Internet crée du lien
Les assureurs ont peu de contacts avec leurs clients. Il leur est donc difficile de connaître leurs besoins et de leur proposer de nouveaux produits. Internet, l'e-mail, et peut-être demain les réseaux sociaux sont des moyens efficaces pour entretenir avec eux une relation suivie.
« Plus on est capable de garder longtemps un client, plus on peut investir commercialement. Il est donc extrêmement important de le fidéliser », constate Jérémy Garamond, fondateur du courtier en ligne AssurOne Group. Cependant, il n'est pas facile de connaître les besoins de ce client avec qui les contacts sont très restreints... « En assurance, on compte de trois à sept contacts entrants par an et par client, tous canaux confondus. Dans la banque, en dehors des retraits aux distributeurs de billets, on est plutôt entre 60 et 80 contacts par an, Internet en tête, suivi des déplacements en agence », souligne Éric Sousa, directeur chez Exton Consulting. À l'image des banques, les assureurs proposent de plus en plus des espaces clients leur permettant de gérer leurs contrats sur le Web. D'ailleurs, « en santé, proposer un espace de gestion où l'on peut consulter ses remboursements devient la norme. Si on ne le fait pas, le client s'en va ailleurs », constate Frank Roullier, directeur des activités directes et multicanal d'Aviva France.
Si, en santé et en vie, ces espaces fonctionnent relativement bien, la tâche est plus difficile en IARD. « À ce jour, plus des deux tiers des clients qui activent un espace de gestion sur le site de leur assureur n'y retournent pas réellement », note Olivier Hoarau, directeur de projet de Cap Gemini Consulting. Il faut donc trouver les services à valeur ajoutée qui les feront revenir. Outre la possibilité de consulter les remboursements, de changer ses coordonnées, de télécharger des attestations, les clients apprécient les simulateurs qui permettent de savoir à l'avance combien leur paire de lunette leur sera remboursée. « Ce sont les services les plus utilisés, avant même la consultation des remboursements, confirme Pierre Guillocheau, directeur de la relation clients de Malakoff Médéric. Nous en proposons en santé, mais aussi en prévoyance et en retraite, car il y a une vraie demande. » Les services de géolocalisation sont également très prisés. « Nous avons eu plus de 200 000 requêtes sur notre site en 2011, et environ 300 par mois depuis l'application iPhone », souligne Benoît Audouy, responsable Internet à la MGEN.
Malgré tout, la gestion de sinistres en ligne ou sur mobile pourrait être développée davantage. « En général, il est uniquement possible de déclarer son sinistre en ligne. Or, son suivi (étapes du sinistre, nomination et passage de l'expert...) serait également très intéressant pour le client. Ces données existent dans le système d'information, mais il faudrait pouvoir la remonter aux clients », explique Jean-Louis Delpérié, directeur chez Exton Consulting. Le développement des espaces clients n'est pas encore achevé, notamment parce que « cela représente des investissements lourds, car il faut s'interfacer avec les systèmes d'information métiers. Cela a également un impact sur l'organisation des assureurs dotés de réseaux d'agents généraux et de courtiers », explique Maxime Letribot, associé chez EuroGroup Consulting.
Peu à peu, les assureurs personnalisent les informations délivrées à leurs clients. « Pour pousser les vignettes les mieux adaptées à chaque adhérent dans son espace de gestion, nous avons conçu un score qui prend en compte son équipement et son âge, explique Agnès Henaff, responsable du canal Web et des nouveaux services clients du groupe Humanis, périmètre Vauban-Humanis. Ce n'est pas facile, car, il faut compiler les données sur les clients en temps réel. »
Diversifier les médias et devenir proactif
Les assureurs commencent également à proposer l'accès à leur site Web via les téléphones mobiles. « Offrir aux clients des services accessibles depuis leur mobile est indispensable. Sinon, ils ne souscriront plus », estime même Béatrice Honnoré, directrice des études épargne chez Generali France. Ses assurés peuvent déclarer leur sinistre habitation ou automobile depuis leur téléphone portable, mais aussi calculer leur responsabilité en cas d'accident de voiture, trouver le garagiste le plus proche. « Chaque mois, la part du mobile augmente sur notre site, alors qu'il n'a pas été conçu ni optimisé pour cet usage. Nous enregistrons de plus en plus de consultations depuis des smartphones et des tablettes », confirme Eddie Abecassis, directeur du développement e-business Swisslife.
L'envoi de SMS ou de courriels est aussi un bon moyen d'échanger avec ses clients. « Nous envoyons par courriel une enquête de satisfaction dans les six jours qui suivent une adhésion. En cas d'insatisfaction ou d'incompréhension, nous rappelons systématiquement le client », explique Marie Content, directrice générale de Cmonassurance, filiale Web d'Alptis. Tous les six mois, un autre courriel s'assure que les clients sont toujours satisfaits, et l'assureur en profite pour leur rappeler les coordonnées de leur conseiller.
