La protection juridique plaide sa cause
Sortie de l’ombre, l’assurance de protection juridique a gagné en notoriété, auprès des particuliers comme des entreprises. Rançon de cette nouvelle aura, cette branche de l’assurance dommages travaille désormais à la préservation de ses équilibres techniques dans un environnement réglementaire et judiciaire hostile.
40%
Le taux d’équipement des ménages français en PJ (monocontrats ou garantie en inclusion).70%
La part des Français qui connaissent la possibilité de souscrire des garanties offrant un service dans l’accompagnement et le traitement amiable ou judiciaire des conflits de la vie courante.Source : Marché
500 000
Le nombre de litiges pris en charge chaque année par l’assurance PJ.Source : Marché
70%
La part des litiges de particuliers dans le marché de l’assurance protection juridique.Source : Groupement des sociétés de protection juridique
75%
La part des litiges résolus à l’amiable.Source : Marché
La rançon du succès
800 €
Le coût moyen d’un litige en phase amiableSource : Marché
1 200 €
Le coût moyen d’un litige en phase judiciaireSource : Marché
Le salut hors la justice
Les compagnies ont identifié trois axes pour mieux maîtriser le ratio sinistres sur primes : la prévention, l’information juridique et la résolution amiable des litiges. Axa PJ a parié sur la première approche pour augmenter son taux d’équipement des professionnels, en les sensibilisant aux nouveaux risques liés à la cyberconsommation (injure, dénigrement sur les réseaux sociaux, atteinte à l’e-réputation). « Le professionnel est invité à évaluer son niveau d’exposition au risque numérique, à se comparer à ses pairs. Il aura la capacité de surveiller ce qu’on dit de lui sur le Net en créant son propre outil de veille, avec un système d’alertes», détaille Jean-Matthieu Lambert, directeur général d’Axa PJ.
Quant à l’information juridique, les assureurs préfèrent s’appuyer sur leurs propres ressources pour optimiser les coûts et désamorcer toute dérive vers le litige. Civis, qui dispose d’une équipe d’une quinzaine de juristes intervenant en amont, compte développer un site dédié, tandis que Groupama PJ admet que « l’information juridique par téléphone (130 000 délivrées chaque année) nous permet de maîtriser la sinistralité ». Reste que le véritable axe stratégique est la résolution à l’amiable. Ses avantages ne manquent pas : limitation des frais externes, simplification des démarches et, accessoirement, réduction des délais. D’autant « que si la durée moyenne de traitement en justice d’un litige est de deux ans, on la réduit à six mois à l’amiable », indique Marie-Hélène Reynal, chef de produit MRH à la Maif. Au-delà de la maîtrise de la charge de sinistres, les assureurs de PJ se préparent également à être la cible prochaine de la Chancellerie dans l’épineux dossier du financement de l’aide juridictionnelle. L’enjeu est de trouver d’autres solutions depuis la suppression, sous la présidence Sarkozy, du droit de 35 € sur les actes judiciaires, qui avait permis de récolter près de 60 M€. Problème : les besoins en financement de l’aide juridictionnelle sont évalués aujourd’hui à 300 M€. Le cabinet de Christiane Taubira, qui pourrait remettre à plat le dispositif d’ici à 2015, plancherait sur une contribution appliquée sur les contrats d’assurance de PJ. Cela n’est pas sans susciter l’ire des acteurs du marché. «L’aide juridique relève de la solidarité nationale, alors que l’assurance de PJ est un mécanisme assurantiel classique, qui relève de la mutualisation. Ce serait inéquitable d’envisager de faire contribuer, par le biais des assureurs, les seuls assurés PJ », relève Hubert Allemand. D’autant que, et c’est là le paradoxe, deux affaires sur trois relevant de l’aide juridictionnelle concernent le contentieux pénal et les procédures portées devant le juge aux affaires familiales (divorce), c’est-à-dire hors du champ de la protection juridique.
