Les CGPI contraints aux regroupements ?
VITTORIA DE BAGNOLO
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VITTORIA DE BAGNOLO
Le paysage de la profession du conseil indépendant en gestion de patrimoine sera bouleversé d'ici à 2012. C'est, en tout cas, ce qu'affirme une étude prospective réalisée par McKinsey en 2008 (voir le graphe). On verrait le nombre de cabinets de taille moyenne fondre de moitié, passant de 1 550 à 800. Soit ils rejoindraient d'autres indépendants groupés sous une même enseigne, soit ils atteindraient une taille suffisamment importante pour survivre. Au total, d'ici à deux ans, groupements et franchises rassembleraient 42 % des CGPI contre 22 % en 2008. La prospective est une science difficile, et ces chiffres ne doivent pas être pris au pied de la lettre, mais une chose est sûre : le paysage est en pleine mutation.
Difficile de courser seul plusieurs lièvres
Une majorité des conseils indépendants sont à la tête d'un cabinet avec une collaboratrice unique pour toute assistance. Et « 97 % des CGPI ont moins de cinq salariés, 75 % sont seuls », précise Bruno Delpeut, fondateur du groupement Infinitis, entité structurée, créée en 2007, qui compte 65 adhérents. Ces cabinets isolés ont un potentiel de collecte limité. Et le poids croissant de plusieurs réglementations qui se chevauchent met ces CGPI en péril. Ils peuvent être soumis aux règles des conseils en investissements financiers (statut Cif), des courtiers en assurances (enregistrement à l'Orias), démarcheurs, transmetteurs d'ordres, agents immobilier (loi « Hoguet »), intermédiaires en opération de banque et, parfois, des titulaires de la compétence juridique appropriée. Se mettre en conformité avec toutes ces règles, être à jour de ses déclarations à la Cnil, satisfaire à différentes obligations de formation, tout cela exige énormément de temps. Seul et isolé, comment un chef d'entreprise peut-il trouver, en plus, le temps de s'équiper d'outils informatiques, de recruter des collaborateurs, sélectionner les fournisseurs... et passer du temps en clientèle ? « Rejoindre d'autres confrères est déterminant pour la pérennité de certains », estime Marie-Anne Jacquier, directrice générale adjointe d'April Patrimoine. « Les exigences de la réglementation leur imposent tant de paperasse qu'ils sont obligés de mettre en commun des moyens », confirme Vincent Vercoustre, directeur commercial chez Skandia. « Un conseiller seul ne peut pas à la fois suivre les marchés financiers, mettre à jour ses connaissances juridiques et trouver des clients », poursuit-il. De là à prédire la disparition pure et simple du conseil indépendant isolé, il n'y a qu'un pas. « Les isolés sont une majorité, mais plus pour longtemps », souligne Valère Gagnor, fondateur du groupement de franchisés Arkanissim.
Du simple échange à la franchise
« Aujourd'hui, groupement est un mot fourre-tout qui recouvre une grande hétérogénéité dans les formes d'associations », souligne Marie-Anne Jacquier. Cela va des simples lieux de réflexion et d'échanges, où les conseillers partagent leurs expériences en restant entièrement libres, jusqu'à des organisations où ils acceptent de perdre une bonne partie de leur indépendance, comme les franchises. Entre ces deux extrêmes, on recense une grande variété de rapprochements, principalement guidés par des motivations commerciales et opérationnelles. Cette organisation permet aux conseils de partager tout ou partie des fonctions transversales qui se répètent dans chaque cabinet : outils informatiques, sélection des logiciels d'agrégation de comptes, personnel administratif, formations des adhérents, aide au recrutement et à la rédaction de contrats de travail, etc. Dans tous les cas, le groupement décharge les CGPI de tâches ingrates et chronophages pour leur permettre d'assurer leur développement, notamment en consacrant plus de temps à la prospection et à leur clientèle. En ce qui concerne les relations avec les fournisseurs, le groupement peut se substituer à ses adhérents pour négocier des accords de distribution de produits de placement (programmes immobiliers, OPCVM, assurance), comme une centrale d'achats.
Face à leurs multiples fournisseurs (compagnies d'assurances, plates-formes, sociétés de gestion, promoteurs immobiliers), bien plus gros qu'eux en nombre et en taille, « les conseils indépendants peuvent se sentir désavantagés », souligne Marie-Anne Jacquier. Le groupement rééquilibre le rapport de forces, profite de l'effet de volume pour peser plus lourd face aux compagnies et négocier des tarifs préférentiels. Cela passe aussi par le montage de contrats dédiés qui incluent de nouveaux supports financiers structurés ou non.
Un paysage mouvant
« Beaucoup se concentrent, mais la mayonnaise ne prend pas forcément », relativise Nathalie Trasleglise, directrice d'Allianz VIP. D'abord, les CGPI n'ont pas envie de se faire absorber et perdre leur indépendance. Ensuite, tous les groupements n'apportent pas la même valeur ajoutée et ne sont pas promis au même avenir que les plus anciens, déjà établis. Lorsque les conseils estiment que les inconvénients du groupement ne compensent pas les avantages qu'il est censé procurer, ils quittent le navire. Les unions se font et se défont. Mariages et divorces rendent le paysage très mouvant. « Quand un groupement tient bon, c'est surtout grâce à son leader, à sa notoriété, à son image et à sa capacité à fédérer sans placer son intérêt avant celui des membres », souligne Nathalie Trasleglise.
Reste que « le processus de rapprochement déjà engagé au sein de la profession va se poursuivre », confirme, pour sa part, Sabine Gräfe, responsable d'une étude de Precepta, parue en octobre 2009. « Je ne sais pas quelle forme de groupement va gagner, mais les regroupements de CGPI semblent être une tendance de fond », confirme Marie-Anne Jacquier.
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