Fin des désignations, l'assurance joue la montre
Le régime santé de la branche de l’assurance est confié à dix assureurs. Mais les partenaires sociaux tardent à revoir ce dispositif qui ressemble fort à la procédure de désignation désormais interdite.

C’était en juillet dernier. Les employeurs (FFSA, Gema) et quatre organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC, Unsa et CFTC) de la branche de l’assurance signaient un avenant au régime professionnel de prévoyance (RPP), qui couvre aussi la santé. Objectif : mettre en conformité les socles de ce régime de branche sur le volet frais de soins. « Nous devions adapter le RPP, d’une part, à la mise en place de la généralisation de la complémentaire santé avec le panier de soins minimum, et d’autre part, à la réforme des contrats responsables », se félicitait Daniel Kayat, secrétaire général adjoint de la fédération CFDT banques et assurances.
Seulement voilà, au cours de cette négociation, un sujet majeur n’a pas été abordé, à savoir les éventuelles conséquences pour le RPP de la fin des clauses de désignation. Saisi de la loi de transposition de l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, le Conseil constitutionnel a interdit désormais aux partenaires sociaux des branches professionnelles de désigner un ou plusieurs organismes d’assurance complémentaire pour la gestion des régimes santé ou prévoyance conventionnels. Et si les assureurs ont été en première ligne dans le combat pour le libre choix, le fonctionnement de leur propre régime a tous les attributs de la désignation, puisque les entreprises se voient imposer le BCAC.
Ce Bureau commun des assurances collectives (BCAC), groupement d’intérêt économique (GIE) piloté par dix co-assureurs (voir liste p. 40), gère le régime santé/prévoyance… depuis 1937. « C’est un système assez particulier, hybride, puisque la gestion revient au BCAC, alors que le portage du risque repose sur différents assureurs. La branche joue donc sur cette ambiguïté pour prétexter que son accord ne s’assimile pas à une désignation », explique un bon connaisseur du dispositif, perplexe sur cet argumentaire.
Un mécanisme qui ne peut perdurer
« Chaque chose en son temps. Nous traiterons cette question plus tard. Car juridiquement, jusqu’en 2018, nous ne sommes pas en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel du 13 juin 2013 », indiquait en juillet dernier une source patronale. Mais huit mois plus tard, rien n’a bougé. Les partenaires sociaux ont bien inscrit la thématique « révision de la protection sociale de branche » à l’agenda social, sans pour autant convenir de la date exacte du début des discussions. Personne dans la branche ne semble pressé de faire évoluer le schéma actuel, certains syndicats jugeant même que le RPP peut tout à fait demeurer dans sa configuration actuelle.
110 000 Le nombre de salariés couverts par le régime professionnel de prévoyance (RPP) de l’assurance qui couvre également la santé. Les effectifs de la bancassurance sont rattachés à la convention collective des banques.
De fait, le mécanisme en place peut difficilement perdurer, et pas seulement pour des raisons juridiques d’ailleurs. « Les membres de ce pool se répartissent les coûts, les pertes, mais aussi les gains générés par ce régime professionnel de prévoyance. Or, demain, d’autres entreprises pourraient être intéressées », observe un autre spécialiste. Le GIE est composé exclusivement de membres de la Fédération française des sociétés d’assurance, alors même que le RPP couvre également des salariés des mutuelles adhérentes du Gema. Dans le contexte actuel de construction de la Fédération française de l’assurance (FFA), certains grands acteurs mutualistes pourraient être tentés de pousser la branche à revoir le système de co-assurance du régime santé/prévoyance.
Surtout que, selon certains observateurs, le BCAC pourrait se retrouver sans toit. Le GIE est actuellement intégré à l’association de moyens du groupe de protection sociale de l’assurance B2V. Or ce dernier devrait se rapprocher des autres groupes professionnels (Pro BTP, Audiens…) dans le cadre du projet Alliance Pro, et cela dans le respect des directives des régimes de retraite complémentaire Agirc-Arrco. Pour autant, si ce projet – qui peine à avancer – devait enfin se concrétiser, l’environnement du BCAC devrait être sécurisé.
« Nous savons que nous allons devoir certainement passer par un appel d’offres pour le régime professionnel de prévoyance », reconnait Régis Versavaud de la CFDT. Avant de poursuivre : « En revanche, nous espérons que les discussions n’aboutiront pas à ce que chaque entreprise gère finalement ses propres salariés. Cela mettrait à mal la mutualisation de branche. » Ce qui ne devrait théoriquement pas déranger les employeurs, car les grands acteurs de l’assurance ont toujours expliqué qu’une mutualisation au sein d’un portefeuille est préférable à une mutualisation sur un secteur professionnel. La liberté pour chacun de choisir son assureur pourrait aussi contenter les plus petites structures de l’assurance, comme le relève un proche du dossier : « Une petite mutuelle – qui aurait peu de turn-over, et donc des coûts de portabilité inférieurs à ceux observés dans les grandes compagnies d’assurance – est aujourd’hui obligée d’adhérer à ce régime dont les tarifs peuvent se révéler guère avantageux pour elle. »
Les 10 co-assureurs du régime santé/prévoyance de l’assurance
- Allianz
- Aréas Assurances
- Axa
- Groupama/Gan
- Generali
- Prévoir
- La Mondiale
- Quatrem
- SMA
- SwissLife
La triple vocation du BCAC
- Travailler sur les problèmes juridiques et techniques d’assurance collective.
- Gérer, entre autres, les régimes de prévoyance santé (RPP) et retraite supplémentaires (RAMA) de la branche de l’assurance.
- Réaliser des missions techniques d’intérêt général pour la profession de l’assurance. Au travers de trois pools de co-assurance (catastrophe, dépendance, risques aggravés de troisième niveau), le BCAC est, par exemple, chargé de calculer et d’actualiser les tables actuarielles d’incapacité et d’invalidité applicables en France.
Nous espérons que les discussions n’aboutiront pas à ce que chaque entreprise gère finalement ses propres salariés. Cela mettrait à mal la mutualisation de branche.
Régis Versavaud, négociateur CFDT de la branche assurances
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