Un chiffre d’affaires en croisaacee de prés de 90% en neuf ans
Le marché de l’assurance de protection juridique en France progresse en moyenne de 5% par an depuis dix ans. Une accélération est perceptible depuis l’entrée en vigueur de la loi du 19 février 2007 qui a réformé cette branche. |
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La PJ est un outil de fidélisation, d’autant plus avec l’augmentation des infractions de tous ordres et des litiges.
Corine Monteil, directrice générale de nousassurons.com
Les effets de la loi du 19 février 2007
Le libre choix de l’avocat : cette disposition a contribué à mettre un terme aux accords de rémunération passés entre les assureurs et les cabinets d’avocats. Désormais, c’est l’assuré qui contacte son défenseur, y compris en phase amiable.
La libre détermination des honoraires d’avocat entre ce dernier et son client : en l’absence de barèmes de rémunération, le montant des honoraires s’est envolé. L’assuré doit alors supporter un reste à charge. Pour limiter cet effet, la plupart des compagnies ont procédé à des augmentations tarifaires entre 2007 et 2010, en moyenne entre 2 et 3% par an.
La possibilité, pour un assureur, de proposer un avocat, mais « l’assureur ne peut proposer le nom d’un avocat à l’assuré sans demande écrite de sa part. » Les compagnies ont donc conservé des fichiers d’avocats auprès desquels ils orientent les assurés. Si le libre choix de l’avocat par l’assuré est le principe, sa désignation par l’assureur devrait donc être l’exception. Or, dans les faits, c’est l’inverse qui se produit. Les particuliers s’en remettent le plus souvent à leur assureur de protection juridique pour la désignation de l’avocat.
BERNARD CERVEAU, DOCTEUR EN DROIT ET AVOCAT À LA COUR
« La PJ contribue au mouvement de déjudiciarisation de la société »
Que peut-on dire de l’engorgement des juridictions françaises ?
Malgré des discours officiels apaisants, l’activité des juridictions est toujours en forte croissance. Au civil, les affaires portées devant les juridictions de première instance ont progressé de 31,2% entre 2000 et 2010. La faiblesse de l’accroissement du nombre des magistrats (de 8 008 en 2001 à 8 785 en 2010) est révélatrice des difficultés que rencontrent les Français à faire valoir leur droit devant les tribunaux, d’où l’intérêt du recours aux avocats et, bien sûr, à l’assurance de protection juridique qui lui permettront d’aboutir à des accords à l’amiable.
Face à cette augmentation chronique des affaires portées devant les juridictions, quels rôles jouent les assureurs de PJ ?
En réglant à l’amiable plus de 75% des quelque 500 000 litiges qui leur sont déclarés annuellement, les assureurs de protection juridique procurent une solution qui permet d’aider le consommateur assuré à accéder au droit et à la justice sans nécessairement passer par le procès. La protection juridique contribue ainsi au mouvement de déjudiciarisation prôné dans le rapport sur le juge du XXIe siècle (1).
La loi du 19 février 2007 a-t-elle permis de décharger le budget de l’aide juridictionnelle ?
Cette loi a institué la subsidiarité de la protection juridique par rapport à l’aide juridictionnelle. Or, il apparaît que les justiciables pouvant prétendre au bénéfice de cette aide sont peu nombreux à effectuer préalablement une déclaration de sinistre à leur assureur pour obtenir une prise en charge du coût du procès. Par ailleurs, les bureaux d’aide juridictionnelle ne possèdent généralement pas les éléments d’information qui leur permettraient d’agir efficacement. Une telle situation s’explique pour partie par une inadéquation entre les litiges pris en charge par l’assurance de protection juridique et ceux traités dans le cadre de l’aide juridictionnelle, dont le plus grand nombre relatif au droit pénal et au droit des personnes, qui ne sont pas toujours garantis par les contrats. 1. Rapport remis au ministre de la Justice en décembre 2013.
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