Plan d’action de l’UE en faveur de la finance durable : le règlement SFDR en cinq points
L’Union Européenne a exprimé son ambition forte et louable de lutter contre le changement et le réchauffement climatique, formalisée par le Pacte vert de l’UE, qui vise la neutralité climatique d’ici 2050. Pour y parvenir, de profonds changements de nos structures économiques sont nécessaires, impliquant en particulier les acteurs économiques et financiers. Afin d’orienter les capitaux vers ces objectifs, la Commission européenne développe des réglementations sur les investissements durables.

Le Plan d’action de l’UE en matière de finance durable a déployé plusieurs initiatives, telles que le Règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD, 2022) et dans le secteur des services financiers (SFDR, 2021) , la taxonomie de l’UE, ainsi que des indices de référence liés au développement durable et des éco-labels. Le SFDR et la taxonomie sont intégrés depuis 2022 aux directives MiFID II, UCITS et AIFM par l’intermédiaire d’Actes délégués. Nous proposons dans cet article de rappeler cinq éléments majeurs relatifs au SFDR.
1. Du SFDR niveau 1 au SFDR niveau 2
Le SFDR visait initialement à créer une grille de lecture commune sur la durabilité des produits financiers et des acteurs des marchés financiers. Tous les produits financiers sont concernés, qu’il s’agisse d’unités de compte ou de fonds en Euros. La communication d’informations et les principes communs ont été établis pour réduire la confusion, l’hétérogénéité et le greenwashing dans l’investissement durable. Le SFDR s’applique à la fois au niveau de l’entité, c’est-à-dire aux acteurs des marchés financiers, et au niveau du produit. Le principe de double matérialité, central, doit être formalisé et intègre d’une part les risques financiers matériels liés au développement durable auxquels une entité ou un produit est soumis, et d’autre part les impacts qu’une entité ou un produit a sur l’environnement et la société.
Conformément au processus réglementaire européen habituel, le premier niveau a introduit les grands principes en mars 2021. Les acteurs des marchés financiers doivent désormais publier leurs politiques de risque lié au développement durable et décrire comment ils intègrent la durabilité dans leurs politiques de rémunération. Certaines informations, principalement qualitatives, sont également exigées au niveau des produits selon la manière dont les participants classent ces derniers. Le SFDR définit trois catégories de produits financiers : ceux relevant de l’article 6, de l’article 8 et de l’article 9. En bref, les produits classés article 6 ne tiennent pas compte de la durabilité, sauf pour la gestion des risques ESG (Environnement, social et gouvernance) ; les produits article 8 intègrent des considérations de durabilité, et les produits article 9 ont des objectifs explicites en matière de durabilité. Bien que le texte réglementaire soit un peu plus complexe, les définitions des catégories sont pour la plupart qualitatives et sujettes à interprétation.
En avril 2022, la Commission européenne (CE) a publié la très attendue norme technique réglementaire du SFDR niveau 2 qui donne des orientations supplémentaires sur le contenu, les méthodologies et la présentation des informations. Par exemple, elle fournit pour les produits article 8 et 9 des modèles pour la communication précontractuelle et la communication des informations périodiques récurrentes (les informations des sites internet sont aussi cadrées).
2. Des définitions plus claires des investissements durables... Vraiment plus claires ?
Les normes du SFDR niveau 2 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2023. Elles clarifient les définitions des produits des articles 9 et 8. Mais ces définitions modifiées sont-elles vraiment plus claires ?
Les normes techniques réglementaires précisent que les produits de l’article 9 doivent contenir presque exclusivement des investissements durables, c’est-à-dire qu’ils doivent être constitués d’investissements dans des activités économiques qui contribuent à des objectifs environnementaux ou sociaux, garantir une bonne gouvernance et suivre le principe consistant à « ne pas causer de préjudice important (Do No Significant Harm, DNSH) » , à prendre en compte les Principales incidences négatives (Principal Adverse Impacts, PAI) et les normes minimales. Toutefois, le pourcentage exact d’investissements durables et la définition de ce que signifie « contribuer » à des objectifs environnementaux ou sociaux continuent d’être déterminés individuellement par chaque acteur des marchés financiers.
