistre ; en évoluant vers d'autres prestations telles que le diagnostic immobilier ; et en se dotant de nouvelles capacités d'investissement et de prospection comme l'a fait le cabinet Roux en rejoignant le groupe In Extenso (voir encadré ci-dessus), les ténors du marché s'assurent un avenir plus serein.

Mais les petites structures ont aussi des atouts, surtout quand elles disposent de compétences techniques pointues, qui, associées à leur réactivité, peuvent faire la différence dans des sinistres à fort enjeux techniques. Leur implantation locale s'avère aussi un avantage pour accompagner, en estimation préalable comme en expertise après sinistres, les PME moins aguerries à la gestion des risques que les grands comptes. Pour ces structures de taille modeste, qui ne bénéficient pas de l'antériorité des ténors du marché, la détérioration de l'image de la profession reste un handicap.

Lutter contre cette mauvaise réputation et faire connaître le métier, c'est un des chantiers auxquels s'attelle la Fédération des experts d'assurés (Fedexa). Créée fin 2012, cette organisation qui réunit une trentaine d'acteurs défend l'application de règles déontologiques et travaille en faveur de la professionnalisation du métier. « Les experts doivent être parrainés par deux adhérents, signer une charte et s'engager à favoriser l'amélioration des compétences de leurs collaborateurs », explique Patrick Mantovani, directeur de Cluster Conseils et vice-président de la Fedexa.

Jusqu'à présent, la certification expert évaluateur et assurance (EEA) élaborée par la Compagnie des experts agréés (CEA) et le CNPP a fait peu d'émules. Sur 700 à 800 experts d'assurés ils seraient moins d'une dizaine à avoir décroché ce sésame, alors que parmi leurs confrères intervenant pour les assureurs, la CEA dénombre 400 certifiés. La création d'un label spécifique pourrait être une solution, certains y sont favorables, à l'instar de Patrice Devimeux, président de Dantard Expertises, certifié EEA, « mais cela s'avère difficile à mettre en place dans la mesure où ce label doit être délivré par un organisme indépendant des assureurs ».

Conditionner le déclenchement de la garantie honoraires d'experts à la qualité des prestations de ces derniers ou à un référencement préalable comme le suggère Stéphane Debauve, renforcer leur activité en amont des sinistres à travers l'estimation des biens - longtemps considérée comme un produit d'appel - et plus globalement la gestion des risques, valoriser leur rôle dans le domaine du suivi et du contrôle des réparations, exploiter leurs connaissances des sinistres pour préconiser des mesures de prévention : les experts d'assurés ne manquent pas d'idées, dont certaines pouvant faciliter le travail des assureurs. Reste à les faire germer et grandir.

STÉPHANE DOSNE, PDG du cabinet Roux « Des acquisitions sur des métiers connexes »

En entrant, en 2012, dans le giron d'In Extenso, filiale du groupe Deloitte, spécialisée dans l'expertise comptable, le cabinet Roux, dont certaines entités avaient connu des difficultés, se dote d'une assurance pour l'avenir. En témoigne, l'objectif affiché depuis l'opération : passer de 15 à 25 M€ de chiffre d'affaires en cinq ans. Pour l'atteindre, le cabinet mise sur la croissance interne et des acquisitions « pour couvrir des zones géographiques où nous sommes peu présents et nous positionner sur des activités connexes à l'expertise », précise Stéphane Dosne. D'après le PDG du cabinet Roux, « le métier d'expert d'assurés a peu de chance de subsister seul, étant donnés la baisse de la sinistralité et les investissements à réaliser notamment au niveau technologique. » Outre des capacités d'innovation, In Extenso offre au cabinet Roux, qui compte 80 00 clients, des possibilités de synergies commerciales.

LES MUTATIONS DE LA GARANTIE HONORAIRES D'EXPERTS D'ASSURÉS

Destinée à couvrir les frais engagés par l'assuré - particulier ou entreprise - qui choisit de faire défendre ses intérêts par un tiers, la garantie honoraires d'experts d'assurés prend aujourd'hui différentes formes. Les barèmes, sur lesquels étaient basés les honoraires de la profession, ayant évolué ou ayant été remis en cause pour des raisons de droits de la concurrence, les grilles auxquelles font référence les garanties varient d'un contrat à l'autre ou se résument à un pourcentage du montant des dommages ou de l'indemnisation (5% par exemple) avec des notions de franchise, de plafond ou autres dispositions particulières.

« Aujourd'hui, il n'y a pas deux garanties qui fonctionnent sur le même modèle », souligne Patrice Devimeux, président de Dantard Expertises. Les garanties peuvent être proposées en standard ou en option dans le cadre d'un contrat d'assurance dommages, mais en risques des particuliers, elles tendent aujourd'hui à disparaître. Les mutuelles ne la proposent quasiment plus. Autant de changements qui perturbent voire fragilisent une activité complexe à gérer, car basée sur des événements aléatoires.

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