Priip’s, un nouveau dossier sur la pile de l’information

Le besoin de délivrer une information claire au prospect d’un placement financier est une idée consensuelle. Le règlement européen Priip’s du 26 novembre 2014 se focalise sur cette mission. Mais, dans un environnement réglementaire encombré, c’est surtout le souhait de rationaliser les informations remises au client qui préoccupe les acteurs.

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Le 31 décembre 2016, le règle­ment européen Priip’s (lire encadré ci-dessus) s’appliquera à l’assurance vie, en unités de compte comme pour les fonds en euros (1). La trans­parence – icône européenne post-crise économique – sert de fil conducteur à ce texte, dont la finalité est ni plus ni moins de redonner confiance dans les marchés financiers. Elle s’incarne dans le document d’informations clés (DIC : voir tableau page suivante) remis à l’investisseur lors de la phase précontractuelle. Celui-ci doit permettre de comprendre les carac­téristiques des produits d’investissement complexes et leurs risques financiers. C’est aussi un outil de comparaison visant à favoriser la concurrence dans une optique de marché unique européen.

La place a pu s’interroger un temps sur la présence de l’assurance vie dans un texte qui a vocation à régir des produits packagés répondant à des logiques de pur placement financier (fonds ou comptes bancaires structurés...). Pervenche Berès, rapporteur du projet du règlement Priip’s, expliquait sans ambiguïté au cours des travaux préparatoires qu’« il faut de toute évidence un DIC pour les actions, les obligations, les comptes d’épargne et l’assurance vie, en euros et en unités de compte ».

L’assurance vie mal identifiée

Au final, l’assurance vie est bien concernée, mais beaucoup déplorent que ses spécificités ne soient pas suffisamment prises en compte. « Si, au niveau des risques financiers, Priip’s est relativement bien pensé, en revanche, il néglige la spécificité contractuelle de l’assurance vie, comme le fonctionnement des garanties accessoires. En conséquence l’assurance vie ne se compare pas à un produit financier », explique Pierre Roubacka, responsable du département juridique, ingénierie patrimoniale et lutte antiblanchiment chez MMA. Quoi qu’il en soit, un nouveau chantier de mise en conformité s’ouvre pour les assureurs, même s’il est vraisemblablement nécessaire d’avancer à tâtons d’ici au 31 décembre 2016. « Le règlement est d’application directe en France – c’est-à-dire sans que soit nécessaire une transposition dans notre droit national. Il faudra donc s’y conformer littéralement, mais en l’état, le texte est difficilement appli­cable à l’assurance vie », prévient Philippe Poiget, directeur des affaires juridiques, fiscales et de la concurrence de la FFSA, rappelant que « des actes délégués devraient voir le jour à compter du 1er janvier 2016 ». Et Laure Mitrovic, directrice juridique chez Aviva, de préciser que « la densité des informations à délivrer en seulement trois pages et la fourniture d’un indicateur de risque, des coûts, de données chiffrées sur les performances, par exemple, font du DIC un document dont l’élaboration semble complexe. Il y a là un vrai sujet de place ».

Pourtant, ce qui embarrasse principalement la profession, c’est l’empilement des textes qui viennent régulièrement s’insérer dans la sphère juridique de l’obligation d’information précontractuelle. « La question posée par le règlement Priip’s est de savoir si devront s’ajouter au document d’informations clés les documents d’information précontractuelle actuellement prévus », confirme Philippe Poiget. Priip’s vient en effet se télescoper avec plusieurs obligations préexistantes en matière d’information précontractuelle. D’abord, celle de fournir une note d’information synthétique sur le contrat (article L. 132-5-2 du code des assurances). Ensuite, au regard de l’exigence de l’article A. 132-8 du code de placer un encadré en tête de la proposition d’assurance, du projet de contrat ou de la notice descriptive, en une page et dans un ordre précis, résumant les « dispositions essentielles » de la police. Enfin, l’annexe de l’article A. 132-4 du code des assurances (arrêté du 3 octobre 2011) prévoit aussi la remise d’un document d’informations clés pour l’investisseur (DICI), issu de la transposition de la directive OPCVM IV du 13 juillet 2009 (2009/65/CE). Depuis le 1er juillet 2013, celle-ci impose à l’assureur de le délivrer lorsque l’assurance vie en unités de compte repose sur un organisme de placement collectif (OPC).

À noter également que l’obligation d’information est détaillée dans l’article 185 de la directive Solvabilité 2, dont la transposition cette année pourrait aussi apporter son lot d’exigences, et cela alors même que Priip’s prévoit, à l’échéance du 31 décembre 2018, une clause de revoyure ayant pour objet de réévaluer le règlement et, au besoin, de le modifier.

L’espérance d’un document unique

Cette profusion de textes réglementaires, est source d’insécurité juridique, dans la mesure où toute défaillance de la part de l’assureur est vecteur de responsabilité, notamment lorsque des informations ne seraient pas cohérentes entre elles (lire l’interview de Sonia Lods). Aussi, la limite posée par le règlement Priip’s selon laquelle « la responsabilité civile de l’initiateur d’un produit d’investissement packagé de détail et fondé sur l’assurance n’est pas engagée sur la seule base du document d’informations clés, ni d’une éventuelle traduction de celui-ci, sauf s’il est trompeur, inexact ou s’il n’est pas cohérent avec les parties pertinentes des documents précontractuels et contractuels juridiquement contraignants » n’est guère de nature à rassurer les acteurs français. D’autant plus que les États membres sont libres de prévoir «d’autres actions en responsabilité civile conformément au droit national».

