ANI – Santé – Prévoyance : L'onde de choc du Conseil cons titutionnel

La censure des clauses de désignation a suscité la satisfaction d'une large partie des acteurs de la complémentaire. Les Sages n'ont pas fermé la porte à toute forme de mutualisation des risques au niveau des branches.

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L'article 1 de l'ANI est générateur de « tsunamis ». C'est la comparaison employée par le député PS Gérard Bapt pour qualifier l'impact, sur le marché de l'assurance santé, de la généralisation des contrats collectifs prévue par l'Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier. C'est aussi l'image qui vient à l'esprit à la lecture de la décision du Conseil constitutionnel, le 13 juin, sur le projet de loi de sécurisation de l'emploi qui transpose l'ANI.

Une décision en 3 points

  • 1 L'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale est contraire à la Déclaration de 1789.
  • 2 Un assureur ne peut plus être désigné pour gérer le régime santé et/ou prévoyance d'une branche professionnelle.
  • 3 La migration obligatoire de toutes les entreprises d'une branche vers un seul organisme est proscrite.

Les Sages ont ni plus ni moins rayé de la carte des accords santé de branche les clauses de désignation et de migration. Depuis près de quinze ans que la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) essayait d'avoir la peau de ces accords permettant aux partenaires sociaux d'une branche professionnelle d'attribuer la gestion du régime qu'ils ont négocié à un ou plusieurs organismes assureurs. Même la Cour de justice de l'Union européenne avait débouté, en 2011, le boulanger qui refusait de migrer vers AG2R prévoyance.

Lorsque la CFDT a pesé en faveur de la complémentaire santé pour tous les salariés, la FFSA a estimé que le temps était venu de tordre le cou à ce qu'elle considère comme une atteinte à la liberté de concurrence.

La position de l'autorité de la concurrence

Si elle privilégie le libre choix de l'entreprise, l'Autorité de la concurrence propose d'encadrer la désignation :

  • Un organisme ad hoc de branche avec personnalités indépendantes ;
  • Une véritable procédure de mise en concurrence ;
  • Au moins deux assureurs désignés, de familles différentes ;
  • Le réexamen des clauses tous les trois ans.

Question de liberté

Pas question, pour les compagnies, que les institutions de prévoyance (IP), championnes des accords de branche, raflent les transferts de portefeuilles causées par l'ANI. Mais si les as-sureurs ont obtenu que l'accord inscrive dans le marbre la liberté de choix de l'organisme assureur en cas d'accord de branche, la victoire a été troublée par un amendement obtenu de haute lutte par l'Union professionnelle artisanale (UPA).

Michel Sapin s'est engouffré dans cette ambiguïté. Oui à plus de transparence dans les appels d'offres, mais pas question, pour le ministre du Travail, de brider, dans le projet de loi de sécurisation de l'emploi, la liberté contractuelle des partenaires sociaux de branche. Sa position va soulever un front du refus : courtiers, agents et compagnies d'assurances, petites mutuelles... tous partent en guerre contre le « hold-up des IP » et les clauses de désignation, qui seraient la cause de milliers de suppressions d'emplois... Même l'avis très critique de l'Autorité de la concurrence, saisie par l'Apac - l'association créée par des courtiers grossistes en 2012 pour combattre lesdites clauses - n'influence pas le vote définitif du Parlement.

Le Conseil constitutionnel constituait leur dernière chance. Les bouchons de champagne ont donc sauté lorsque les Sages ont pris appui sur l'article 1 de la loi qui leur était soumise pour censurer l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale autorisant depuis 1994 le recours à ces clauses. Pour le juge constitutionnel, cette législation porte atteinte aux libertés contractuelles, et contrevient en ce sens à l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Une mauvaise surprise pour le gouvernement - qui ne s'attendait visiblement qu'à des réserves - et pour les groupes de protection sociale. « La nuit de jeudi à vendredi a été courte », confirme un cadre dirigeant d'un groupe paritaire.

