La réassurance séduit les investisseurs

Sans être la poule aux oeufs d'or, la réassurance, y compris dans ses formes les plus alternatives, convainc les investisseurs désabusés par les marchés financiers. Pour l'heure, rien ne semble pouvoir perturber en profondeur le statu-quo tarifaire qui règne sur le marché.

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  • 10% Le ROE moyen du secteur au cours des cinq dernières années.
  • 15% La proportion des capacités de réassurance en provenance des marchés non traditionnels.
Jusqu'ici, rien n'aura ébranlé la solidité du marché de la réassurance. Ni la crise financière, ni même les événements de l'année 2011 n'auront réussi à entamer les fonds propres, ni à réduire les capacités de ce marché. Marché dont les primes ont augmenté depuis 2007 de 21% soit 230 milliards de dollars (174 milliards d'euros), les dix premiers réassureurs mondiaux encaissant pour 137 milliards de dollars (104 milliards d'euros) de primes en 2012. C'est dire si le marché de la réassurance dont la croissance (+5%) reste supérieure à celle de l'assurance (+1%) est en capacité*... Voire en surcapacité.

Afflux de capitaux

Jamais le secteur n'aura attiré autant d'acteurs. Réassureurs, mais aussi fonds de pension et fonds de private equity abondent vers les « véhicules alternatifs » (side car, ILS**) et autres titrisations. « Les émissions se sont accélérées au cours des deux ou trois dernières années, contribuant à l'afflux de capacités supplémentaires en provenance des marchés de capitaux. L'élément catalyseur a été le faible niveau des taux d'intérêt, les cat bonds présentant des rendements supérieurs et diversifiants », observe Emmanuel Clarke, directeur général de PartnerRe Global. Et d'ajouter que « l'on estime aujourd'hui la proportion de capacités en provenance des marchés non traditionnels à environ 15% des besoins de capacité à l'échelle mondiale ».

CONSOLIDATION À L'HORIZON ?

« La surcapacité des marchés traditionnels, amplifiée par l'abondance et l'appétit des marchés de capitaux, risque de mettre sous pression les plus petits acteurs, par définition moins diversifiés, et n'ayant pas la taille critique », observe Emmanuel Clarke, directeur général de PartnerRe Global. Son pronostic ? « On peut penser qu'une consolidation de marché est en vue, d'autant plus que les valorisations boursières du marché de la réassurance sont proches des valeurs comptables des sociétés », prédit-il. Il n'est pas le seul à envisager un mouvement de concentration qui pourrait même toucher l'ensemble du marché de la réassurance. « Aucune tendance ne se remarque actuellement mais cela devrait intervenir un jour ou l'autre car les réassureurs ne cessent de voir leur marge baisser. À titre d'exemple, ils ont perdu en cat'nat de 4 à 5% de marge ! », remarque Stephan Knipper, CEO d'Axis Re.

Appétit des investisseurs

Ce regain d'intérêt pour la réassurance, y compris sous ses formes alternatives, s'expliquerait donc avant tout par la morosité ambiante sur les marchés des capitaux ? « Dans l'environnement de faibles taux d'intérêts actuel, la réassurance fournit une option attrayante pour déployer le capital avec des retours relativement bons », avance Dennis Sugrue, analyste chez Standard et Poor's, précisant que le secteur global de la réassurance a généré un ROE (rendement des fonds propres) d'environ 10% au cours des cinq dernières années.

Sur la base de l'émission récente de Groupama (2,75% pour une échéance à 3-4 ans) en juillet dernier, il ressort un différentiel significatif avec l'emprunt d'État de même échéance (0,5% à 0,8%).

Marc-Philippe Juilliard, directeur senior chez Fitch Ratings.

La réassurance séduit sur toutes les lignes... même là où l'on ne s'y attend pas, comme l'auto. « La surcapacité touche également ce marché où la matière assurable n'est pourtant pas en croissance. Nous sommes en effet en présence d'acteurs nouveaux qui voudraient entrer sur le marché de la réassurance auto », remarque Catherine Bourland, directrice générale de Aon Benfield France.

