Soif de liberté
Lionel Namin, conseiller scientifique de « Jurisprudence automobile » info@jurisprudence-automobile.fr

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Lionel Namin, conseiller scientifique de « Jurisprudence automobile » info@jurisprudence-automobile.fr
Le libre choix du réparateur automobile, la liberté des prix, la liberté contractuelle, la libre évaluation du dommage... Que de libertés revendiquées par tous les opérateurs économiques présents sur le marché de la réparation-collision.
Si toutes ces libertés ont pour dénominateur commun le principe de la libre concurrence, comment peuvent-elles coexister lorsque plusieurs acteurs aux intérêts antagonistes cherchent en même temps à les conjuguer avec les mots : « réparer un véhicule après un accident » ?
Cette question est d'autant plus légitime que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. En observant l'actualité de ces dernières semaines, il semble que le droit dans son expression formelle soit appelé à la rescousse.Si un certain formalisme assure à chacun le droit d'user de sa liberté, en pratique, cela ne sera pas toujours suffisant.
Le choix du réparateur était une liberté existante mais trop souvent tue aux dires des réparateurs par les assurances. Qu'à cela ne tienne. Désormais, la loi leur imposera de rappeler aux assurés le libre choix du réparateur automobile (1).
Il est d'usage que les experts et les réparateurs discutent contradictoirement afin de trouver un accord sur le coût de la réparation. Mais dans certaines situations d'exagération manifeste, cet accord n'est pas envisageable. Dans ces conditions, l'expert doit commencer par formaliser un désaccord pour, dans un second temps, évaluer librement le dommage. Car si la réalité du désaccord n'est pas établie, les juges en déduisent que l'expert a commis en faute en cherchant à imposer un prix (T. com., Grenoble, 17 février 2014).
L'assureur doit indemniser le sinistre de son assuré, mais il est libre de fixer les modalités d'après des critères à formaliser dans son contrat pour que ses assurés soient informés. À ce titre, la juridiction du commerce a tranché qu'un assureur était fondé à procéder à l'indemnisation de ses assurés sur la base des tarifs horaires d'indemnisation fixés par son expert, qui lui-même s'en était tenu à estimation de « tarifs moyens » après une analyse du marché (TC Lille, 28 janvier2014). En l'espèce, les conditions générales du contrat stipulaient que « l'expert [...] évalue le coût des réparations et du remplacement des pièces détériorées en tenant compte des règles de l'art (et donc de sécurité) ainsi que des meilleures conditions économiques locales ».
Si un certain formalisme assure à chacun le droit d'user de sa liberté, en pratique, cela ne sera pas toujours suffisant. Les assureurs, experts et réparateurs devront surtout apprendre à se limiter dans leur soif de liberté pour que s'établissent entre eux des relations équilibrées et loyales, qui seront garantes du respect de la discipline du marché par ces derniers.
(1) Art. 21 ter de la loi consommation de Benoit Hamon, votée le 13 février par le Parlement.