Tchernobyl, 30 ans après : si la France était victime d'un grave accident nucléaire ?

Trente ans jour pour jour après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, la France reste exposée à la menace nucléaire au regard de son parc vieillissant. Dans l'hypothèse d'un accident grave, les mécanismes d'indemnisation devraient faire appel à l'assurance privée et à la puissance publique.

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Tchernobyl, 30 ans après : si la France était victime d'un grave accident nucléaire ?
Le contexte de vieillissement des 58 réacteurs nucléaires implantés dans l’Hexagone, dont 33 ont plus de 30 ans, interroge sur l’adaptation des dispositifs d’assurance et de réassurance.

Les manuels d’histoire évoquent la plus grave catastrophe nucléaire du XXe siècle. Le 26 avril 1986, l’explosion du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine, classé au niveau 7 (le plus élevé) sur l'échelle internationale des événements nucléaires (INES), a libéré d’importantes particules radioactives dans l’atmosphère qui allaient contaminer une partie de l’Europe dont la France. 30 ans plus tard, le traumatisme est toujours présent dans l’inconscient collectif. Pire, la survenance d’autres catastrophes nucléaires, dont celle de Fukushima en mars 2011, a replacé la question de la menace que fait peser l’industrie nucléaire civile dans le débat public.

La France maintient son cap nucléaire

Malgré cela, la France, à la différence de l’Allemagne, a décidé de maintenir son cap sur le nucléaire. Or, le contexte de vieillissement des 58 réacteurs nucléaires implantés dans l’Hexagone, dont 33 ont plus de 30 ans, est de nature à accroître le risque nucléaire et interroge sur l’adaptation des dispositifs d’assurance et de réassurance.

En France, ce régime est encadré par les conventions de Paris (sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire du 29 juillet 1960) et de Bruxelles du 31 janvier 1963. Ces dernières instaurent un système de responsabilité civile nucléaire qui fixe la responsabilité exclusive et objective de l’exploitant sans que sa faute ait à être démontrée pour les dommages causés aux tiers. Pour prévenir l’insolvabilité financière de l’exploitant, cette responsabilité fait l’objet d’une garantie financière obligatoire.

Trois paliers de responsabilités

Concrètement, la convention de Paris limite les montants d’indemnisation des dommages causés aux personnes et aux biens en fixant trois tranches de responsabilités en cas d’accident nucléaire :

- La première tranche à la charge de l’exploitant (plafonds de 91,5 M€) est essentiellement assurée par les pools nucléaires de coréassurance. En France, il s’agit d’Assuratome. Cet ensemble regroupe près d’une quarantaine de compagnies d'assurances et de réassurance et dispose d'une capacité de couverture d’un peu plus 500 M€ pour l'ensemble du marché. A noter que le pool peut faire appel aux capacités de ses homologues étrangers - American Nuclear Insurers (A.N.I.), Aseguradores de Riesgos Nucleares (Espanuclear), Atomic Mexican Pool…- en cas de survenance d'un sinistre transfrontalier, hypothèse qui a vocation à se présenter dans la quasi-intégralité des cas. Et qui c’est d’ailleurs démontré dans le cas de Tchernobyl.

- La seconde tranche (plafond de 108 M€) est à la charge de l’Etat du lieu de l’accident.

- La troisième tranche (plafond d'environ 140 M€) est, quant à elle, mutualisée entre l’ensemble des Etats signataires de la convention de Paris.

Des plafonds d'indemnisation trop bas

Au cumulé, ces trois tranches portaient l’indemnisation en RC nucléaire à 345 M€. Un niveau sous-dimensionné par rapport au montant des dommages que pourrait causer un accident nucléaire grave. C’est pourquoi, en 2004, la convention de Paris a été amendée par un protocole qui prévoit une augmentation notable des plafonds : 700 M€ à la charge de l’exploitant, 500 M€ pour l’Etat du lieu de l’accident et 300 M€ pour la partie mutualisée, soit une indemnisation en RC nucléaire totale portée à 1500 M€.

Indemnisation prévue par les conventions de Paris/Bruxelles et protocoles de 2004 :

Une application tardive du protocole de 2004

Le protocole de 2004 n’est applicable en France que depuis la fin 2015, du fait de l’absence de ratification de l’Italie, du Royaume-Uni et de la Belgique, pourtant requise au nom de la règle de l’unanimité exigée par le Conseil européen. L’an passé, la France a en effet décidé de prendre les devants en adoptant l’article 130 de la loi sur la transition énergétique portée par Ségolène Royal. Il modifie le code de l’environnement en précisant que « le montant maximum de la responsabilité de l'exploitant est fixé à 700 000 000 € pour un même accident nucléaire ».

Un équilibre entre assurance privée et système public

Depuis 2016, les exploitants doivent désormais disposer des assurances et des garanties financières adaptées aux nouveaux plafonds. Or, les capacités du marché privé de l’assurance et de la réassurance ne permettront pas de fournir une garantie couvrant la totalité du champ du protocole de 2004 (notamment le coût des mesures de restauration de l’environnement et l’extension de 10 à 30 ans du délai de prescription pour les dommages corporels).

Pour y remédier, l’Etat devrait intervenir sous forme de couverture publique en contrepartie du versement d’une prime par l’exploitant.

Fukushima, un coût de 50 à 60 Md$

Reste qu’en dépit de leur relèvement, les plafonds d’indemnisation sont encore jugés largement sous-évalué au regard des coûts réels liés à une catastrophe nucléaire. La preuve : selon l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), le coût médian d’un accident nucléaire grave en France serait actuellement estimée entre 120 Md€ et 450 Md€. Au Japon, la catastrophe de Fukushima représente un montant compris entre 50 et 60 Md$.

« La charge de l’indemnisation d’un évènement majeur pèsera donc, en dernier ressort, sur les Etats. D’où la nécessité, pour ces derniers, d’anticiper cette éventualité », pointait l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref) dans une lettre publiée en septembre dernier.

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