RCMS : Une assurance en voie de démocratisation
Saturation du marché des grandes entreprises, judiciarisation de la société, crise économique... autant de raisons qui amènent les assureurs à s’intéresser aux patrons d’organisations de taille modeste, en adaptant si besoin leur offre d'assurance responsabilité civile du dirigeant.
Diriger une entreprise, un métier à risque ? Oui. Et de plus en plus. Que ce soit sur le plan économique, fiscal ou social, les entreprises évoluent dans un cadre de plus en plus contraignant. « Dans un contexte de surveillance accrue des régulateurs et des autorités administratives, les risques auxquels sont confrontés les dirigeants ne cessent de se renforcer », observe Jonathan Hasson, responsable produit responsabilité des dirigeants, d’AIG France. Sans compter les évolutions réglementaires encore en gestation. « Le ministère de la Justice mène des réflexions sur l’extension de l’action de groupe aux cas de discrimination ou de harcèlement », signale Véronique Salvado, directrice technique responsabilité civile d’Axa Entreprises.
Autre facteur de menace : l’environnement économique. « L’arsenal juridique qui vise le dirigeant existe depuis longtemps et même s’il tend à se développer encore, c’est la recherche d’un débiteur solvable en période de crise qui justifie le plus souvent l’action contre la personne du chef d’entreprise », selon Nicolas Sabiani, responsable technique ligne financière d’Hiscox France. La crise économique fragilise les entreprises, réduit les marges de manœuvres de ceux qui les pilotent, augmente les risques d’erreur, et les occasions de rechercher leur responsabilité. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. « En deux ans, le taux de dirigeants mis en cause suite à une liquidation d’entreprise a été multiplié quasiment par deux. à cette hausse des mises en cause s’ajoute une augmentation de l’intensité des sinistres », indique Didier Seigneur, directeur des risques financiers d’AIG Europe de l’Ouest.
Dans ce contexte, toutes les entreprises sont concernées. Les dirigeants de PME, qui un temps pouvaient se sentir moins exposés que ceux qui sont aux manettes des grands groupes, prennent progressivement conscience de la réalité des risques. D’ailleurs, les assureurs sont là pour leur rappeler. Le segment des grands comptes étant saturé, – « les dirigeants de toutes les entreprises du CAC 40 sont assurés », selon AIG –, les acteurs historiques du marché que sont les opérateurs anglo-saxons cherchent désormais à capter des structures de taille plus modeste. Sur ces terres relativement vierges, interviennent désormais aussi des acteurs généralistes. Ainsi depuis quelques années, Axa France concentre ses efforts sur le marché des TPE-PME, dont le taux d’équipement reste faible : 25 % selon les estimations de l’assureur. Plusieurs raisons à cela : « Tous les dirigeants n’ont pas encore pris conscience que leur responsabilité pouvait mettre en péril leur patrimoine personnel, tous ne savent pas qu’il existe des offres d’assurance pour les protéger en cas de mise en cause, et même s’ils sont informés, certains estiment que cela n’arrive qu’aux autres », analyse Véronique Salvado, d’Axa Entreprises.
Une demande en hausse
Sur le terrain, même si elle reste timide, la demande évolue. « La souscription d’une assurance responsabilité du dirigeant fait désormais partie des bonnes pratiques y compris en phase de création d’entreprise », observe Didier Seigneur d’AIG. « Dans le domaine de l’édition de logiciels d’entreprises, des énergies renouvelables, ou des bio-technologies, activités qui nécessitent des capacités de financement importantes, les investisseurs poussent les créateurs d’entreprises à s’assurer en responsabilité des dirigeants », précise-t-il. La démocratisation s’observe à différents niveaux. Les PME représentent désormais 50 % du portefeuille d’AIG, certaines offres telles que le pack conçu par ce dernier peuvent être souscrites sur Internet dès lors que le profil de l’entreprise reste assez standard et les réseaux de proximité se lancent sur ce marché. Chez Axa, l’essentiel de l’activité est réalisé par les agents généraux. « Pour conquérir des parts de marché sur les PME, il faut travailler la proximité et les réseaux : courtiers, établissements bancaires ou encore experts comptables sont de bons relais », estime Nicolas Sabiani, d’Hiscox. Autre signe que le marché se développe, « les contrats sont de plus en plus utilisés, [en cas de défaillance] les liquidateurs savent que c’est un bon moyen de récupérer du cash », note Didier Seigneur, d’AIG.
Pour mieux séduire et accompagner les PME ou les ETI, les assureurs étoffent leur offre avec de l’assistance téléphonique, du soutien psychologique, voire des garanties couvrant les frais de conseil et d’atténuation du risque. Certaines garanties ou options dépassent même le cadre de la responsabilité du dirigeant : protection juridique de la personne morale ou encore prise en charge des sanctions pécuniaires prononcées par une autorité administrative…, dont la validité se discute. Autre exemple d’élargissement du périmètre des contrats : la fourniture d’une garantie responsabilité de l’employeur qui couvre la personne morale quand sa responsabilité est recherchée en cas de harcèlement ou de discrimination.
