Emprunt du candidat Macron : négociations tendues sur l'assurance
Deuxième volet de notre enquête sur les prêts contractés par Emmanuel Macron pour sa campagne présidentielle. L’Argus de l’assurance dévoile plus particulièrement comment se sont déroulées les négociations avec les assureurs dans les jours qui ont précédé la signature des contrats.

Mardi 4 avril 2017, après plus de trois mois de tractations, Emmanuel Macron parvient à contracter l’emprunt de 8 M€ dont il a besoin pour pouvoir financer sa campagne. Deux banques, le Crédit Mutuel et la Bred, ont accepté de lui prêter chacune 4 M€ grâce à une assurance sur mesure lui garantissant que s’il n’avait pas obtenu le nombre de voix suffisants (5 % des suffrages) pour se faire rembourser ses frais de campagne par l’État, un pool d’assureurs composé d’Allianz, Albingia, La Parisienne et Liberty l’aurait indemnisé d’un montant équivalent au manque à gagner. Une entreprise, sans précédent pour une campagne présidentielle française, que L’Argus de l’assurance est parvenu à reconstituer à partir d’un minutieux travail d’investigation et de vérification des « MacronLeaks », ces dizaines de milliers de courriels internes qui ont fuité sur Internet à quelques heures du deuxième tour de l’élection présidentielle.
24 mars – Les assureurs se tendent
« Allianz commence à se tendre suite à la durée du processus de négociation. » Emmanuel Miquel vient de faire le point avec le courtier en assurances Siaci Saint Honoré. Le secrétaire de l’association de financement de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron (Afcpem) en rend compte à l’état major d’En Marche dans un courriel daté du 24 mars 2017. Siaci Saint Honoré avait été contacté quelques mois plus tôt, en janvier, pour débloquer les négociations entre l’équipe de Macron et les banques. Pierre Donnersberg, le président du groupe de courtage, suit personnellement le dossier. Et quand ce n’est pas lui. Son bras droit, Hervé Houdard, directeur général de Siaci, prend le relais. L’un comme l’autre, ils connaissent bien Emmanuel Miquel. En plus de son engagement dans la campagne, ce « macroniste » travaille à la ville pour le fonds d’investissement Ardian (plus de 60 Md$ d’actifs), l’actionnaire majoritaire de Siaci Saint Honoré (Emmanuel Miquel travaille aujourd’hui à l’Élysée en qualité de conseiller économique auprès du président de la République).
Depuis le 17 mars , un pool d’assureurs, composé d’Allianz, Albingia, La Parisienne et Liberty, a accepté de s’engager sur une police exceptionnelle garantissant à Emmanuel Macron que s’il ne franchit pas le seuil des 5 % lui donnant droit au remboursement de ses dépenses par l’État, les assureurs l’indemniseraient moyennant une cotisation de 232 592,81 €. Cette caution a été souscrite pour convaincre les banques de prêter 8 M€ au candidat Macron pour financer sa campagne. Mais, une semaine après la prise d’engagement des quatre porteurs de risque, les discussions patinent toujours. Une situation qui déplait fortement aux assureurs. « Ils [les assureurs] pourraient encore très bien décider de ne pas faire (si la négo continue encore) », alarme Emmanuel Miquel. Celui-ci est d’autant plus inquiet qu’il doit renégocier la police à la baisse. L’emprunt qui devait initialement être intégralement porté par la Bred est finalement partagé à parts égales (4 M€ chacune) avec le Crédit Mutuel, la banque personnelle d’Emmanuel Macron. Et cette dernière ne demande pas d’assurance en cas de non dépassement des 5 %. Emmanuel Macron n’a donc plus besoin de garantir 8 M€ mais 4 M€. Si « ils réduisent l’assiette de 8 à 4, ils pourraient aussi revoir leur taux de commission et le passer de 3.0% à 4.5% par ex », note Emmanuel Miquel.
