Stéphane Guinet (Kamet) : « Notre objectif est de développer des innovations de rupture »

Stéphane Guinet lançait, voilà deux ans, Kamet, une fabrique de start-up financée par le groupe Axa. Cet entrepreneur, cofondateur d’Assurland en 2000, détaille le mode de fonctionnement de Kamet et les projets incubés avec succès à Paris, Londres et Tel-Aviv.

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Stéphane Guinet (Kamet) : « Notre objectif est de développer des innovations de rupture »
Stéphane Guinet, directeur général de Kamet

Argus de l'Assurance : Comment est née Kamet ?

Stéphane Guinet (Kamet) : Kamet a été créée par Axa en janvier 2016 avec un budget initial de 100 M€. C’est une « start-up studio »… Une start-up qui en fabrique d’autres, un concept peu répandu en Europe. Notre objectif est de développer des innovations de rupture. Nous ne vou­lons pas améliorer l’existant, mais inventer de nouveaux produits, de nouveaux services. Et pour se faire, nous avons décidé de concilier le meilleur des deux mondes : celui de l’entrepreunariat et celui d’un grand groupe. Autant dire l’agilité et la dyna­mique du risque d’une start-up avec la puissance et le savoir-faire d’une multinationale.

Comment sélectionnez-vous les start-up qui rentrent dans Kamet ?

Nous n’accueillons pas de start-up. Nous accueillons des entrepreneurs en résidence et dont l’objectif est de devenir coaction­naires de la société que nous aurons créée ensemble. En général, ce sont des serial entrepreneurs qui ont déjà développé deux ou trois projets. Nous ne les sélectionnons pas sur leurs idées, mais sur leur capacité à transformer une idée en business. Aujourd’hui, nous avons environ 200 entrepreneurs on board à Londres, Tel Aviv et Paris.

Quelles sont les étapes qui jalonnent le parcours d’un entrepreneur au sein de Kamet ?

L’incubation dans Kamet dure entre douze et dix-huit mois. Le processus est très encadré. Toutes les six semaines, nous faisons des go / no go pour savoir si nous continuons ou non le développement du projet. Si une idée est exploitable, elle passe par diffé­rentes phases : fabrication du produit, de la technologie, validation de l’appétence du marché à ce nouveau produit, première traction commerciale… En revanche, si nous décidons d’arrêter un projet en cours de route, l’entrepreneur peut se repositionner sur une autre idée ou alors décider de sortir de Kamet. Il faut savoir que la majorité des projets meurt rapidement, avant même de devenir une start-up.

Qui travaille dans Kamet ?

Kamet compte une trentaine de permanents. Ce sont des experts qui proposent leurs compétences aux start-up pendant leur incubation. Nous avons ainsi un pôle data, un autre technologique, un service juridique et une équipe dédiée au design thinking. Cette derniè­re s’occupe de toute la phase en amont qui consiste à identifier les frictions sur lesquelles peut intervenir le produit. Nous en sommes en effet convaincus : pour rencontrer le succès, une nouvelle société doit résoudre un vrai problème. Autrement dit, proposer une solution pour laquelle les clients seront prêts à payer.

Notre pays a toujours formé de très bons mathématiciens et informaticiens, mais nous avions du mal soit à les retenir, soit à les encourager à devenir entrepreneurs. Ce n’est désormais plus le cas...

Combien de projets sont déjà en production ?

En l’espace de deux ans, nous avons lancé une quinzaine de projets. De la première année d’incubation sont nées quatre start-up, qui ont déjà des clients et dans lesquelles Axa a déci­dé d’investir. Parmi elles, deux sociétés sont basées à Londres : Fixter, qu’on pourrait qualifier comme étant « l’Uber de la maintenance automobile » ; et Anorak, qui est un robo-advisor utilisant l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer l’ex­périence en matiè­re de prévoyance. Les deux autres start-up de la première vague sont développées en France : Padoa, qui aide à moderniser la médecine du travail, et Qare, une plateforme spécia­lisée dans la télémédecine.

Quels sont les projets, issus de la deuxième vague d’incubation, déjà bien avancés ?

