La bobine du monde
Anne Lavaud Rédactrice en chef

Le cinéma de Michael Haneke, récompensé dimanche pour son film Amour, avait déjà eu les honneurs de la Croisette. C'était en 2009 avec le Ruban blanc. Deux années de crise plus tard, c'est à nouveau la grande sobriété et la rigueur du cinéaste autrichien qui ont retenu l'attention du jury. En 2011, rappelez-vous, Jean Dujardin s'offrait huit minutes de standing ovation lors de la remise de son prix d'interprétation masculine pour son rôle dans The Artist, un remake de film muet, apôtre de la nostalgie des Années folles.
Le palmarès cannois serait-il un révélateur de la vraie bobine du monde ? Il faudrait le vérifier en étudiant scrupuleusement les 65 éditions du festival. Une certitude pourtant : en 2012, la crise sociale, la crise économique et la pauvreté sont des thèmes qui foulent le tapis rouge au risque d'éteindre l'éclat des strass et des sunlights. Ainsi, sur les bords de la mare nostrum où ne règne plus aucune des thalassocraties de l'antiquité, les craintes sur l'avenir de la plus prestigieuse d'entre elles, la Grèce, avaient rendez-vous avec le devenir de la zone euro... histoire de rappeler un rien crûment que derrière les stars et les paillettes, le cinéma est avant tout une industrie dont l'argent est le premier carburant.
D'argent, il en a également été question dans l'interview accordée ce même week-end à Bloomberg par le directeur général de l'Institut de la finance internationale (IIF). Charles Dallara y met deux chiffres en balance. D'une part, les 1 000 milliards d'euros que coûterait une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro ; d'autre part, les 10 milliards supplémentaires qu'il faudrait lui verser (en plus des plans en vigueur) pour l'aider à sortir de la récession. Bref, encore des poignées de milliards qu'il va falloir trouver, même si l'IIF endosse momentanément la célèbre formule du Don Quichotte de Cervantès « Il faut donner du temps au temps » et met en garde contre une rigueur qui, trop brutale, ôterait tout espoir de croissance... à ne pas confondre avec des moulins à vent !
Bref, c'est donc dans un climat très anxiogène que l'économie mondiale attend avec impatience le verdict des urnes grecques (faisant passer nos élections législatives pour une « votation » de quartier !), véritable référendum pour ou contre le maintien dans la zone euro. Voilà donc seize longues journées, déjà placées sous le signe de l'austérité, permettant à chacun de méditer sur ces mots empruntés à Prévert par Jean-Louis Trintignant, premier rôle masculin d'Amour, lors de la remise de la Palme : « Et si on essayait d'être heureux, ne serait-ce que pour donner l'exemple »... et changer la bobine du monde.
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