Auto : La difficile traque des conducteurs non assurés
Le fichier des véhicules assurés doit voir le jour au 1er janvier 2019. Mais pour qu’il devienne un instrument efficace de lutte contre la non-assurance, il faudra d’abord s’assurer de la fiabilité de son contenu...
? Aurélie Abadie et Anna Darcel
\ 16h23
? Aurélie Abadie et Anna Darcel

La traque aux conducteurs non assurés est ouverte. Au 1er janvier 2019 doit en effet voir le jour le fichier des véhicules assurés. Inscrite dans la loi de 2016 sur la Justice du XXIe siècle, la mesure vise à lutter contre la non-assurance, responsable aujourd’hui de 10 % des accidents corporels en France, selon le Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO). Pour Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, « il s’agit d’un enjeu de sécurité routière car on constate une sur-accidentalité des personnes conduisant sans assurance. Elles représentent en effet 7 % de la mortalité routière. »
S’ajoutent à cela des enjeux financiers. En cas d’accident de la circulation, lorsque le conducteur responsable n’est pas assuré, c’est le FGAO qui est tenu d’indemniser les victimes. Face à l’importance du phénomène, le Fonds – qui se finance essentiellement sur les primes des contrats de responsabilité civile d’assurance automobile – a dû revoir à la hausse les contributions des assureurs et des conducteurs assurés.
Afin de lutter contre la non-assurance, le FGAO réclame depuis 2011 la création du fichier des véhicules assurés (FVA). « Identifier un assureur en France avec une simple plaque d’immatriculation reste un sujet compliqué. Ce n’est pas acceptable en 2018 », précise Philippe Roux, directeur du FGAO.
Données fournies par les assureurs
Selon le décret paru au Journal officiel le 24 juillet dernier, l’Agira (Association pour la gestion des informations sur le risque en assurance) est chargée de constituer le fichier grâce aux données fournies par les assureurs auto et les courtiers opérant en délégation d’assurance, à savoir le numéro d’immatriculation du véhicule, la dénomination et l’adresse de l’assureur, le numéro du contrat d’assurance et sa période de validité.
À partir de ce premier fichier, l’Agira obtiendra par le jeu d’une soustraction avec le système d’immatriculation des véhicules une liste de « véhicules susceptibles de ne pas satisfaire à l’obligation d’assurance ». Cela devrait permettre au FGAO d’améliorer sa connaissance des populations non-assurées et ainsi de mieux cibler ses actions de prévention. « Aujourd’hui, nos campagnes visent avant tout les jeunes, mais nous avançons à l’aveugle. L’objectif est de réduire fortement la non-assurance et donc le volume des sinistres causés par les non-assurés », indique Philippe Roux. Selon la délégation interministérielle à la sécurité routière, des courriers individuels seront envoyés aux personnes susceptibles de ne pas être assurées afin de les alerter sur les risques.
Le FVA sera également consulté par les forces de l’ordre afin de sanctionner les conducteurs non-assurés : ces derniers encourent une amende forfaitaire délictuelle. Des ajustements seront toutefois nécessaires avant qu’elles puissent recourir à ce fichier de manière efficace. « Le fichier des véhicules assurés sera mis à la disposition des forces de l’ordre lors des contrôles sur la route dès le 1er janvier 2019. Avant de pouvoir procéder à des verbalisations lorsqu’un conducteur susceptible de ne pas être assuré se fait flasher par un radar, nous serons d’abord attentifs à ce que ce fichier soit fiable. Le recours au fichier lors de la lecture automatique de plaques d’immatriculation [NDLR : les vidéo-verbalisations] prendra encore davantage de temps », explique Emmanuel Barbe.
« À la mise en service de ce fichier, il y aura inéluctablement des anomalies. Il serait nécessaire de laisser un temps d’adaptation en 2019 pour les corriger afin que les assurés ne soient pas verbalisés par erreur », acquiesce Philippe Janoueix, responsable auto à la direction IARD de Covéa. S’assurer de la fiabilité des données contenues dans le fichier est, en effet, un chantier de taille. Les assureurs auto, chargés de transmettre les informations requises à l’Agira, ont entrepris de lourds travaux de préparation. « Nous avons débuté les travaux en 2016 et ces deux ans ne furent pas de trop ! Il a fallu identifier les erreurs de saisie dans nos bases de données et mettre en place un process de correction en comparant les immatriculations avec les cartes grises archivées ou en sollicitant nos clients, raconte Philippe Janoueix. Chez Covéa, nous avons décidé de mettre en place un système de recherche par immatriculation, dès la souscription : lorsqu’on entre une nouvelle immatriculation dans nos systèmes, on consulte le SIV pour vérifier qu’elle correspond au bon véhicule. »
Pour aider les assureurs dans leur tâche, l’Agira a mis en place la plateforme FVA le 28 août dernier. L’objectif est qu’au début du mois de décembre, tous les assureurs auto aient transmis les informations requises sur leur stock de contrats. « Nous devons encore retravailler nos données, témoigne Philippe Janoueix. Le système d’échanges avec l’Agira a décelé des erreurs que nous analysons et corrigeons actuellement. »
Transmission automatisée
La transmission initiale des informations afin de constituer le fichier n’est qu’une première étape. « À partir du 1er janvier, les assureurs disposeront d’un délai de 72 heures à compter de la souscription ou de la modification de la garantie RC auto pour actualiser le fichier », explique Philippe Rulens, directeur de l’Agira. Pour cela, les assureurs auto expliquent intégrer de manière automatisée leurs flux informatiques sur ceux de l’Agira.
De même, la prudence est de mise sur le fichier des véhicules susceptibles de ne pas satisfaire à l’obligation d’assurance (FVNA). Dans la mesure où il sera obtenu grâce au croisement entre le système d’immatriculation des véhicules (SIV) et le fichier des véhicules assurés (FVA), il dépend de la fiabilité des données contenues dans ce dernier. « Si le fichier des véhicules assurés est imparfait au 1er janvier 2019, le FVNA ne pourra pas être constitué convenablement », relève Philippe Roux. De plus, le simple croisement de ces données ne sera pas suffisant afin de lutter contre la non-assurance. « Il faudra que le FGAO retravaille la liste d’immatriculations fournies par l’AGIRA afin de pouvoir rendre le FVNA opérationnel », ajoute le directeur du FGAO. Si elle est complexe à mettre en œuvre, la mesure a déjà prouvé son efficacité chez nos voisins européens.
Des chauffards sur la route
Les véhicules roulant sans assurance représentent :
- près de 3 % des véhicules immatriculés en France (entre 700 000 et 1 million de véhicules)...
- mais 7 % de la mortalité routière et sont responsables de 10% des accidents corporels
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