30 mars – La surprime du réassureur
Christian Dargnat, le vice-président de l’Afcpem en charge de superviser les négociations avec les banques et les assureurs, est hors de lui. Une chargée de clientèle de Siaci Saint Honoré vient de lui transmettre les tarifs de l’assurance emprunteur (courant sur deux ans) couverte par Allianz pour le prêt de 4 M€ négocié avec la Bred. Une surprise de dernière minute est venue se glisser dans les montants : une surprime de 15 % a fait grimper les cotisations à 1202,6 € par mois pour la première année et à 1331,18 € par mois pour la deuxième année. « Comme évoqué, la surprime du réassureur annoncé au dernier moment n'est pas très correcte comme procédé. Mais nous n'avons manifestement pas le choix ... », regrette Christian Dargnat en réponse à la chargée de clientèle de Siaci.
Visiblement remonté, ce dernier s’empresse alors d’appeler Pierre Donnersberg. « J’ai demandé à Siaci à parler à l’entité qui a pris cette décision: il s’agit du réassureur d’Allianz. Je vais passer par Donnersberg pour en savoir davantage », écrit-il à 19h à Julien Denormandie, le secrétaire général adjoint d’En Marche. Trente minutes plus tard, Christian Dargnat explique le fond de l’affaire à celui qui est depuis devenu secrétaire d’État à la Cohésion des Territoires au sein du gouvernement d'Edouard Philippe. « La surprime est inclue dans les chiffres ci-dessous: il s’agit de 15% de surcoût mensuel dû à la « surexposition du proposant » (contenu dans le dossier médical : le réassureur a trouvé un prétexte du type « présence de nicotine dans les urines ») pour nous impacter cette surprime. Plus que le coût, c’est la manière de faire qui est inélégante... », s’émeut Christian Dargnat.
31 mars – Le dilemme du souscripteur
Les conseils de l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron transmettent à l’état-major du candidat un contrat intitulé « Acte de nantissement de créance ». Par ce document de sept pages, le mouvement En Marche accepte de nantir la police d’assurance 5 % montée par Siaci Saint Honoré en garantie des obligations d’Emmanuel Macron au titre du prêt de 4 M€ que le candidat a contracté auprès de la Bred. Ainsi résumée, cette clause paraît anodine. Il a pourtant fallu plusieurs jours de négociations pour pouvoir l’établir. Dans un mail du 27 mars, Siaci Saint Honoré informe Christian Dargnat que dès lors qu’Emmanuel Macron est emprunteur, il doit nécessairement être le souscripteur de la police d’assurance qui garantit son emprunt. Problème : les conseils d’Emmanuel Macron affirment que la police d’assurance 5 % a de fortes chances d’être considérée comme une dépense électorale. Hors, les dépenses électorales ne peuvent être réglées que par le mandataire financier du candidat (en l’occurrence l’Afcpem) ou par un parti politique (En Marche).
Laisser Emmanuel Macron comme souscripteur et payeur de l’assurance pourrait conduire la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (Cnccfp) à invalider l’intégralité des dépenses du candidat d’En Marche. Les conseils d’Emmanuel Macron vont consacrer leurs journées des 28 et 29 mars à tenter de convaincre Allianz de modifier le contrat. En vain. Dans un mail envoyé le 30 mars, le chef des opérations vie et non-vie d’Allianz France transmet un refus définitif. « Nos obligations en tant qu’assureur nous interdisent de mettre en place le schéma alternatif qui a été évoqué consistant à attribuer le bénéfice du présent contrat à l’assuré Monsieur Macron » écrit-il, après avoir précisé qu’il ne ferait pas d’autres propositions. Le choix est donc fait de faire souscrire l’assurance 5 % par le mouvement En Marche en tant que payeur, souscripteur et assuré à la fois. Et c’est la banque qui accepte finalement de modifier ses conditions en sacceptant la signature d'un acte de nantissement par lequel En Marche s’engage auprès de la Bred à ce que la police 5 % souscrite par le mouvement soit utilisée comme garantie au prêt contracté par Emmanuel Macron.
Mathieu Lehot
Contrat Assurance Emmanuel Macron Siaci Saint Honoré by Argus de l'Assurance on Scribd
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