Néanmoins, le terrain de jeu privilégié reste la réassurance catastrophe qui attire les intervenants les plus divers. « Les fonds alternatifs sont principalement financés par des fonds de private equity et des fonds de pensions à la recherche de rendements décorrélés des marchés financiers et supérieurs aux niveaux actuels sur des obligations d'État ou privées », relève Thomas Fossard, directeur european insurance equity research chez HSBC.

PLUSIEURS GÉNÉRATIONS D'ACTEURS : DES CAPACITÉS EN PERPÉTUEL RENOUVELLEMENT

  • FIN 80 : LES PREMIERS BERMUDIENS Première vague de Bermudiens nés du besoin en réassurance RC des dirigeants (Ace, XL...).
  • 2001 : LES POST WTC Une deuxième vague de Bermudiens naît sur les décombres du WTC et du déficit en assurance terroriste (Endurance, Axis Re...).
  • 2004 : LES POST KATRINA Une troisième vague de Bermudiens apparaît dans le « sillage » de Katrina et du besoin en réassurance catastrophe (ValidusRe, qui rachète IPCre en 2009...).
  • 2010 : LA CLASSE ZURICHOISE Après Arch Re, Ace Holding, PartnerRe et New Re en 2009, d'autres Bermudiens (Tokio Millenium, NovaeRe, AmlinRe, et CatlinRe) s'installent en Europe et se dédient aux expositions non-cat. Il s'agit de la classe zurichoise. La ville suisse compte aujourd'hui pas moins de 40 entités juridiques. Ces réassureurs, pour la plupart passés par « l'école SwissRe », sont appréciés pour leur technicité et leur professionnalisme. Ils sont pourtant moins dotés en capital que leurs grands frères.
  • 2013 : LES ASIATIQUES ENTRENT EN LICE Aujourd'hui le capital provient également d'Asie (ChinaRe CoreanRe). À signaler que le top ten de la réassurance doit désormais composer avec China Re qui se place au 8e rang mondial (6,7 milliards de dollars de primes).* *

    Source : APREF

Banalisation de la réassurance cat'

Ces formes de réassurance, qui empruntent la voie des capitaux alternatifs (ILS**, ILWs***...), attirent pour leur souplesse et leur horizon de temps défini. « Les investisseurs savent qu'ils devraient récupérer leur mise, comparé à la dernière génération de start-ups où les investisseurs de private equity ont eu des difficultés à retirer leurs fonds après trois ou cinq ans », décrit Dennis Sugrue.

Cet engouement pour la réassurance catastrophe n'est cependant pas sans conséquence pour les réassureurs classiques. « Si les marchés des capitaux banalisent tant la réassurance catastrophe, vous pourrez voir des réassureurs devenir uniquement des conduits pour faciliter la fourniture en capitaux à leurs cédantes et en risques aux marchés des capitaux. Avec dans ce scenario un modèle économique davantage basé sur le revenu », expose Dennis Sugrue. Il ne s'agit pour l'instant que de conjectures.

Si les marchés des capitaux banalisent tant la réassurance catastrophe, vous pourrez voir des réassureurs devenir uniquement des conduits pour faciliter la fourniture en capitaux à leurs cédantes et en risques aux marchés des capitaux. Avec dans ce scénario, un modèle économique davantage basé sur le revenu.

Dennis Sugrue, analyste chez Standard et Poor's.

Pour autant, ces capacités alternatives qui restent cantonnées aux périls US, aux tsunamis et aux tempêtes Europe, pourraient être rattrapées par leur succès... la chute des prix risquant de menacer ces solutions alternatives. « Dans ce marché en surcapacité, il existe une conjonction de facteurs en faveur d'une baisse de tarification. En tempête, le marché a enregistré une baisse significative des taux de l'ordre de 10% environ (entre 5 et 10% pour la France). Les renouvellements des programmes tempêtes nord-américains et notamment en Floride ont subi en juillet dernier des baisses tarifaires allant jusqu'à 25% », note Jean-François Delon, directeur réassurance France auprès de Towers Watson.