Et c’est sans compter les sanctions administratives liées à la mission de protection du consommateur dévolue à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), dont on sait au surplus le pouvoir d’interprétation, parfois créateur d’obligations, qui a pu transparaître dans la recommandation du 15 octobre sur la commercialisation des contrats d’assurance sur la vie en unités de compte constituées d’instruments financiers complexes (2010-R-01).

Au plan national, la nouvelle version de l’article L. 132-5-2 du code des assurances, qui exige désormais la « bonne foi » de l’assuré pour qu’il puisse prétendre au droit à la prorogation du délai de renonciation en cas de défaut de remise des informations précontractuelles par l’assureur, ne sera vraisemblablement pas une digue suffisante pour faire décroître le risque juridique de mise en cause.

Ce trop-plein de formalisme pourrait commander de ratio­naliser la délivrance de l’obli­gation d’information dans un document unique. Après l’occasion manquée par l’arrêté du 3 octobre 2011, qui aurait pu être saisie pour définir les éléments clés de tous les contrats vie (2), il est vraisemblable que le sujet revienne sur la table à l’occasion d’une refonte importante du code des assurances, comme l’exige la transposition de Solva­bilité 2, par exemple.

1. En sont exclus les assurances non-vie, décès, incapacité due à un accident, une maladie, une infirmité, ainsi que les produits d’épargne retraite reconnus comme tels par une législation nationale.
2. Voir dans ce sens « Information précontractuelle sur les unités de compte : l’occasion manquée de l’arrêté d’octobre », Charles-Éric Delamare- Deboutteville et Alban Fréneau, L’Argus de l’assurance du 4 novembre 2011.

Un règlement pour un document

  • Priip’s. Le règlement européen du 26 novembre 2014 sur les produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (packaged retail and insurance-based investment products)est applicable à partir du 31 décembre 2016. Il entend rétablir la confiance des investisseurs dans les marchés financiers par le prisme de la transparence. Priip’s mise sur l’harmonisation de l’information précontractuelle délivrée à l’investisseur dans le document d’informations clés (en anglais Key Information Document ).
  • DIC. À la lecture du document d’informations clés, le consommateur doit pouvoir comprendre les caractéristiques des produits d’investissement complexes et les risques financiers qu’ils comportent. Le DIC doit en sus permettre de les comparer. Le règlement donne une importance particulière à sa forme. Il doit être rédigé de manière concise et tenir sur trois pages de format A4 maximum lorsqu’il est imprimé. Son contenu est impératif et l’ordre des chapitres doit être respecté.

«Certains textes français devraient être amendés afin d’éviter toute incohérence avec le règlement européen», Sonia Lods avocate

  • L’obligation d’information aura-t-elle un nouveau visage avec l’entrée en vigueur du règlement européen Priip’s ?

La philosophie du règlement n’est pas nouvelle pour le secteur français de l’assurance, déjà soumis à l’obligation de fournir un document d’information précontractuelle. Cela étant, le régime du règlement diffère du dispositif français, notamment s’agissant des sanctions (droit à réparation fondé sur la responsabilité de l’initiateur du DIC). L’équilibre des relations entre les assureurs et leurs distributeurs devrait également être concerné, mais il l’est aussi par la directive réformant l’intermédiation en assurance, qui interviendra prochainement.

  • Faut-il craindre un effet d’empilement avec la législation existante ?

Le règlement européen engendre nécessairement un empilement de textes dans la mesure où il prévoit de nouvelles obligations d’information précontractuelle en matière d’assurance vie, matière déjà fort réglementée en droit français. En effet, le règlement prévoit la fourniture d’un document d’informations clés, qui constitue, selon les termes du règlement, une information précontractuelle (article 6). Or, le droit français prévoit déjà la remise d’un document ayant un objectif similaire, la note d’information (C . assur., article L. 132-5-2), mais de contenu différent et assortie d’une sanction spécifique. Une difficulté supplémentaire, qu’il faudra résoudre, réside dans la divergence de périmètre entre les deux obligations, c’est-à-dire les types de produits visés par chacun des corps de règles.

  • Le code des assurances devrait-il donc être amendé ?

En dépit du fait que le règlement est directement applicable en droit français - il ne nécessite pas de texte national de transposition -, certains textes français devraient être amendés afin d’éviter toute contradiction ou incohérence avec le règlement. En outre, le règlement prévoit certaines facultés (par exemple, la notification préalable du document d’informations clés à l’autorité de contrôle : article 5) ou obligations (par exemple en matière de réclamation et de sanctions : articles 19 et 22) dont la mise en œuvre efficace requiert la modification du droit français.

 

Un règlement pour un document

  • Priip’s. Le règlement européen du 26 novembre 2014 sur les produits d’investissement packagés de détail et fondés sur l’assurance (packaged retail and insurance-based investment products)est applicable à partir du 31 décembre 2016. Il entend rétablir la confiance des investisseurs dans les marchés financiers par le prisme de la transparence. Priip’s mise sur l’harmonisation de l’information précontractuelle délivrée à l’investisseur dans le document d’informations clés (en anglais Key Information Document ).
  • DIC. À la lecture du document d’informations clés, le consommateur doit pouvoir comprendre les caractéristiques des produits d’investissement complexes et les risques financiers qu’ils comportent. Le DIC doit en sus permettre de les comparer. Le règlement donne une importance particulière à sa forme. Il doit être rédigé de manière concise et tenir sur trois pages de format A4 maximum lorsqu’il est imprimé. Son contenu est impératif et l’ordre des chapitres doit être respecté.

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