Serpent monétaire !

« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » À quelques mois près, Racine aurait écrit Andromaque l'année du Serpent. Et à en croire les maîtres chinois en feng shui, si tel avait été le cas, cette célèbre pièce n'aurait pas auguré dix ans de succès notable pour le dramaturge, mais plutôt une catastrophe équivalente à la révolution russe de 1917, à la crise de 1929 ou encore à l'attentat du World Trade Center. Car l'année du serpent dans laquelle le calendrier chinois vient de nous propulser ressemble à ça !

Seul bémol positif du côté des analystes chinois, les secteurs associés au « liquide », comme la finance, pourraient bien profiter de l'année 2013.

Des perspectives qui pourraient faire sourire, si les effets de l'horoscope chinois ne venaient influer les prévisions des analystes asiatiques dont les actes dictent en partie la finance mondiale. Ainsi, les derniers pétards éteints, les lampions soufflés et les dragons de papier repliés, les douze prochains mois s'inscrivent sous le signe karmique le moins populaire dans l'empire du Milieu. Pour traverser une année plutôt sombre, il faudrait glisser, onduler, zigzaguer, ondoyer... bref, sinuer pour profiter des courants d'eau, élément naturel de ce serpent-là. Seul bémol positif du côté des analystes chinois, les secteurs associés au « liquide », comme celui de la finance, pourraient bien profiter de l'année 2013, estime la maison de courtage de Hongkong CLSA, qui publie un très sérieux « Feng Shui index ». À condition, bien sûr « d'éviter les valeurs refuges qui pourraient ressembler à de véritables pièges, à l'image d'un serpent caché dans les hautes herbes », suggère, poétesse, Johanna Kyrklund, responsable de l'investissement multiactifs de Schroders.

Pour en finir avec les augures, JP Morgan AM note que lorsque court l'année du serpent, les performances tirent la langue... et ce depuis 1871 ! Ce qui lui permet de prédire qu'« une année semée d'embûches attend les investisseurs, qui devront faire preuve de prudence dans leurs décisions de placement ».

J'entends déjà les sceptiques (y compris une petite voix en moi) siffler la fin de la récré et ramener tout à chacun à un pragmatisme de bon aloi. Mais c'est sans compter sur l'influence du comportement dans tous nos actes y compris la gestion d'actifs. Ainsi, les as de la finance comportementale ont tout loisir de prouver désormais que les facteurs psychologiques - en tête desquels la croyance - ou encore calendaires (phases lunaires, ensoleillement...) influent sur les marchés. Aux investisseurs de tenter d'inverser le cours du temps, en brandissant le chiffre 13 pour atténuer les méfaits du serpent !