Gunther Saackez, CEO de QRE « Nouvelle génération de réassurance »

  • Quelle place peut prendre un nouveau venu comme QRe sur un marché surcapacitaire ?
    D'abord, cette surcapacité ne date pas d'aujourd'hui mais des années 2005/2006. QRe, qui s'était jusqu'à présent limité géographiquement à la zone Moyen-Orient/Asie s'est diversifié géographiquement par marchés mais aussi par lignes de produit. Nous nous engageons sur des branches spécifiques comme les risques agricoles, l'ingénierie, le crédit caution ou encore l'aviation/marine, en cat' bien entendu mais aussi en excess of loss en RC. Lors des six derniers mois, nous nous sommes positionnés partout dans le monde sur des marchés clés.
  • En quoi vous distinguez-vous des réassureurs bermudiens ?
    Les Bermudiens n'ont commencé qu'il y a deux ou trois ans à diversifier leurs activités et ce, avec beaucoup de peine. Nous nous sommes d'emblée engagés sur ces marchés grâce à une équipe de 80 personnes dont la moitié dotée d'une formation actuarielle mais aussi en souscription et en produit. On peut parler d'une nouvelle génération de réassurance qui reprend l'idée de souscription qui s'était délitée dans le temps entre le marketing, le produit et l'actuariat. Enfin, nous détenons un actionnariat largement enraciné dans les pays du Moyen-Orient dont la vision, un peu anachronique aujourd'hui, est une vision à long terme. Ce qui se prête parfaitement à la réassurance.

    PROPOS RECUEILLIS PAR M.L.

Pérennité des nouvelles capacités

Au-delà du facteur prix et donc in fine de la marge dégagée, c'est la configuration même de ces solutions qui pourrait hypothéquer leur pérennité. « Ces nouvelles capacités sont maintenant bien établies, même si l'on peut se poser la question de leur pérennité en cas de fréquence élevée de sinistres catastrophiques majeurs, et notamment dans un scénario de remontée des taux d'intérêt », s'interroge Emmanuel Clarke.

UN MARCHÉ CONCURRENTIEL... MAIS RATIONNEL

Le Global Reinsurance Forum fêtera cette année ses quatre ans d'existence. Cette association présidée tour à tour par l'un des dix principaux réassureurs qui y adhèrent se trouve placée cette année sous l'égide d'XL. Conçu avant tout comme un outil de lobbying face aux régulateurs et aux instances politiques, le GRF a inscrit son action contre les barrières commerciales imposées dans certains pays, et milite pour un mode de surveillance macro-prudentiel. Il se défend en revanche d'être une plateforme de concertation tarifaire et stratégique pour ses membres. Comme l'assure un réassureur, « même détenant des lignes d'affaires importantes et de grosses parts de marché, cela ne nous empêche pas de nous livrer, entre nous, à une concurrence farouche ».

Il en faudrait cependant davantage pour rebattre les cartes de la réassurance actuelle. « La seule chose qui pourrait dramatiquement changer la donne serait un événement majeur qui aurait de graves retentissements sur la valeur des actifs, une crise financière par exemple qui aurait un impact sur la capitalisation de notre branche », estime Jean-Jacques Henchoz, directeur des marchés Europe, Afrique et Moyen-Orient chez Swiss RE. Ou une nouvelle catastrophe majeure, de type Katrina qui, là, peut-être, toucherait les capacités.

* Chiffres Apref.
** ILS - Insurance Linked Securities (obligations catastrophes).
*** Industry loss warranty : produit dérivé offrant une protection lorsque le total des pertes d'un secteur, suite à un événement donné, dépasse un montant prédéterminé.

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