ANI : la partie est loin d'être terminée au sein des branches professionnelles

Les institutions de prévoyance demeurent plébiscitées par les branches professionnelles. Mais les assureurs n’ont pas dit leur dernier mot et la nouvelle procédure de recommandations a bien bouleversé le paysage conventionnel.

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ANI : la partie est loin d'être terminée au sein des branches professionnelles

Tout change, et rien ne change. Si la procédure de recommandations a supplanté les désignations, à la suite de leur censure par le Conseil constitutionnel en juin 2013, les institutions de prévoyance ont conservé leur leadership au sein des branches professionnelles, même si les mutuelles ont amélioré leurs résultats (voir le schéma ci-contre). Plus de 70 accords et avenants sur la santé ont été signés depuis la publication de la loi de sécurisation de l’emploi, qui a généralisé la complémentaire santé à tous les salariés. « Les accords de branche ont été nombreux en 2015, ce qui était prévisible au vu de la faiblesse du panier de soins ANI », note Jacques Nozach, senior advisor chez Actuaris. Le nombre élevé de recommandations l’a, en revanche, surpris, « eu égard aux risques pris par les organismes concernés » (lire ci-contre), principalement, celui de n’attirer que les « mauvais risques ».

Mais difficile pour les institutions de prévoyance de lâcher ce terrain historique des branches. Les groupes AG2R La Mondiale et Humanis ont notamment tenu à être présents là où ils étaient précédemment désignés, alors que Malakoff Médéric se hisse dans le peloton de tête. « Il y a trois ans, nous avons décidé de revenir sur le marché des branches professionnelles. En position de challenger, nous avons mené une stratégie de différenciation », note Christophe Scherrer, directeur général adjoint de Malakoff Médéric. Exhaustif sur les appels d’offres en 2014, le groupe s’est voulu sélectif en 2015, notamment via son dispositif « Entreprise, territoire de santé » déployé à l’échelle des branches.

Côté mutuelles, l’outil créé par les grands organismes interprofessionnels, s’est révélé d’une redoutable efficacité puisqu’à une ou deux exceptions près : Mutex rafle la mise avec plus d’une vingtaine de distinctions (recommandations et référencements). « Nous avons obtenu les résultats que nous souhaitions » se félicite Stéphane Méjean, directeur distribution. A contrario, le changement de procédure n’a nullement profité aux assureurs. « Historiquement, les assureurs comme Axa n’ont quasiment jamais été désignés » rappelle Sylvain Girerd, directeur commercial assurances collectives pour Axa Entreprises. Seul Allianz a glané trois recommandations, mais à chaque fois en partenariat … avec une institution de prévoyance. B2V pour le sport et les prestataires de services, l’Apgis pour la répartition pharmaceutique. « Ces trois recommandations (...) représentent à la fois peu et beaucoup de branches : peu en nombre, beaucoup pour les assureurs », se réjouit Laurent Doublet, directeur de la protection sociale au sein de la compagnie. En sachant qu’Allianz s’est avancé avec prudence sur ce nouveau terrain. « Lors de la publication d’appels d’offres, nous nous sommes au préalable renseignés pour connaître le degré d’ouverture des partenaires sociaux vis-à-vis d’une possible recommandation d’assureurs » explique-t-il.

Un marché stratégique

La branche du sport ne s’est visiblement pas montrée fermée. « Nous avions un certain nombre de dossiers très proches et Allianz–B2V s’est signalé par un positionnement très moteur », justifie Franck Seguin, délégué général du Conseil national des employeurs d’avenir (CNEA – syndicat employeur des branches animation et sport). Et, de fait, Mutex et Umanens ont dû revoir leurs offres en conséquence pour finalement être corecommandés. Zéro pointé par contre au sein de la branche des bureaux d’études techniques (près d’un million de salariés). « Trois assureurs privés ont soumissionné suite à notre appel d’offres », révèle la fédération Syntec, mais aucun n’a été retenu parmi les trois recommandés, faute, selon le syndicat employeur, d’avoir « pu résoudre la question de la rémunération de la distribution au sein de la branche ». Et l’Association pour la promotion de l’assurance collective, qui avait mené bataille contre les désignations, est engagée dans plusieurs procédures contre ce qu’elle considère comme des désignations déguisées (lire interview ci-contre).