Sur le terrain des services
Les assureurs interviennent de plus en plus en amont des sinistres. AIG a intégré dans son offre un volet prévention qui intervient quand l’entreprise se voit signifier par sa banque, une réduction de ses lignes de crédit en raison de la révision à la baisse de sa note financière. « Ce service, proposé avec NotaPME, permet au dirigeant, en cas de baisse d’encours supérieur à un certain pourcentage, de bénéficier de conseils pour retravailler son bilan afin que la banque réévalue son rating », détaille Jonathan Hasson. Objectif : faire en sorte que l’entreprise retrouve un meilleur accès au crédit et puisse ainsi réduire les risques de sinistres.
Loin de l’assurance responsabilité des dirigeants diront certains. Si ces nouveautés en matière d’assistance et de prévention visent à simplifier la vie des dirigeants de petites structures moins armés que les patrons des grands groupes face à des mises en cause, elles ne facilitent pas toujours la compréhension de l’offre. Plus grave, certaines offres n’auraient que peu d’utilité et relèveraient davantage du marketing. « Dans un contexte très concurrentiel souvent arbitré par la seule performance tarifaire, certains acteurs ont tendance à survendre des garanties accessoires présentées comme nouvelles alors qu’elles préexistaient déjà dans le périmètre des contrats “tous sauf”, ou pire, encore relèvent d’autres natures de contrats avec les inconvénients liés à toutes problématiques d’assurances cumulatives », estime Emmanuel Silvestre, responsable de souscription risques financiers de Liberty Specialty Markets.
Le marché devient de plus en plus concurrentiel, en témoignent le dynamisme commercial des assureurs et l’évolution des tarifs à la baisse. Mais à moyen ou long termes, ces stratégies de conquête tous azimuts pourraient avoir un effet déstabilisant sur ce marché en plein essor.
Des risques et une assurance encore méconnus
Les dirigeants d’entreprises connaissent mal les risques qu’ils peuvent encourir à titre personnel dans le cadre de leur activité ou se pensent couverts alors que dans les faits les contrats qu’ils citent le plus fréquemment ne les protègent pas contre cette typologie de risque. C’est le constat de l’étude menée par l’assureur Hiscox avec Opinionway auprès de dirigeants de sociétés dont le chiffre d’affaires se situe entre 500 000 € et 10 M€.
- 40% des dirigeants affirment être sensibilisés aux risques de mise en cause personnelle.
- 53% estiment que la fréquence de ces risques est en augmentation depuis 2000 (64% sur le périmètre des PME de 10 à 19 salariés) mais 72% disent ne pas se sentir concernés par cette hausse.
- 61% des dirigeants citent l’assurance responsabilité des dirigeants parmi les contrats qu’ils ont souscrits dans le cadre professionnel, alors que le taux d’équipement effectif n’est que de 15%.
- 75% pensent à tort que le statut juridique de leur entreprise protège leur patrimoine.
- 51% citent les réclamations liées au droit social comme risques potentiels, les autres motifs de mises en cause à titre personnel (violation de la loi ou des statuts, faute, etc.) étant reconnus par moins de la moitié des personnes interrogées.
Pédagogie, veille et réactivité au cœur de la démarche commerciale
Face à des dirigeants qui ne font pas toujours la différence entre les risques qui pèsent sur leur entreprise et ceux qui peuvent mettre à mal leur patrimoine, assureurs et intermédiaires doivent être pédagogues. « Il faut adapter le produit à la cible et le présenter avec un discours concret. Sur le middle-market, l’interlocuteur généralement en charge des assurances relève du secrétariat général, de la direction financière ou juridique. Celui-ci ne bénéficie pas toujours des ressources nécessaires, en temps et en expertise, à l’analyse exhaustive de ce type de produit à la fois complexe et très évolutif », témoigne Emmanuel Silvestre, de Liberty Specialty Markets. Suivre les évolutions réglementaires et être réactif en cas de sinistre sont aussi des éléments clés. « Un sinistre impliquant un dirigeant doit être appréhendé comme une gestion de crise. Nul besoin d’attendre une perquisition au siège ou la mise en garde à vue du président pour se décider à dissiper les zones d’incertitudes ou d’incompréhension d’un contrat. ».
Un marché qui ne manque pas de capacités
- 20 assureurs en compétition en France.
- 600 M€ La capacité estimée du marché français.
- 35 M€ de capacité moyenne par assureur (10 à 15 M€ pour les acteurs de taille modeste).
- 1 000 € La prime moyenne pour une PME, avec des niveaux de garantie pouvant aller de 150 000 € à plusieurs millions d’euros.
Pas de problème d’offres sur le marché de la responsabilité des dirigeants. Difficile d’avoir une vision précise des résultats de cette activité mais elle serait rentable. D’où le dynamisme observé sur le marché des PME-PMI et une évolution des primes à la baisse.
Source : données du marché.
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