Interview de Stéphane Pénet : « Il serait nuisible que ce texte devienne une référence »
Stéphane Pénet, directeur des assurances de biens et de responsabilité à la FFSA, réagit sur la nomenclature des préjudices environnementaux, publiée récemment dans un ouvrage des éditions Lextenso.
PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE BERNARD

Que pensez-vous de la nomenclature sur les préjudices environnementaux ?
Cette nomenclature arrive trop tôt et avance de manière trop exhaustive, alors que d'autres points méritent d'être clarifiés, tels le quantum et le régime de responsabilité applicable aux préjudices environnementaux. Il y a trois questions à se poser : qui indemnise-t-on ? Pour quel préjudice ? Et pour quel montant ? Or, la nomenclature tente seulement de répondre à la question du quoi, mais ne donne aucun éclairage sur le régime applicable (loi sur la responsabilité environnementale ou droit commun), ni sur le quantum. Lister les préjudices indemnisables sans régler les deux autres questions risque d'avoir des effets très inflationnistes pour les exploitants.
Quels seraient les risques concrets pour les assureurs en cas de mise en oeuvre ?
Outre l'inflation des indemnisations, un même préjudice pourrait être indemnisé plusieurs fois, puisque deux régimes se retrouveraient en concurrence. Il faut absolument clarifier l'articulation entre le régime de responsabilité civile de droit commun et celui prévu par la loi de responsabilité environnementale de 2008. Ce que la nomenclature ne fait pas.
La Chancellerie semble accueillir favorablement la nomenclature des préjudices environnementaux. Pourrait-elle devenir, à l'image de la « Dintilhac », une référence ?
L'historique est totalement différent et la comparaison est osée. La nomenclature « Dintilhac » est arrivée après vingt ans d'application de la loi « Badinter » (1) pendant lesquels 250 000 dommages corporels par an ont été indemnisés. En outre, les régimes de responsabilité en automobile, en responsabilité civile médicale et en responsabilité civile générale, applicables pour indemniser le dommage corporel, étaient rodés.
Le contexte est clairement différent concernant les préjudices environnementaux, puisque, à ce jour, aucune indemnisation n'a été versée au titre de la responsabilité environnementale dans notre pays. Il semblerait donc prématuré et nuisible que ce texte devienne une référence.
Allez-vous faire une contre-proposition ?
La priorité est aujourd'hui de clarifier le régime de responsabilité applicable aux dommages environnementaux. Si la nomenclature des préjudices environnementaux telle qu'elle nous a été présentée devait se généraliser alors que les questions de régime de responsabilité et celles liées au quantum restent dans le flou actuel, cela serait un mauvais service à rendre au bon fonctionnement de la responsabilité environnementale dans notre pays. En effet, cela viendrait ajouter davantage d'insécurité juridique à celle qui existe déjà aujourd'hui.
1. Loi du 5 juillet 1985 instaurant un droit d'indemnisation de tous les dommages engendrés par un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur.
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