Les questions posées par la résiliation infra-annuelle en complémentaire santé
En mai, la commission mixte paritaire est parvenue à un accord sur la proposition de loi (PPL) relative au droit de résiliation sans frais des contrats de complémentaire santé. Cette résiliation infra-annuelle soulève des interrogations. Analyse de Dimitri Coudreau, avocat chez Avanty Avocats.

Depuis mars 2014, la loi Hamon permet aux assurés de résilier à tout moment certaines assurances IARD, après l’expiration d’un délai d’un an à compter de la première souscription, lorsque le contrat est tacitement reconductible d’une année sur l’autre. Le législateur s’apprête à élargir cette faculté aux contrats de remboursement de frais de santé. On comprend aisément l’objectif de protection du « consommateur d’assurance » ainsi que celui, réaliste ou non, de la réduction du coût des assurances par l’effet de la concurrence. Certains ont d’ailleurs déjà fait le rapprochement avec les questions plus générales de pouvoir d’achat débattues à l’occasion du mouvement des « gilets jaunes ».
Si cette réforme suscite déjà de nombreuses remarques, il est proposé dans l’immédiat d’analyser la proposition de loi émanant des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat, avant que la commission mixte paritaire ne se prononce pour éventuellement arbitrer les points divergents.
Exercice de la faculté de résiliation infra-annuelle
Cette nouvelle faculté de résiliation infra-annuelle s’appliquera aux trois organismes assureurs couvrant des garanties de frais de santé : entreprises régies par le code des assurances, mutuelles du livre 2 et institutions de prévoyance régies par le livre 9 du code de la Sécurité sociale.
En l’état, à défaut de toute distinction opérée dans le texte adopté par les deux assemblées, elle s’appliquera à tout type de contrat de remboursement de frais de santé. Elle pourra donc être mise en œuvre par les assurés souscripteurs de contrats individuels. Les souscripteurs de contrats collectifs en bénéficieront également, notamment les associations souscriptrices de contrats « groupe ouvert » au bénéfice de leurs membres adhérents, ou encore les employeurs souscripteurs de contrats au bénéfice de leurs collaborateurs et ayants droit, quelle que soit la taille de l’effectif assuré.
La résiliation doit prendre effet un mois après que l’organisme assureur en a reçu notification par l’assuré ou le souscripteur. Les modalités de notification de la résiliation font également l’objet d’un assouplissement puisqu’elle pourra être effectuée, au choix de l’assuré : (i) soit par lettre ou tout autre support durable ; (ii) soit par déclaration faite au siège social ou chez le représentant de l’assureur ; (iii) soit par acte extrajudiciaire ; (iv) soit, lorsque l’assureur propose la conclusion du contrat par un mode de communication à distance, par le même mode de communication ; (v) soit par tout autre moyen prévu par le contrat.
L’assuré ou le souscripteur ne sera dès lors redevable que de la partie de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque est couvert. L’organisme assureur sera tenu, le cas échéant, de rembourser le solde dans un délai de trente jours à compter de la date d’effet de la résiliation.
Changement d’organisme
En cas de changement d’organisme assureur, le nouvel organisme devra effectuer les formalités nécessaires à l’exercice du droit de résiliation auprès de celui résilié. à ce titre, la proposition de loi comporte un écart entre les textes, d’une part, du code de la Sécurité sociale et du code de la mutualité, et d’autre part, du code des assurances. Ce dernier instaure cette obligation au profit des seuls « assurés », c’est-à-dire des personnes physiques, alors que les premiers visent également les souscripteurs de contrats collectifs. Il faudra donc rester attentif au texte définitif. En tout état de cause, il est prévu que « les organismes intéressés doivent s’assurer de l’absence d’interruption de la couverture […] durant la procédure ».
Un décret en Conseil d’état devra être pris pour finaliser le dispositif et prévoir les « catégories de contrats » visées. Il devra également prévoir la date d’entrée en vigueur de la mesure, qui ne pourra être postérieure au 1er décembre 2020, étant précisé qu’elle sera « applicable aux adhésions et contrats existants à cette date ». Cette nouvelle faculté de résiliation devra être mentionnée dans chaque bulletin d’adhésion, contrat et / ou, le cas échéant, notice d’information pour les assurances collectives. En tout état de cause, elle devra être rappelée à chaque avis d’échéance de cotisation.
Résiliation annuelle, mode d’emploi
La proposition de loi portant sur la résiliation à tout moment des contrats d’assurance santé n’a pas pour effet d’abroger la faculté de résiliation annuelle prévue par les différents codes. Les assurés ou les souscripteurs de contrats collectifs pourront donc continuer de s’en prévaloir. Indépendamment de la faculté de résiliation en cas de non-paiement des cotisations, elle demeure la seule faculté ouverte, le cas échéant, aux organismes assureurs et doit être exercée, pour mémoire, au moins deux mois avant la date d’échéance du contrat – soit, en général, au plus tard le 31 octobre de chaque année –, par l’envoi d’une lettre recommandée.
Assurances collectives de salariés
Bien que cette nouvelle faculté soit également ouverte aux employeurs souscripteurs de contrats collectifs, la mesure semble avoir été principalement pensée pour permettre à des assurés individuels de faire jouer la concurrence sur ce secteur. On perçoit d’ores et déjà quelques difficultés pratiques qui en découleront en matière d’assurance « collective de salariés ».
Le délai particulièrement court de prise d’effet de la résiliation va nécessairement conduire à des difficultés de transfert de la gestion des contrats entre les assureurs. Le nouvel organisme assureur disposera, en effet, d’un mois pour gérer la souscription du contrat, traiter les données des salariés nécessaires à la gestion des cotisations et prestations, et délivrer les cartes de tiers-payant. C’est peut-être cet aspect qui constituera le principal frein à la résiliation en cours d’année.
Mais la question principale reste de savoir si les entreprises de taille moyenne et les grandes entreprises se saisiront de cette nouvelle faculté de résiliation qui crée nécessairement un déséquilibre en faveur du souscripteur, lequel peut résilier à tout moment alors que l’organisme assureur doit effectuer la résiliation par lettre recommandée au moins deux mois avant la date d’échéance annuelle du contrat. Cela aura une incidence particulière en fin d’année, puisque le souscripteur disposerait d’un mois supplémentaire pour décider d’un éventuel changement de fournisseur d’assurance.
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