La concentration mutualiste dans une nouvelle dimension
Concentration des mutuelles Fédérations

Les deux principaux rapprochements mutualistes attendus en cette année 2016 se sont concrétisés cet été : les géants Aesio et MGEN-Istya-Harmonie s’attellent désormais à leur stratégie, alors que le marché de la santé perd en attractivité.
En 2009, il n’y avait qu’une seule mutuelle au-delà du milliard d’euros de cotisations en affaires directes (la MGEN) : les trois premières mutuelles du Top 30 de la Mutualité d’alors accumulaient un peu plus de 3 Md€. Désormais, avec les prochaines unions Aesio et « HarmoGEN » (le véritable nom de l’union mutualiste de groupe MGEN-Istya-Harmonie sera connu avant la fin de l’année), le Top 3 représente plus de 8,3 Md€ d’affaires directes, soit un quasi-triplement en seulement… six années !
Le contexte a bien changé entretemps, du fait de la concentration des mutuelles, passées de 844 à 560, selon les comptages de l’ACPR. Le leadership des mutuelles sur l’assurance santé, de plus en plus contesté par les institutions de prévoyance et surtout les assureurs, pousse à la recherche de la taille critique, boostée par l’entrée en application de Solvabilité 2. La réforme de la généralisation de la complémentaire santé pour les entreprises a, de plus, modifié les règles du jeu dans un laps de temps assez réduit.
L’union des mutuelles interprofessionnelles que constitue Aesio, imaginée dès 2014, a ainsi été approuvée par l’assemblée générale constitutive le 5 juillet 2016. Regroupant, pour l’heure, Adréa, Apréva et Eovi MCD, Aesio s’enrichira en 2017 de l’UMG Solimut : le tout représentera, à terme, plus de 2 Md€ de cotisations santé annuelles en affaires directes et grimpera au deuxième rang du Top Santé, loin derrière l’UMG MGEN-Istya-Harmonie.
Aesio, un nouveau n° 2
«Ce choix de rapprochement témoigne d’une volonté partagée d’Adréa, Apréva et Eovi MCD de s’appuyer sur leurs similarités de valeurs», explique Maurice Ronat, président du groupe Aesio et de la mutuelle Eovi MCD. Et de citer, pour justifier ce rapprochement, «les complémentarités régionales des mutuelles et leur portefeuille équilibré entre individuel et collectif». Les trois mutuelles fondatrices d’Aesio font partie des organismes dont les portefeuilles santé sont les plus équilibrés, la santé collective représentant près de 40 % de leur chiffre d’affaires global (36,8 % sans Solimut, 39,2 % avec). Des pourcentages qui ne se retrouvent que chez Harmonie Mutuelle et la Mutuelle Générale, au contraire de la galaxie Istya.
«Les mutuelles fondatrices du groupe Aesio couvrent aujourd’hui 40 000 entreprises», détaille le directeur général du groupe, Emmanuel Roux. Des ordres de grandeur amenés à croître, avec la création d’une direction du développement au sein du groupe : «elle se déploiera auprès des grands comptes, des branches professionnelles et du courtage» détaille Emmanuel Roux. Et au-delà de Solimut, le groupe Aesio conserve une vocation d’expansion : «En parallèle, l’UGM Solead, rebaptisée Aesio Union, a pour objectif de devenir un pôle mutualiste d’attractivité et nous devrions avoir rapidement une évolution», note Maurice Ronat.
MGEN-Istya-Harmonie, à la croisée des chemins
Si Aesio se propulsera à terme au second rang des classements de la santé et de la Mutualité, il restera largement distancé par l’UMG MGEN-Istya-Harmonie et ses 5 Md€ de cotisations santé en affaires directes. Cette logique de croissance a, dans ce cas, une visée politique. «La création d’un groupe de cette taille est un puissant levier pour agir sur la rénovation du système de santé», justifiait ainsi le premier président de cette UMG Joseph Deniaud (Harmonie Mutuelle) : le lancement de l’UMG s’accompagne ainsi d’une union des services de soins et d’accompagnement mutualistes (union des SSAM), afin de peser sur l’offre de soins.
Un besoin croissant de diversification
«Attention à l’auto-enfermement des mutuelles sur la santé», prévenait récemment le nouveau président de la Mutualité française Thierry Beaudet, toujours président de la MGEN. Si le marché de la santé individuelle, bénéficiaire, ne s’effondre pas encore avec la réforme de la généralisation, le développement de la collective, structurellement peu rentable, pousse les acteurs mutualistes à trouver leurs marges ailleurs. Avec des questionnements différents pour l’union Harmonie Mutuelles (43,4 % du CA en santé collective) et le groupe Istya (3,4 % du CA seulement). Leurs mutuelles destinées à la fonction publique pourraient affronter une nouvelle concurrence lors de la seconde vague de référencements en santé/prévoyance des ministères.
Pas surprenant, par conséquent, de voir figurer, dans les huit chantiers stratégiques lancés avec la création de l’UMG, une ligne directrice spécifique sur le développement multimétier. «Nous souhaitons accélérer sur la prévoyance et nous positionner à plus grande échelle sur l’épargne-retraite», confirme François Venturini, directeur général du groupe Harmonie et futur directeur général de l’UMG. Plus globalement, c’est l’ensemble du spectre de la protection sociale qui est visé, incluant, par exemple, la dépendance. «La structuration de ces activités sera exercée au niveau de l’UMG : les mutuelles membres s’appuieront sur ces réponses groupe pour développer le multiéquipement», explique François Venturini. Se pose aussi la question de Mutex sur le champ de la prévoyance (collective et individuelle) : le pacte d’actionnaires entre Adréa, Apréva, Eovi MCD, Harmonie Mutuelle et Ociane expire le 31 décembre 2016. «Nous souhaitons prendre le contrôle du capital de la structure qui a vocation à rester au service de distributeurs extérieurs au groupe» confirme François Venturini. Les discussions sont toujours en cours mais, comme le note Maurice Ronat, «le pacte évoluera certainement».
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2 Le rang d’Aesio dans le classement de la Mutualité, mais aussi dans celui de la Santé (en incluant Solimut). Avec un peu plus de 2 Md€ de cotisations, il devancerait de peu AG2R La Mondiale, Groupama, Axa France et Malakoff Médéric.
Source : « Top Santé 2016 » de L’Argus -
5 Md€ L’encaissement santé en affaires directes de l’UMG MGEN-Istya-Harmonie en 2015.
Source : « T op Santé 2016 » de L’Argus -
43,5 % Le poids des trois leaders mutualistes (MGEN-Istya- Harmonie, Aesio et la Mutuelle générale) au regard du CA santé de l’ensemble des mutuelles. En 2009, il n’était que de 18,3 % (MGEN, La Mutuelle générale et Prévadiès) !
Source : fonds CMU – Classements L’Argus
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