Ils approuvent

" La décision du Conseil constitutionnel fera date. Juridiquement [...]. Économiquement, parce qu'elle garantit la liberté des entreprises de choisir leur complémentaire santé. " Bernard Spitz, président de la FFSA " Les clauses de désignation sont mortes, au profit de la liberté de choix de l'employeur et du droit de la concurrence. " Patrick Petitjean, président de l'Apac " Belle victoire que nous devons à l'agrégation de toutes les forces qui se sont mobilisées contre ces pratiques contestables. " Hervé de Veyrac, président d'Agéa " Nous nous réjouissons que notre combat en faveur de la liberté d'entreprendre et contre l'opacité et les dangers d'un système centralisé ait porté ses fruits. " Yann Le Men, président de la commission assurance collectives de la CSCA

Le feuilleton durait depuis trop longtemps pour ne pas connaître de suite. Les spécialistes du droit ont, quant à eux, pris le temps de lire un peu plus en profondeur la décision du Conseil constitutionnel. Avec une certitude, la clause de migration obligeant toutes les entreprises d'une branche à rejoindre le ou les assureurs désignés a vécu ; pour le reste...

Selon les Sages, la mutualisation des risques peut relever de l'intérêt général et légitimer des atteintes à la liberté contractuelle ou d'entreprise. Et de citer deux procédures que le législateur peut envisager au niveau de la branche : la recommandation d'un seul organisme de prévoyance « proposant un contrat de référence y compris à un tarif d'assurance donné », et « que soient désignés plusieurs organismes de prévoyance proposant au moins de tels contrats de référence ».

« Le Conseil constitutionnel censure les désignations telles qu'elles sont pratiquées aujourd'hui, mais ne proscrit pas toutes les formes de désignation », résume un avocat spécialisé.

Ils contestent

" Le Conseil constitutionnel [...] remet en cause l'ensemble des garanties collectives en matière de prévoyance dont bénéficient les salariés, et tout particulièrement ceux des plus petites entreprises qui constituent l'essentiel des salariés de notre pays. " Un communiqué de l'UPA " Les conséquences sociales en matière de santé et de prévoyance, pour des millions de salariés et leurs ayants droit vont être particulièrement lourdes. " Un communiqué de FO, la centrale syndicale de Jean-Claude Mailly

Risque de déstabilisation

Il reviendrait donc au gouvernement de clarifier la situation, en réécrivant l'article censuré. Le Conseil lui aurait clairement montré le chemin, avec une formulation qui renverrait directement à l'encadrement des clauses de désignation défendu par l'Autorité de la concurrence (lire encadré). Impossible, quoi qu'il en soit, de laisser le code de la sécurité sociale en l'état, selon un juriste éminent : « L'édifice est aujourd'hui totalement bancal. De nombreux textes - dont l'article 1 d'ailleurs - font référence au 912-1 qui n'existe plus. »

Le Conseil constitutionnel a beau avoir précisé que sa décision ne s'appliquait pas aux contrats en cours, tous les régimes semblent bien en sursis. L'UPA, qui défend les désignations, a tout de suite appelé le gouvernement à « trouver une solution rapide à cette décision incompréhensible » : « Près de 13 millions de salariés bénéficiant d'une couverture de branche par le biais de plus de 250 accords se trouvent plongés dans l'incertitude. »

Certains pointent un vrai risque de déstabilisation du marché de la prévoyance, avec des hausses de tarifs à la clé pour les « mauvais risques ». Dans un communiqué hostile à la décision du Conseil constitutionnel, FO s'inquiète des « conséquences sociales en prévoyance et santé particulièrement lourdes pour les salariés ». Autant dire que la polémique sur l'intérêt d'une mutualisation de branche est loin d'être éteinte, même si, comme le pointe un des acteurs, « la peur a changé de camp ».

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