Généralisation de la complémentaire santé : un calendrier intenable et explosif!
La pression est forte sur le ministère de la Santé pour décaler les échéances de la généralisation de la couverture santé à tous les salariés. La réforme concomitante des contrats responsables laisse craindre de sérieuses tensions dans les entreprises. Mais ce changement de calendrier exigerait une modification de la loi sur la sécurisation de l’emploi.

Selon nos informations, le Medef aurait officiellement demandé, lors d’une rencontre avec la direction de la Sécurité sociale, un report des échéances de la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés. Il s’agirait d’accorder un délai de six mois supplémentaires pour les négociations des branches professionnelles, qui doivent normalement se conclure avant la fin juin, et de décaler d’autant la période de négociation dans les entreprises, initialement prévue du 1er juillet 2014 au 31 décembre 2015.
Le patronat n’est visiblement pas le seul à porter cette revendication. «La pression est forte auprès du cabinet», témoigne un représentant du monde paritaire. Et pour cause, tout le monde juge le calendrier totalement irréaliste au regard du retard pris dans la publication des textes. Les branches professionnelles attendent toujours les décrets qui doivent préciser les exigences de solidarité dans les régimes et la procédure de mise en concurrence des organismes assureurs en cas de recommandation, ainsi que le texte sur le panier de soins minimal prévu par l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013. Difficile dans ce cadre de parvenir à un accord avant la fin du premier semestre, à moins de faire le choix, comme les industries chimiques, de s’en tenir à un niveau minimal de cotisations.
Encadrer optique et dépassements d'honoraires
Si les textes sur les exigences de solidarité et la procédure de mise en concurrence semblent bien avancés – le cadre juridique pour les recommandations serait calé sur la proposition Medef-CFDT –, le décret sur le panier de soins ANI est, lui, totalement dépendant de l’aboutissement de la réforme concomitante des contrats santé dits responsables. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 a, effectivement, engagé une refonte en profondeur des conditions que devront respecter, à compter du 1er janvier 2015, les contrats santé pour bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse, à savoir un taux de TSCA de 7%, contre 14% pour les non responsables.
Et, là aussi, un décret est attendu, dont l’impact va bien au-delà des seules branches. Aujourd’hui, 94% des couvertures d’assurance maladie complémentaires sont responsables selon le rapport de juillet 2013 du Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie (Hcaam). Or bien peu le seraient encore d’après le projet de décret présenté mi-mars aux trois familles de la complémentaire (mutuelles, compagnies, institutions de prévoyance) par la direction de la Sécurité sociale (DSS). Les pouvoirs publics entendent tout particulièrement encadrer les dépassements d’honoraire et les garanties optique, ce qui toucherait de plein fouet les couvertures collectives généralement plus généreuses que leurs homologues individuels, en lien avec leur cofinancement par l’employeur.
Avalanche de chantiers
Bref, la publication de ce nouveau cahier des charges devrait obliger bon nombre d’entreprises à renégocier leur contrat complémentaire santé avant 2015. Et cela alors même que certaines ont déjà dû, ou sont sur le point, de le revoir pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation sur les exonérations fiscales et sociales dont bénéficie la protection sociale complémentaire collective. La période transitoire se termine en effet le 1er juillet 2014. Et qu’il faut aussi se préparer au nouveau dispositif sur la portabilité des garanties santé applicable à compter du 1er juin 2014, sans parler de la nouvelle nomenclature dentaire.
Mais les inquiétudes ne tiennent pas seulement à l’avalanche de chantiers et la capacité pour les entreprises à tout mener de front. La volonté de régulation affichée par les pouvoirs publics et défendue par la Mutualité française a suscité a contrario de vives réactions du Centre technique des institutions de prévoyance (Ctip) et de la Chambre syndicale des courtiers d’assurances (CSCA). Pour résumer, ces deux acteurs doutent que le plafonnement des prises en charge ait un impact sur les tarifs des professionnels de santé et s’inquiètent d’une flambée des restes à charge pour les salariés… voire d’une dégradation du climat social dans les entreprises. «La complémentaire santé va devenir un sujet de tensions», prévient Bruno Parenteau de la CSCA.
Crispation sociale annoncée
«On perçoit bien la logique de limiter les garanties de confort et certains excès, mais les entreprises se demandent bien comment elles vont le présenter à leurs salariés. La baisse des prestations sera très mal vécue», confirme un responsable d’une fédération professionnelle. D’autant plus qu’avec le retard pris dans la publication des textes, les négociations d’entreprise vont se concentrer sur le second semestre 2014, au moment même où les salariés vont percevoir très concrètement les effets de la fiscalisation de l’abondement employeur sur les revenus 2013. «On peut craindre une véritable crispation en fin d’année sur le sujet de la santé qui a toujours fait consensus», s’inquiète un employeur.
Une crispation qui viendrait heurter le chantier de la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés, en sachant que dans les entreprises non équipées, les dirigeants auront également bien des difficultés à proposer à leurs salariés majoritairement couverts en individuels des garanties inférieures à celles qu’ils possédaient. « Nous n’avons cessé de mettre en garde le cabinet du ministre de la Santé sur ce télescopage de calendrier, mais il ne veut rien entendre», lâche un assureur.
Remaniement ministériel attendu
C’est pourquoi certains comptent sur un remaniement ministériel à l’issue du scrutin municipal pour faire entendre leur voix. Reste que l’échéance du 1er juillet 2014 pour l’ouverture de négociation dans les entreprises dépourvues de couverture santé et la date buttoir du 1er janvier 2016 sont inscrites dans la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Seule une autre loi pourrait donc les modifier. Et en la matière non seulement les délais sont très courts, mais les véhicules législatifs très rares. A moins, comme le rêve à haute voix un représentant d’une organisme paritaire, que le gouvernement enterre la réforme des contrats responsables. Ce qui reviendrait pour le président de la République à renier un des engagements forts de son fameux discours de Nice.
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