De cette deuxième phase d’incubation, trois start-up commencent parti­culièrement à se faire connaître sur le marché. Il y a Ibex, située à Tel Aviv, qui est un système de diagnostic du cancer basé sur l’IA. Il y a aussi Birdie, qui facilite la vie des person­nes dépendantes, des famil­les et des aidants, l’objectif étant de maintenir ces person­nes le plus longtemps possible à leur domicile. Il y a enfin la plateforme automatisée SaaS (NDLR : Software as a Service) baptisée Setoo, qui aide les grands acteurs du digital à créer leurs solutions d’assurance à la deman­de et personnalisées. C’est de l’assurance paramétrique, Setoo étant d’ailleurs à ce stade, avec Anorak, les seules véritables assurtechs sorties de chez Kamet. Plusieurs autres sont en cours de fabrication.

Son parcours

Stéphane Guinet est diplômé de l’école Polytechnique.

  • 1994-1997 Consultant chez McKinsey
  • 1997-2000 Directeur général d’Hiscox France
  • 2000-2007 Cofondateur et dirigeant d’Assurland et de Prima Solutions
  • 2008-2016 Directeur général d’Axa Global Direct
  • Depuis 2016 Fondateur et directeur général de Kamet

Pourquoi voit-on si peu d’assurtechs sur le marché ?

Vouloir disrupter l’assurance est compliqué. Le marché est très régulé et les nouveaux acteurs qui souhai­tent se lancer se trouvent confrontés à des géants. En outre, pour ces entre­preneurs, constituer un portefeuille de clients risque de prendre du temps et de coûter beaucoup d’argent. Mais, cela ne signi­fie pas qu’il n’y a pas d’innovations possi­bles dans le secteur ! Celles-ci doivent toutefois prendre la forme de servi­ces technologiques qui viendront le plus souvent en complé­ment des solutions proposées par les assureurs.

La France constitue-t-elle un terrain favorable pour l’incubation de ces start-up ?

Oui, plus que jamais ! Si vous m’aviez posé la question lors de la création de Kamet, je n’aurais pas été aussi catégorique. Il y a encore deux ans, les entrepreneurs avaient beaucoup de blocages et d’hésitations au moment de lancer leur société en France. Notre pays a toujours formé de très bons mathématiciens et infor­maticiens, mais nous avions du mal soit à les retenir, soit à les encoura­ger à devenir entrepreneurs. Ce n’est désormais plus le cas. Le rapport sur l’intelligence artificielle diri­gé par le mathématicien et dépu­té LREM d’Essonne Cédric Villa­ni vise notamment à faire entrer notre pays dans une nouvelle dimension.

Pourquoi, alors, la majorité des projets portés par Kamet est-elle développée hors de nos frontières ?

Plusieurs projets incubés dans Kamet ont été développés dans des pays où il y avait un besoin spécifique. Prenez Ibex, que nous avons lancé en Israël. Nous avons pu avoir accès, en moins de trois mois, à vingt ans de données liées aux biopsies anonymisées. En France, la culture n’est pas la même, et parfois même ces données n’existent pas. En prenant toutes les précautions, comme l’anonymisation des données, il est plus difficile d’avoir accès à ces infor­mations. La France est un marché d’avenir pour nous et plusieurs de nos entreprises ont vocation, un jour, à aussi s’implan­ter en France.

Lorsqu’une start-up est lancée sur le marché, Kamet est-il automatiquement actionnaire ?

Kamet n’est pas un fonds de soutien des sociétés existantes. Pour autant, nous finançons des projets, nous cofabriquons des start-up. Bref, nous dépensons de l’argent dès l’arrivée de l’entrepreneur chez nous. Nous sommes donc actionnaires des projets dès leur origine. Quand une socié­té sort de Kamet et lance sa première levée de fonds, Axa dispose d’un droit de premier refus pour devenir l’actionnaire de référence de la strat-up. Les fonds initialement injectés par Kamet servent de capital investi.

Quelle est justement l’influence d’Axa au sein de Kamet ? Le groupe a-t-il un droit de regard sur les projets sélectionnés ?

Je fais partie du comité innovation d’Axa, dont je partage les priorités stratégiques. À savoir la santé, l’assurance des entreprises et les nouveaux modèles de plateforme. Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux projets chez Kamet tournent autour de la médecine, de la prévention et de la santé connectée. L’alignement stratégique avec Axa est maximal. Pour autant, cela ne signifie pas que nous sommes une usine à fabriquer des services pour le groupe. Alors, bien sûr, si une innovation plaît stratégiquement à Axa, ou si elle sert un besoin non couvert dans les métiers d’Axa, la start-up pourra bénéficier d’un appui commer­cial stratégique de l’entreprise. Mais le lien n’est pas automatique. Les entrepreneurs restent libres tout au long de leur parcours au sein de Kamet.

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