La reprise est là
L'optimisme semble de retour chez les directeurs des systèmes d'information (DSI) : seuls 4 % estiment que les investissements informatiques de l'assurance vont baisser en 2010. Ils étaient 22 % à le penser en 2009... Près de la moitié table même sur une augmentation des budgets. Cependant, même lorsqu'ils voient leurs investissements croître, les DSI doivent faire la chasse aux coûts récurrents. Par exemple, le budget informatique de Maaf assurances augmentera globalement de 7 % en 2010, mais, derrière ce chiffre se cachent des situations très disparates : les applications métiers vont croître de 18 %, alors que les projets techniques et d'infrastructure vont chuter de 19 % et les investissements en matériels et logiciels se réduire de 5 %. Chez Swiss Life, depuis 2008, les budgets informatiques sont stables. « Nous devons continuer le développement de l'activité, à "isobudget", tout en maîtrisant les coûts de fonctionnement », constate Jean-Marc Lucas, DSI du groupe. Pour cela, il lui faut remettre en concurrence les prestataires, rationaliser ses architectures, etc. « C'est un ensemble d'initiatives qui, prises isolément, ne représentent pas grand-chose, mais qui, globalement, permettent de réaliser des économies. »
Car les directions informatiques croulent sous des projets aussi divers que variés. Frank Mouchel, le directeur d'Axa France services, entité interne de conseil et de services, cite pêle-mêle « des outils de gestion de la relation clients et d'aide à la vente pour nos distributeurs, la refonte de notre back-office et de notre site Axa.fr, à partir duquel nos clients peuvent acheter des produits auto, santé et protection juridique, demander à être recontacté par un agent... »
Intégrer est plus coûteux que développer
Le premier critère cité par les assureurs pour justifier leur décision d'investissement est toujours l'amélioration de la qualité des produits et services proposés aux clients. Un DSI sur deux considère que les investissements applicatifs vont augmenter en 2010. Les dommages sont jugés prioritaires, mais la gestion de la relation client et la distribution restent dans le peloton de tête. En matière de distribution, la priorité va à la mise en place de services Internet pour les distributeurs et les coutiers (55 %), au multicanal (52 %) et à l'équipement des collaborateurs avec des outils mobiles (45 %). « Nous investissons beaucoup pour aider nos différents canaux de distribution à se développer, confirme Frank Mouchel. Nous avons un programme important pour donner à plus de 1 000 distributeurs des outils d'analyse de patrimoine, d'aide et la vente, de segmentation clients... plus interactifs. »
Une communication multicanal implique le partage de l'information entre les centres d'appels, les distributeurs et le client final, afin de disposer d'une vision transversale et unifiée des clients. Cela nécessite souvent de revoir l'architecture du système d'information, qui n'a pas été conçu pour cela... Par exemple, Axa a lancé en avril une application permettant à un client de déclarer un sinistre automobile depuis son iPhone. L'assureur, pour ne plus avoir à ressaisir les informations envoyées, va intégrer l'application dans son système d'information. Cette intégration coûtera bien plus cher que le développement de l'application mobile elle-même. « En informatique, 20 % du budget d'un projet permettent de développer 80 % des fonctions. Ce sont les 20 % des fonctions restantes qui coûtent le plus cher », résume Franck Mouchel.
Externaliser faute de ressources internes
Par ailleurs, cette année, le secteur se mobilise plus fortement sur la mise en application de Solvabilité 2, qui va avoir des impacts sur les systèmes comptable et d'actuariat, ceux opérant des services de flux, la gestion des risques... « La majorité des assureurs en sont aux études d'impacts ou commencent à lancer les travaux de mise en oeuvre, note Jean-François Gasc, responsable du secteur assurance d'Accenture France. Seule une petite minorité s'oriente vers des projets majeurs de refonte des systèmes financiers et de synthèse. »
Face à tous ces projets, les DSI sous-traitent de plus en plus : près de trois sur quatre déclarent avoir des projets d'externalisation en cours ou prévus dans les deux ans pour le développement d'applications. La moitié a des projets de tierce maintenance applicative et un tiers prévoit l'externalisation de ses infrastructures. Raisons invoquées : le manque de ressources et de compétences technologiques en interne. « Nous cherchons à externaliser principalement les fonctions standards qui n'apportent pas de valeur ajoutée à les effectuer en interne », ajoute Jean-Marc Lucas. Par exemple, il sous-traite la plupart des projets de développement de portails Internet pour ce qui est du design ou des interfaces de présentation. « En revanche, nous conservons tout ce qui est en lien avec nos métiers, comme les systèmes de productions, qui nécessitent une expertise fonctionnelle pointue liée à la connaissance des contrats. »
On le voit, les DSI ne manquent pas de projets. La reprise des investissements devrait leur donner une bouffée d'oxygène.
DEUX QUESTIONS À : Jean-François Gasc
Responsable du secteur Assurance d’Accenture France
Où en sont les investissements informatiques des assureurs ?
On peut noter une nette amélioration par rapport à 2009, puisque près d'un directeur des systèmes d'information sur deux prévoit, pour 2010, un accroissement des investissements informatiques dans le secteur. Ils n'étaient que 19 % à le penser l'an passé. Cependant, on est encore en dessous des niveaux de 2007 et 2008, où 74 % et 62 % tablaient sur une hausse des investissements.
Comment expliquez-vous cette relative reprise ?
Le secteur de l'assurance a bien résisté à la crise financière. Certains domaines, comme les activités vie, ont néanmoins connu une franche baisse de leur chiffre d'affaires, donc de leurs investissements informatiques. Le secteur relance ses investissements avec trois priorités : les applications métiers en dommages, Internet la distribution multicanal, et également les aspects réglementaires liés à Solvabilité 2. Les assureurs ont besoin de l'informatique pour produire. Leur système d'information, c'est l'équivalent des usines pour les industriels !
TÉMOIGNAGE
Jean-Pierre Giquel
Directeur des systèmes d’information de Maaf assurances
«Nous externalisons certaines applications métiers trèsverticales»
« Pour certains besoins, externaliser une partie de notre système d'information nous permet d'aller plus vite et nous coûte moins cher. Par exemple, nous avons mis en commun des applications métiers, comme la finance ou l'immobilier, avec Covéa, nous mutualisons le système d'assurance vie avec un autre assureur... Nous externalisons également des métiers très spécifiques, comme l'assurance emprunteur, en nous appuyant sur un courtier spécialisé... Nous avons donc recours à des prestataires qui développent, hébergent et gèrent pour nous ces applications métiers très verticales. »
Philippe Renault
Directeur des systèmes d’information de BNP Paribas Assurance (en France et à l’international).
« Pour nous, Solvabilité 2 n'a pas seulement une dimension réglementaire. Nous voulons l'utiliser pour suivre la performance de l'entreprise, et en tirer parti pour ajuster les processus. Nous avons acheté et commencé à intégrer la solution logicielle qui va nous permettre de collecter l'information de façon industrialisée et tracer la performance de l'entreprise de bout en bout. Il y a un gros travail pour rendre les données cohérentes et de qualité. Le premier lot devrait être opérationnel courant 2011. Nous ne voulons pas prendre de retard, sachant qu'en tant que groupe bancaire, nous profitons du retour d'expérience de Bâle 2. »
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