Bref, une analyse un peu rapide laisserait à penser que l’introduction des recommandations n’a pas bouleversé le marché des branches professionnelles. Mais, de fait, la situation est en pleine évolution. Le caractère facultatif des adhésions aux organismes recommandés modifie les pratiques par rapport aux anciennes désignations. « Nous passons d'une posture où les entreprises venaient naturellement vers les désignés à une démarche commerciale plus dynamique, qui nécessite d'aller au contact des entreprises », résume Stéphane Méjean, de Mutex. Et surtout comme le souligne Laurent Doublet, « les recommandations laissent de la place aux stratégies alternatives d’équipement ». Les branches qui affichent les plus forts effectifs suscitent l’appétit. « Des offres spécifiques sont prévues pour les 50 branches professionnelles les plus importantes », prévient- on du côté d’Axa, avec 28 offres métier déjà disponibles. Les recommandations ne constituent qu’un élément de la stratégie globale de beaucoup d’acteurs du marché. « L’essentiel du marché de l’ANI ne se situe pas dans les recommandations », résume Laurent Doublet, là où Christophe Scherrer note, détaillant les résultats 2015 de Malakoff Médéric, « un effet ANI de l’ordre de 63 millions d’euros » sur une production nouvelle en santé-prévoyance de 382 millions d’euros – soit six fois plus. « Le fait d’être recommandé n’est plus une condition nécessaire et suffisante », rappelle M. Méjean, même si ces recommandations restent un atout commercial non négligeable. Et M. Nozach d’Actuaris de prévenir : « Les taux de pénétration desrecommandations devraient être sensiblement plus faibles qu’en cas de désignation, de l’ordre de 15 à 30 % ». Bref, il pourrait y avoir quelques déconvenues dans les années à venir sur les résultats générés par ces recommandations. Ce qui ne semble pas pour le moment rebuter les assureurs. « Les recommandations sont un concept encore très jeune, qui va s’adapter aux usages », analyse Sylvain Girerd, qui voit Axa remporter des appels d’offres dans les années à venir. Même optimisme du côté d’Allianz, concernant l’attitude des partenaires sociaux : « Nous sentons que leurs habitudes sont actuellement en train de bouger. » Juste analyse ou méthode Coué. Là aussi l’avenir le dira.

LA NOUVELLE DONNE DES RECOMMANDATIONS

  • Une branche professionnelle peut recommander un ou plusieurs organismes assureurs. Mais à la condition d’avoir instauré un régime frais de soins présentant un haut degré de solidarité, c’est-à-dire consacrant au moins 2 % des cotisations à des prestations non contributives (lire L’Argus n°7417-18).
  • La recommandation doit donner lieu à une procédure d’appel d’offres transparente.
  • L’organisme recommandé est soumis à des obligations : il ne peut notamment refuser l’adhésion d’aucune entreprise de la branche.
  • Des règles strictes tendent à éviter tout conflit d’intérêt, notamment au regard d’éventuels liens entre partenaires sociaux de la branche et organismes recommandés.

Roger Mainguy, président de l’Association pour la promotion de l’assurance collective : «Des désignations illégales d’organismes assureurs»


  • Pourquoi avez-vous déféré des accords de branche devant la justice ?
    Nous avons saisi fin 2013 le Tribunal de grande instance de Paris pour aller en nullité sur trois accords de branche – « bétail et viande », « poissonnerie » et « espaces de loisirs, d’attractions et culturels » – qui avaient procédé, selon nous, à des désignations illégales d’organismes assureurs. Le TGI a jugé que l’association n’était pas habilitée à l’interpeller sur ce sujet. En parallèle, fin 2013, nous avons saisi le Conseil d’État pour un excès de pouvoir contre l’arrêté d’extension de l’accord de branche « bétail et viande » qui a publié, le 15 décembre 2015, un arrêt donnant raison à notre argumentation sur le fond. Suite à cette décision, nous allons désormais faire appel, afin de faire juger le fond de notre action à l’encontre des branches « poissonnerie » et « espaces de loisirs, d’attractions et culturels ».
  • Contestez-vous d’autres accords ?
    Nous surveillons de près ce qui se passe dans la branche « recyclage-récupération », dans lequel un accord d’extension introduit la notion de contribution à la création d’un fonds social. Or, il n’est pas encore précisé comment sera utilisé l’argent. Par ailleurs, l’organisme recommandé dans cette branche souhaite que les 2 % liés au fonds contributif ne soient pas versés uniquement par les entreprises qui ont adhéré à cet organisme recommandé, mais par toutes les entreprises de la branche. À nos yeux, c’est une violation du principe de libre concurrence.

 

Les recommandations sont un concept encore très jeune, qui va s’adapter aux usages.

Sylvain Girerd, directeur commercial assurances collectives chez Axa Entreprises

Nous avions un certain nombre de dossiers très proches et Allianz-B2V s’est signalé par un positionnement très moteur.

Franck Seguin, délégué général du CNEA (syndicat employeur des branches animation et sport)

Les taux de pénétration des recommandations devraient être sensiblement plus faibles qu’en cas de désignation, de l’ordre de 15 à 30 %.

Jacques Nozach, senior advisor chez Actuaris

A noter, sur le tableau des branches. Humanis a été labellisé dans deux autres branches non incluses dans le comptage, que sont l'industrie et l'importation du bois (IDCC 158) et la sérigraphie (IDCC 614), là où Apicil a également décroché des recommandations pour la distribution directe (IDCC 2372) et les travailleurs intérimaires (IDCC 2378, avec AG2R) - de même, par délégation d'Intégrance via Micils, pour la CCN 66 (IDCC 413, établissements pour personnes inadaptées et handicapées). Une scorie s'est enfin glissée pour IPSEC qui a bien décroché deux recommandations et non une (librairie et organismes de tourisme), ce qui porte le nombre de recommandations, référencements et labellisations obtenus par Adéis Branches à 27 (hors labellisation métallurgie).

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