3. Les actes délégués de l’UE intègrent le SFDR et la taxonomie de l’UE à la directive MiFID II
Le SFDR et la taxonomie ont été intégrés dans les directives MiFID II, UCITS et AIFM par des actes délégués fin 2022. En particulier, la Directive UCITS et les Actes délégués de l’AIFM imposent aux gestionnaires de fonds d’intégrer les facteurs et les risques sociaux et environnementaux dans leur propre gouvernance, leur organisation, leurs politiques de conflits d’intérêts, leur due diligence en matière d’investissement et leurs politiques de risque.
L’une des exigences les plus importantes est que les gestionnaires de produits financiers doivent tester les préférences des investisseurs en matière de développement durable et tenir compte de ces préférences dans leurs conseils d’investissement. Cette évaluation devrait couvrir les critères suivants :
- les produits dont une proportion minimale est investie dans des placements durables sur le plan environnemental, au sens de la taxonomie de l’UE (articles 1-2), ou
- les produits dont une proportion minimale est investie dans des placements durables au sens du SFDR (articles 2-17), ou
- les produits qui tiennent compte des Principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité, pour lesquels des éléments qualitatifs ou quantitatifs démontrant cette prise en compte sont déterminés par le client.
4. Transition et après – le modèle ESG
Le modèle européen de reporting ESG (EET) développé par le secteur permet de faciliter la communication des données clés entre les gestionnaires de produits et les distributeurs. Les gestionnaires d’actifs ont commencé à publier leurs premiers EET début juin 2022. Le modèle regroupe plusieurs réglementations, dont le SFDR, la MiFID et la taxonomie, afin de capter les informations liées à la durabilité et les données environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) requises par le nouveau paysage réglementaire au niveau des entités et des fonds. Par exemple, l’EET doit permettre aux distributeurs et aux sélectionneurs de fonds d’accéder aux produits et de les filtrer sur la base de critères ESG liés à l’évaluation des préférences en matière de durabilité de la MiFID.
5. Comment la taxonomie de l’UE est-elle intégrée au processus ?
La cause première de nombreuses difficultés liées à la mise en œuvre des critères ESG reste le manque de données comparables, cohérentes et de grande qualité.
Un exemple ? La taxonomie de l’UE sur les activités de développement durable. À long terme, la taxonomie englobera deux cadres : une taxonomie environnementale et une taxonomie sociale. À l’heure actuelle, la taxonomie environnementale est la plus avancée, car elle repose sur des données scientifiques, et parce qu’elle a déjà déterminé six objectifs environnementaux dont les deux premiers (l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique) sont déjà relativement bien cadrés. Elle définit des activités de développement durable de l’entreprise à partir d’indicateurs de performance physique, tels que les émissions de CO2 par kWh . La taxonomie sociale est encore au stade d’avant-projet, et s’appuiera davantage sur des normes et des valeurs internationales.
Les modèles précontractuels du SFDR niveau 2 et les évaluations de durabilité MiFID contiennent des références aux différents niveaux de conformité avec la taxonomie. Or, il est actuellement impossible de mesurer automatiquement et précisément la conformité des entreprises à la taxonomie en raison du manque de données publiées par ces dernières. La problématique ne pourra être résolue que par la plus grande disponibilité de données de meilleure qualité. L’entrée en vigueur de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD) devrait imposer la publication de reportings sur l’alignement à la taxonomie à partir de 2024, au moins pour les émetteurs de l’UE. Les acteurs des marchés financiers doivent cependant continuer à utiliser leur influence auprès des entreprises, notamment au travers du vote et de l’engagement, pour encourager une plus grande communication des informations non financières.
Le problème des données affecte également la déclaration désormais obligatoire des Principales incidences négatives en vertu du SFDR niveau 2. Le PAI 7, qui cherche à capter les effets négatifs sur les zones sensibles à la biodiversité, pose par exemple des problèmes particuliers. La représentation fidèle des impacts sur la biodiversité nécessite des informations détaillées sur les différents centres d’exploitation locaux des entreprises et leurs biosphères. À titre d’illustration, les effets sur la biodiversité, contrairement aux émissions de CO2, ne peuvent être agrégés en un seul indicateur. Il est donc important, selon nous, que les investisseurs restent très conscients de ces problématiques et soient attentifs aux données et aux méthodologies qui sous-tendent les indicateurs et les informations communiquées par les gestionnaires de fonds.
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