La réassurance appelée à déployer ses outils

Sans délaisser leur vocation première de maîtrise des risques de pointes, les réassureurs diversifient leur champ d'action, se rendant indispensables pour aider les cédantes à optimiser leur gain de capital et à appréhender les risques émergents.

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« Hors normes, indécents... » La publication des résultats des réassureurs fin 2012 n'a pas laissé le marché indifférent. Avec, au premier trimestre 2013, des hausses à deux chiffres et des bénéfices dépassant le milliard d'euros pour les principaux d'entre eux, ces acteurs ont démontré qu'ils avaient dépassé le choc des catastrophes de l'année 2011.

Cette santé resplendissante est l'une des preuves que les réassureurs sont toujours en capacité de remplir leur mission initiale : protéger les fonds propres et les résultats de leurs cédantes. Pour autant, remplissent-ils pleinement leur fonction de fournisseur de couvertures de risques alors que le ratio entre coûts économiques et dommages assurés est de 20%* ?

Si cet écart est malheureusement un classique dans les pays émergents, les récentes inondations en Europe centrale ont créé le doute. « Si dans un pays comme l'Allemagne, seuls 30% des personnes sont couvertes contre les risques naturels (...), on peut se demander si le rôle des assureurs et des réassureurs ne serait pas de proposer des solutions permettant de faire évoluer la chaîne de couverture de ces risques », s'interrogeait récemment Stéphane Pallez, PDG de CCR, dans les colonnes de L'Argus. Ce constat, largement partagé, pourrait inciter les réassureurs à amorcer davantage de coopération avec les pouvoirs publics (voir interview de Jean-Jacques Henchoz p. 51).

Optimiser les achats de réassurance

Pour l'heure, ce sont les cédantes - interpellées par leurs bons résultats - qui rappellent les réassureurs à leurs devoirs. « Suite à l'année catastrophique 2011, le niveau des fonds propres des réassureurs s'est reconstitué à vitesse grand V ! 2012 a été une année clémente en termes de catastrophes. De plus, ils bénéficient d'un retour des profits sur leurs placements financiers », analyse Jean-François Delon, directeur réassurance France auprès de Towers Watson. Et de prédire que « les réassureurs devront s'attendre à être challengés lors du renouvellement », car « la compétition qui fait rage en assurance directe entraîne une volonté d'économiser sur tous les fronts ». Une tendance qui n'est pas nouvelle mais s'inscrit désormais au cahier des charges des réassureurs car comme le note Marc-Philippe Juilliard, directeur senior chez Fitch Ratings, « la relation cédantes/réassureurs n'est pas seulement purement financière. C'est aussi un partage d'expérience ». Avec à la clef conseil, partage de connaissance et customisation de produits.

Finie donc la notion d'acceptation du risque qui, dans une sorte de gentleman's agreement, alternait pertes et gains. Désormais en quête de marge technique, les assureurs cherchent à optimiser leurs achats en réassurance et réclament une technicité dans les solutions apportées. Une évolution qui concerne toutes les branches. Les cédantes « privilégient aujourd'hui la pérennité de leur relation avec un groupe de "réassureurs coeurs", à qui elles souhaitent céder davantage, verticalement et horizontalement », relève Emmanuel Clarke directeur général de PartnerRe Global.

Même si l'offre auto reste limitée, il existe des idées nouvelles comme des produits qui couvrent la dérive de fréquence sur sinistres.

Catherine Bourland, directrice générale de Aon Benfield France.

Cumuls de rétentions

Les réassureurs eux-mêmes modifient leur attitude en dépassant leur vocation première - la maîtrise des risques de pointes - pour diversifier leur approche face à une actualité riche en événements de moyenne intensité. « Les cédantes ont significativement remonté leur niveau de rétention ces dernières années. Aujourd'hui, nous notons une augmentation de la demande tant sur le haut des programmes que pour protéger l'accumulation de rétentions dans le bas des programmes », poursuit Emmanuel Clarke.

La sonnette d'alarme a été tirée par les courtiers qui, depuis deux ou trois ans, participent activement au montage de traités de couverture des cumuls de rétention. « Nous avons alerté les cédantes sur le risque de fréquence de sinistres petits et moyens. Soumises à un cumul d'événements, les cédantes pourraient se mettre en péril dans le pilotage de leurs résultats », note Philippe Renault, président et directeur général chez Guy Carpenter et Company S.A.S. « Un argument qui a pris plus de poids au regard de Solva 2 », précise-t-il.

