Le Régime social des indépendants déstabilise les mutualistes
Décryptage Union mutualiste de groupe (UMG)

Le Régime social des indépendants (RSI) entend faire évoluer ses règles de conventionnement avec les organismes assureurs. Conséquence : l’obligation pour les 18 mutuelles concernées de nouer de nouvelles alliances.
Nouveau chambardement pour le monde mutualiste. Les mutuelles actuellement conventionnées avec le RSI, via une délégation de gestion (voir encadré), devraient voir les règles du jeu changer dans les prochaines années. Le seuil minimum pour être conventionné devrait passer de 23 000 personnes (assurés et ayants droit) aujourd’hui… à 600 000 d’ici 2020.
Éventé en juin, le projet de décret instaurant cette réforme s’inscrit dans le cadre de la mise en place de la protection universelle maladie (Puma) : s’il n’a toujours pas été publié, les organismes assureurs se sont déjà emparés du sujet. En effet, alors que les assureurs couvrent 2,4 millions de personnes via la RAM (Réunion des assureurs maladie (1)), aucune des 18 mutuelles de l’Arocmut, n’atteint ce futur seuil.
Si Harmonie s’en approche (580 000), l’heure des négociations est en tout cas ouverte pour constituer les deux futurs ensembles... voire trois, d’un strict point de vue mathématique puisque les mutuelles couvrent au total 1,7 million de travailleurs indépendants. L’hypothèse d’un trio plutôt qu’un duo « est très peu probable », note le président du directoire de l’Arocmut, Jean Pébrier, même si le nombre d’assurés des organismes conventionnés serait sous-évalué « de 10 à 12 % » en raison des personnes en situation de maintien de droits (veuvage, détention, divorce).
Fédérer les mutuelles
La nouvelle union mutualiste de groupe (UMG) Aesio s’est d’ores et déjà placée : elle couvre 350 000 personnes via Adrea, Eovi MCD et Mutuelle de France Plus (Solimut, dans l’UMG en 2017). « Nous souhaitons travailler avec toutes les mutuelles intéressées pour parvenir à une réponse commune qui permette aux mutuelles qui le souhaitent de travailler ensemble tout en préservant leur indépendance », indique à L’Argus le président d’Aesio Maurice Ronat, opération qui pourrait être réalisée via l’organisme conventionné Solead Professions Indépendantes.
Mais le contexte n’est pas le même pour Harmonie, tout proche du seuil et en position de force, et pour Aesio toujours en structuration et plus dépendant des autres mutuelles concernées. En sachant que ces deux acteurs sont en pleine renégociation de l’actionnariat de la société Mutex. « La majorité des mutuelles a peur de l’ogre Harmonie », prévient un proche du dossier : de fait, l’écrasante majorité des 14 autres mutuelles conventionnées pourrait s’inscrire dans l’initiative d’Aesio, sur des bases de discussion encore embryonnaires aujourd’hui. « Nous sommes obligés de nous entendre », prévient un mutualiste concerné, qui évoque une « conférence des non-alignés ». Ces mutuelles, majoritairement régionales ou liées à des groupes de protection sociale, refusent de perdre leur indépendance.
Mutuelles et assureurs gèrent les prestations maladie des indépendants
- Le régime maladie des travailleurs non-salariés a toujours délégué sa gestion de base à des assureurs ou des mutuelles, aujourd’hui représentés respectivement par la Roca (Réunion des organismes conventionnés assureurs) et l’Arocmut (Association de représentation des organismes conventionnés mutualistes). Depuis la mise en place de l’Interlocuteur social unique (ISU), en 2008, les organismes conventionnés (OC)ne gèrent plus que les prestations, à l’exception des professions libérales dont ils encaissent toujours les cotisations.
- Pour l’heure, si la Roca ne représente qu’un seul OC, la RAM, l’Arocmut regroupe 18 mutuelles : Harmonie, Aesio (Adrea, Eovi MCD et Mutuelles de France Plus/Solimut), Viasanté (AG2R La Mondiale), Mutuelle Bleue, MBA Radiance (Humanis) et UMCAPI (Apivia, groupe Macif) et des régionales : Mutuelle Santé des Indépendants en Champagne-Ardennes, Prévifrance et Union MTNS Sud-Ouest/Ociane (sud-ouest), Mut’Est, Groupe Mutualiste de l’Est et Agir Mutuelles (est), Mutuelle La Confiance pour le Var, Mutuelles du Soleil (sud), Avenir Santé Mutuelle dans la région parisienne et l’UTIM dans le centre et le sud-ouest.
Vers une multiplication d’initiatives ?
C’était toutefois sans compter sur d’autres initiatives parallèles à celle d’Aesio, notamment celle de l’Union Nationale Mutualiste Interprofessionnelle (UNMI). L’Union, jusqu’il y a peu absente du champ de la santé, s’est investie sur le dossier de l’Aide à la complémentaire santé (ACS) en 2015… et s’est proposé de créer une union technique sur la question du RSI. Là aussi, les discussions n’en sont qu’à leur début, mais cette contre-initiative souffre, selon certains, d’un problème de légitimité de l’UNMI sur ces sujets. Sans oublier les desseins d’un groupe comme AG2R La Mondiale, concerné par l’intermédiaire de « sa » mutuelle Viasanté, qui là comme ailleurs entend « participer à la recomposition du paysage de la protection sociale », selon l’expression de son DG, André Renaudin.
Au-delà des stratégies, cette réforme, motivée par une réduction des coûts de gestion, est lourde d’enjeux sociaux. Pour qui, à terme, travailleront les salariés gérant actuellement l’assurance maladie du RSI : les mutuelles ou l’union ? La question n’est pas innocente : la seconde hypothèse signifierait pour les mutuelles une perte de contrôle sur une population stratégique dans le contexte post-ANI. « Tout est à construire », annonce Jean Pébrier.
Scénario catastrophe…
Autre enjeu : les systèmes d’information. Les mutuelles ont fait le choix de l’« infogérance » vers deux solutions concurrentes, Activ’RO (groupe Cegedim) et StarWeb (Cimut). L’hypothèse d’un système unique n’a pour l’heure pas été retenue par le RSI, mais autant dire que les deux opérateurs regardent de près les regroupements mutualistes envisagés. Tous les ingrédients d’un cocktail explosif sont donc réunis : laps de temps limité, tensions politiques, questionnements techniques et incertitudes en cascade, RSI en reconstruction (de 29 à 13 caisses régionales), négociations toujours en cours sur les conventions nationales d’objectifs et de moyens (CNOM) entre le RSI et l’Arocmut et la Roca (Ram) d’autre part… Tout le monde, pourtant, sera bel et bien obligé de s’entendre à la fin.
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