Experts en automobile : les leçons de la fraude aux véhicules d'occasion
Le trafic de véhicules accidentés révélé en juillet 2015 menaçait de ternir l’image de toute la profession des experts en automobile. La mobilisation des organisations professionnelles suite à cette affaire a permis de limiter la casse.

Mi-juillet 2015. Quelques jours après la révélation, par Le Parisien, d’un trafic de véhicules accidentés (lire ci-contre), l’inquiétude gagne les experts en automobile. Trois d’entre eux, basés en Île-de-France, seraient impliqués dans cette escroquerie portant sur plus de 5 000 véhicules. Une affaire qualifiée de « dramatique pour la profession en terme d’image », par l’Alliance nationale des experts en automobile (Anea). L’organisation professionnelle redoute que les agissements de quelques personnes nuisent à la réputation des 3 500 experts qui exercent leur métier dans les règles.
Une opération inédite
Huit mois plus tard, le bilan est tout autre. Le 18 mars 2016, Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière, exprime sa « gratitude » envers les experts réunis en colloque annuel et juge « extrêmement satisfaisante » la réponse de la profession dans cette affaire. En huit mois, la menace a été écartée. Et c’est finalement le professionnalisme et l’efficacité des experts qui sont mis en valeur. Ce retournement de situation est la conséquence directe de la mobilisation de la profession au lendemain de la révélation de l’affaire. À la demande du ministère de l’Intérieur, la Confédération française des experts en automobile (CFEA) qui réunit les différentes composantes de la profession (1), a mis en place une opération inédite de contrôle des 5 013 véhicules potentiellement dangereux. Informés par un courrier du ministère de l’Intérieur, les propriétaires étaient invités à prendre contact avec des experts pour faire vérifier l’état de leur véhicule. En plein été, la CFEA mène un appel d’offres pour sélectionner un prestataire capable de réceptionner les appels et d’orchestrer les rendez-vous et réalise le cahier des charges du système d’information qui va permettre de centraliser les données issues de ces contrôles. En parallèle, 195 experts sont mobilisés pour vérifier l’état des véhicules et cinq sites d’expertise sont mis en place en Île-de-France, région où ont été recensées 80 % des voitures accidentées. Le 21 septembre, les premiers contrôles peuvent débuter. Premier bilan de cette opération qui est toujours en cours : entre septembre et décembre 2015, la plateforme gérée par Imatech, le prestataire sélectionné, a traité plus de 9 642 appels. Sur les 5 013 véhicules concernés, les experts en avaient contrôlé 2 449 en date du 18 mars 2016. « Près de 40 % se sont révélés dangereux », relate François Mondello, administrateur de l’Anea, chargé des relations avec les assureurs, des nouveaux outils et de l’informatisation. « Dans bien des cas, les réparations ont été faites de manière sommaire, sans respect de la règle de l’art et avec des pièces de réemploi dont l’origine reste indéterminée, dans le but d’optimiser le coût de la remise en état et de maquiller le sinistre », précise-t-il. Suite à ces contrôles, les véhicules présentant des problèmes de sécurité font l’objet d’une interdiction de circuler. Pour pouvoir à nouveau les utiliser, leurs propriétaires devront les soumettre à une nouvelle expertise, une fois les réparations effectuées.
- 5 013 véhicules remis illégalement en circulation
- 40 % des 2 449 véhicules déjà contrôlés ont été jugés dangereux
- 134 véhicules ne pourront pas être contrôlés parce que détruits ou situés à l’étranger
De nouveaux services
Au final, la profession des experts est parvenue à préserver son image. Mais cette affaire aura tout de même laissé des traces, sur le plan financier notamment. Le centre d’appels et le système d’information ont représenté, au 30 mars 2016, pour la CFEA un coût de 124 200 €. Les assureurs, de leur côté, ont accepté de prendre en charge les honoraires des experts dans le cadre du contrôle initial, ce qui représente, à cette date, une facture de 906 000 €. Dans son portefeuille, la Macif a ainsi recensé 708 véhicules concernés, représentant un coût de 180 000 € à 200 000 €. Pour aider ses sociétaires à financer les réparations, la mutuelle a, par ailleurs, décidé de leur accorder des prêts à taux zéro. À travers cette affaire se pose la question de la sécurisation des véhicules d’occasion. Un sujet sur lequel les experts en automobile ont peut-être déjà une réponse à apporter. En plus de leur intervention après sinistre, certains proposent, en effet, des services d’évaluation des véhicules vendus entre particuliers. L’Anea a créé un label et des outils en ce sens : Carré Expert Auto. BCA Expertise dispose aussi d’une offre (Experveo). L’affaire des véhicules accidentés pourrait bien se traduire par un regain d’intérêt pour ce type de prestations. À moins que les pouvoirs publics ne s’emparent du sujet.
Ils émettaient des certificats de complaisance
Plus de 5 000 véhicules accidentés ont été remis en circulation alors qu’ils pouvaient présenter des problèmes de sécurité. C’est l’effarant constat qui est ressorti d’une enquête de plusieurs mois menée par la gendarmerie sur un trafic de véhicules d’occasion. L’affaire révélée par Le Parisien, le 8 juillet 2015, fait grand bruit dans les médias et dans le monde de l’automobile. Et pour cause : le trafic impliquerait plusieurs professionnels de la réparation ainsi que trois experts en automobile basés en Île-de-France. Ces derniers auraient, pendant plusieurs années, émis des certificats de remise en circulation de complaisance pour des véhicules accidentés. Revendus d’occasion, ces véhicules pourraient ne pas avoir été réparés selon les règles et pourraient donc s’avérer dangereux. Au total, 11 personnes doivent comparaître devant le tribunal correctionnel d’Évry. Le 22 mars, alors que devait débuter le procès, les magistrats ont demandé l’ouverture d’une information judiciaire.
Un code de déontologie qui tombe à pic
Hasard du calendrier. Le 18 mars 2016, alors que l’opération de contrôle des véhicules accidentés bat son plein, les adhérents de l’Alliance nationale des experts en automobile (Anea) ont adopté en assemblée générale, leur code de déontologie. Ce texte n’a pas été élaboré en réaction à la fraude révélée l’été dernier, – les travaux ont été lancés il y a plus d’un an – mais son adoption tombe à pic. D’autant qu’il fait l’unanimité. Sa promotion est assurée par la Confédération française des experts en automobile (CFEA) qui réunit l’ensemble des organisations du secteur (1). Probité, indépendance, objectivité, impartialité : le texte rappelle les principes et les valeurs de la profession. Il précise aussi les modalités d’exercice et d’interaction avec ses parties prenantes : assureurs et professionnels de l’automobile, notamment. Référence au quotidien, le code de déontologie servira aussi dans un cadre disciplinaire. La profession est régie par le code de la route. C’est le ministre en charge des transports qui a le pouvoir de sanction en cas de faute ou de manquement aux conditions d’exercice. Un décret de 2001 a instauré une Commission nationale de l’expertise automobile (CNEA), composée de représentants de l’État, de la profession, des assureurs et des usagers de la route. Celle-ci est autorisée à émettre des avis dans le cadre de procédures disciplinaires. En théorie du moins, car elle s’avère en sommeil depuis plusieurs années, mais pourrait être réactivée suite à l’affaire des véhicules accidentés.
1. La CFEA réunit l’Anea, BCA Expertise, société détenue par des assureurs, le Syndicat des experts indépendants (SEI) et l’Union professionnelle des experts en automobile salariés (UPEAS).
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