Nouveaux sinistres

Même si son échéance est retardée, les exigences de protection financière qui vont de pair avec Solva 2 ne sont pas gommées pour autant. Pour l'heure, la crise ne semble toutefois pas avoir eu d'incidence sur l'appétit des cédantes. Elle oblige donc les réassureurs à se concentrer sur leur rentabilité opérationnelle, tant il leur est difficile de trouver actuellement des relais de rendement sur les marchés des capitaux. Les faibles taux d'intérêts ont contribué à baisser leur taux de rendement sur actifs en un an de 4,3% à 3,6%**.

Un argument supplémentaire pour déployer de nouveaux instruments. « Même si l'offre auto reste limitée, il existe des idées nouvelles comme des produits qui couvrent la dérive de fréquence sur sinistres », note Catherine Bourland, directrice générale de Aon Benfield France. D'autant que de nouveaux risques apparaissent. « Ce sont des sinistres modernes, dont nous n'avions pas tenu compte dans la tarification comme les piétons qui marchent en écrivant un texto, les joggeurs avec leur baladeur sur les oreilles ou les automobilistes au téléphone ou qui lisent leur iPad ou le journal en conduisant ! Ils agissent fortement sur la fréquence de la sinistralité », relève André Arrago membre du directoire d'Hannover Re. Et de citer un récent sinistre à six millions d'euros impliquant une joggeuse dans le bois de Boulogne.

Des réassureurs sous haute surveillance

Fortement dégradées depuis 2001, les notations des réassureurs ont repris quelque vigueur depuis le début de la crise financière, à la différence de celles des assureurs. Aujourd'hui 17 réassureurs peuvent s'enorgueillir d'un « A+ » ou même davantage. « Pour une industrie évoluant dans un environnement post-crise, il n'y a pas à rougir ! Non seulement nous n'avons pas connu de tendance générale à la baisse des notations [depuis 2008] mais pour certains intervenants tels Scor nous avons même observé un processus ascendant », relève Marc-Philippe Juilliard, directeur senior chez Fitch Ratings. Et de préciser : « Ces dernières années une attention croissante aura été apportée aux mécanismes de diversification, les réassureurs mesurant de manière de plus en plus professionnelle leur exposition à la survenance. Nous tenons compte de cet aspect du pilotage de l'activité pour les notations. » Les réassureurs seront également soumis au verdict du FSB, le conseil de stabilité financière, et ce, à l'été 2014 par la publication de la liste des réassureurs systémiques. M.L.

Nouveaux territoires

C'est dire si l'évolution de la nature des sinistres fait reculer les horizons de la réassurance. Du reste, comme le remarque Marc-Philippe Juilliard : « La réassurance n'est pas un marché entièrement fluide et reste segmenté. Si nous connaissons une surcapacité en cat'nat où il est assez aisé pour les acteurs d'entrer et sortir, dans d'autres domaines la capacité se fait moins abondante. Ils laissent moins la place à des comportements opportunistes. Je pense particulièrement à la réassurance de crédit qui repose sur beaucoup de technicité, ou les risques agricoles qui nécessitent davantage de compréhension. » Les énergies renouvelables ou encore les biotechnologies font surgir les mêmes besoins en couverture de capital, doublée d'ingénierie.

Des innovations en vie

La réassurance de personnes met également en oeuvre des solutions face aux risques de longévité, comme la dépendance, et de manière plus générale face aux risques non biométriques. Pour couvrir le risque de pandémie, qui demeure le scénario considéré comme le plus risqué par les acteurs concernés, le stop loss apparaît comme une solution efficace. « Il s'agit de trouver le juste équilibre entre les contraintes liées aux spécificités du portefeuille de l'organisme d'assurance et la capacité disponible de certains réassureurs, le stop loss s'ajoutant aux autres couvertures offertes par la réassurance », expose Gilles Maret, responsable marché France en réassurance vie chez PartnerRe, qui a conçu un tel produit. Et de préciser que « c'est également une source d'innovation lorsque le calibrage de cette solution traditionnelle permet d'optimiser les gains en capital en jouant sur le SCR Cat dans le cadre de Solva 2 ».

Et si plus encore qu'en non-vie, les évolutions réglementaires étaient vécues en réassurance de personnes, comme un réel moteur d'innovation ?

La réassurance, un couteau suisse multifonction

*Chiffres 2012, sources Apref.
** Référence premier trimestre 2012/premier trimestre 2013.

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