Les offres d’indemnité, mode d’emploi
Même si l’offre définitive répond aux critères légaux, l’assureur peut être sanctionné pour ne pas avoir présenté une offre provisionnelle incluant tous les postes de préjudice.
Jean Péchinot, chargé d'enseignement à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas

\ 06h00
Jean Péchinot, chargé d'enseignement à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas

La plupart des commentateurs considèrent la mise en place d’une procédure d’offre comme l’apport majeur de la loi Badinter du 5 juillet 1985.
Certes, il fallait simplifier les règles relatives aux droits à indemnisation, retoucher les contours de l’assurance obligatoire et, incidemment, du Fonds de garantie, clarifier les droits de recours des tiers payeurs mais, principalement, il fallait désengorger les tribunaux en mettant en place une procédure contraignante à la charge des assureurs et, en leur absence, du Fonds de garantie.
Quelques années plus tôt, le législateur avait imaginé d’imposer des délais à un assureur : la loi dite Spinetta du 4 janvier 1978 oblige l’assureur dommage ouvrage à prendre position sur la garantie dans un délai maximum de soixante jours à compter de la déclaration de sinistre. à défaut, elle est censée être acquise.
L’expérience de cette loi a conforté le législateur dans cette idée de transférer en quelque sorte le contentieux routier sur les principaux payeurs d’indemnité que sont les assureurs et le Fonds de garantie, les juges retrouvant leur vocation de sanctionner les coupables d’infractions et de traiter les litiges indemnitaires.
Quelques décennies plus tard, chacun se plaît à constater la baisse de l’accidentalité routière et, avec elle, celle du contentieux routier.
Cependant, si la jurisprudence joue son rôle en adaptant ses solutions aux circonstances nouvelles, elle n’a pas réussi, malgré sa constance, à faire comprendre aux assureurs qu’il y avait une différence entre provision et offre provisionnelle.
L’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 novembre 2018
L’affaire traitée le 20 novembre 2018 (Crim., 20 nov. 2018, n° 17-82.901) en est une illustration :
Une victime d’un accident de la circulation dont l’auteur n’est pas assuré est lourdement handicapée.
Dès qu’il a connaissance de son intervention, le FGAO procède au versement de provisions pour un montant total de 700 000 euros.
Il présente une offre définitive dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle il a eu connaissance de la consolidation.
La victime demande que le Fonds soit sanctionné pour ne pas avoir respecté la procédure d’offre.
La cour d’appel rejette sa requête. Elle retient « qu’il n’est nullement démontré par la victime que le FGAO aurait méconnu les obligations que lui impose le code des assurances, la somme des provisions pour un total de 700 000 euros ne pouvant, au regard du préjudice à ce jour liquidé à concurrence des montants sus-arrêtés, être sérieusement considérée comme dérisoire ou notoirement insuffisante. »
La Cour de cassation censure cette décision en ces termes : « Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans constater qu’une offre provisionnelle comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice avait été présentée à M. X… dans les huit mois de la date à laquelle le FGAO avait eu connaissance de son intervention, le paiement de provisions ne pouvant être assimilé à une offre, et sans indiquer en quoi l’offre définitive, présentée dans les cinq mois de la date à laquelle le fonds avait eu connaissance de la consolidation, présentait un caractère complet et suffisant, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision. »
Ainsi donc, une provision, même conséquente, ne serait pas assimilable à une offre provisionnelle ? La Cour de cassation aurait-elle perdu la raison ?
Revenons aux fondamentaux que sont les textes
L’article L. 211-9 du code des assurances est ainsi rédigé : « … Une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.
Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation. »
Tout le monde a compris que l’offre définitive devait comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice.
En ce qui concerne l’offre provisionnelle, on remarquera que le singulier est employé, ce qui signifie que le législateur a envisagé qu’elle soit unique. Le terme « cette » qui débute le second paragraphe permet de lier les deux paragraphes, dont le rappel de la nécessité de comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice.
Dans l’esprit du législateur, il s’agissait, pour les personnes les plus gravement atteintes, de dresser un premier bilan.
Aujourd’hui, la nomenclature Dintilhac permet de séparer plus clairement les préjudices échus des préjudices futurs. Ainsi, huit mois après l’accident, est-il possible de donner une première estimation des dépenses de santé actuelles, des pertes de gains professionnels actuels, des frais divers incluant, notamment, l’aide humaine, des déficits temporaires totaux et partiels, le cas échéant le préjudice esthétique temporaire et les souffrances endurées.
Une provision n’est pas une offre provisionnelle
Cette offre provisionnelle est soumise au même formalisme que l’offre définitive, c’est-à-dire qu’elle doit rappeler le droit de rétractation.
L’offre provisionnelle n’est donc pas une provision. Bien entendu, il n’est pas interdit de verser des provisions pour couvrir les besoins des victimes mais il est nécessaire d’établir ce premier bilan.
L’offre provisionnelle est unique. Il est inutile d’accomplir le formalisme de l’offre chaque fois que l’assureur verse une somme quelconque. On peut avoir plusieurs provisions mais on ne doit formaliser qu’une seule offre provisionnelle.
Un sujet n’a pas encore été traité par la Cour de cassation : la sanction du non-respect de l’offre provisionnelle.
Si le point de départ du délai ne pose pas de difficulté – huit mois après l’accident – l’assiette n’a pas été déterminée. Faut-il remonter dans le temps et s’interroger sur les postes de préjudice qui pouvaient être connus à cette échéance des huit mois ou prend-on les indemnités « définitives » ?
Sans faire preuve de dons divinatoires particuliers, on peut penser que la Cour de cassation approuvera les juges qui prendront la solution de facilité représentée par les indemnités réparant le préjudice définitif. Ce pourra être l’offre définitive présentée par l’assureur ou le Fonds si le juge la considère comme satisfaisante, la décision de justice dans le cas contraire.
En conclusion : même si l’offre définitive est faite dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur ou le Fonds a eu connaissance de la consolidation de l’état médical de la victime et qu’elle est satisfactoire, elle peut générer des intérêts de retard à compter de l’expiration du délai de huit mois suivant la date de l’accident ou, pour le Fonds, de la date de son intervention, faute d’offre provisionnelle présentée dans les formes. ?
Base des organismes d'assurance
AbonnésRetrouvez les informations complètes, les risques couverts et les dirigeants de plus de 850 organismes d’assurance
Je consulte la base