Les lettres d'information sont aussi un bon moyen de maintenir le lien et, par la même occasion, de proposer au client des produits qu'il n'a pas encore. Trois mois avant l'échéance du contrat, le cabinet de courtage en ligne Direct Courtage envoie un courriel rappelant le lien vers le comparateur Mutuelle Santé, dont il est partenaire. « Si le client refait des simulations, nous le contactons pour savoir s'il veut changer de garanties. Cela nous permet de lui redire la différence entre le courtier et la compagnie », explique Julien Kain, son responsable gestion et fidélisation. Un bon moyen de prouver sa proactivité. Autre exemple avec Prédica en assurance vie. « Si un client commence une opération de gestion en ligne sur son contrat d'assurance vie mais ne la finalise pas, nous envoyons ses coordonnées à sa caisse régionale pour qu'elle le contacte par courriel ou par téléphone », explique Emmanuelle Derhy, responsable du développement multicanal de la filiale de Crédit agricole assurances. Cependant, beaucoup d'assureurs en sont encore à collecter les numéros de portable et les adresses électroniques de leurs clients...
Et les réseaux sociaux ? « Ils constituent une forme moderne des lettres d'information », estime Arnaud Giraudon, fondateur du courtier en ligne AcommeAssure. Mais c'est aussi la possibilité de communiquer avec ses assurés via les sites où ils sont présents, sur des thématiques qui les touchent, de faire de la vidéo, du chat. Bref, voici un nouveau chantier en perspective, et un nouveau canal à intégrer...
PENSER DAVANTAGE À L'E-MAILLes campagnes d'e-mail ont un coût extrêmement faible en comparaison du courrier, du téléphone ou du SMS. En outre, contrairement aux e-mails de prospection, les taux d'ouverture des courriels d'information envoyés par les assureurs à leurs clients sont très élevés. D'après le baromètre 2011/12 L'Argus de l'assurance-Solucom de la relation client, 97% des assurés interrogés déclarent lire les courriels envoyés par leur assureur, et 91% leur trouvent un intérêt. « Les assureurs doivent profiter de cette qualité d'écoute et donner ainsi une image plus proactive à leurs clients », souligne Emmanuel Guillaumeau, consultant manager chez Solucom. Ce même baromètre constate cependant que les clients sont plus satisfaits des e-mailing que leur envoie leur assureur que des réponses de leur conseiller par courrier électronique. « S'ils maîtrisent bien les campagnes marketing par courriel, les assureurs vont devoir professionnaliser les messages envoyés par les services clients », conclut Emmanuel Guillaumeau.
TÉMOIGNAGE Laurent Richaud, directeur digital et multiaccèschez Axa France « Multiplier les services sur les espaces clients »« Pour faire venir régulièrement les clients sur leur espace personnel, il faut leur proposer des services autres que la simple consultation de leurs contrats. Notre simulateur de remboursements en santé, par exemple, répond à un vrai besoin : il permet de connaître à l'avance son reste-à-charge sur le dentaire, l'optique, une hospitalisation. Ce simulateur est totalement personnalisé, car il puise les informations sur les garanties souscrites directement dans les systèmes de gestion. En 2012, nous allons améliorer le suivi du traitement des sinistres, pour que l'assuré sache, par exemple, si l'expert est passé au garage. C'est complexe à mettre en place, car il faut réussir à interfacer les systèmes de gestion et rendre les informations intelligibles pour le client. »
TÉMOIGNAGE Carole Bérard, directrice relation clients d'April santé-prévoyance « Du cash-back et du Chat ! »« Via leur espace client, les assurés ont accès à notre site achatsgagnants.fr. C'est un service de cash-back, qui permet, pour les achats en lignes réalisés via ce site, de bénéficier de réductions et de se constituer une cagnotte. Elle peut être utilisée pour d'autres achats, payer sa complémentaire santé ou bien être virée sur un compte bancaire. C'est un service peu connu en France, mais, de janvier à novembre 2011, le nombre de clients actifs a progressé de 50 %. Depuis cet été, nos clients peuvent aussi chatter avec un conseiller. Cela permet de personnaliser la relation. Toutefois, afin de ne pas faire de fausses promesses, le bouton chat n'est visible que lorsqu'un conseiller est disponible. C'est un nouveau canal relationnel, comme le mail ou le téléphone. »
2 QUESTIONS À Nawel Mettouchi-Vaillan, manager chez Kadris« La multidétention est moins coûteuse que la conquête »Pourquoi travailler sur la fidélisation ? En individuel, les taux de résiliation augmentent. L'arrivée des comparateurs en ligne participe à cette tendance. Cependant, c'est un constat à relativiser : en santé individuelle, un client reste encore en moyenne sept ans. En parallèle, le potentiel de conquête devient relativement limité en santé et prévoyance, du fait des contrats collectifs et de la saturation du marché. Il faut donc conquérir les clients de ses voisins, mais aussi conserver les siens, fidéliser, récompenser, pérenniser la relation. D'ailleurs, proposer de nouveaux produits à un client existant est cinq fois moins coûteux que d'en conquérir un nouveau. En quoi Internet est-il un outil intéressant ? On note une modification des comportements des consommateurs, de plus en plus individualistes et éclairés, et, de ce fait, une résurgence des approches affinitaires. Les assureurs doivent recréer une relation singulière à l'individu, qui doit se sentir accompagné de manière personnalisée. Internet vient servir cet objectif à moindre coût.
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