L'Assemblée nationale planche sur la relation entre normes prudentielles et «shadow banking»
Le rapport de la mission d’évaluation parlementaire portant sur «Les normes prudentielles et le financement non bancaire de l’économie» est prévu pour le début d’année prochaine. L’objectif de cette mission d’évaluation des conséquences de Bâle 3 et Solvabilité 2 est d’abord de vérifier que ces dispositifs ne conduiront pas à des arbitrages réglementaires, voire à l’émergence de mécanismes non contrôlés.

Le sujet n’avait donc pas été enterré sous l’autel du financement de l’économie réelle, mais simplement retardé. Le rapport de la mission d’évaluation parlementaire sur «Les normes prudentielles et le financement non bancaire de l’économie» est prévu pour le début d’année prochaine, a fait savoir la député PS Valérie Rabault, rapporteure du budget à l’Assemblée nationale, lors de la conférence de l’Argus «Allocation d’actifs sous Solvabilité 2», qui s'est tenue ce jeudi.
Cette mission parlementaire, dont les conclusions étaient initialement attendues au printemps dernier, est présidée par le député UMP Jérôme Chartier, et réunit «les habituels de la Commission des finances de l’Assemblée Nationale», dont Karine Berger (PS) et Charles de Courson (UDI). Valérie Rabault en est la rapporteure.
Arbitrages réglementaires
L’objectif de cette mission d’évaluation des conséquences de Bâle 3 et Solvabilité 2 sur le financement de l’économie est d’abord de vérifier que ces dispositifs – plutôt repressifs – ne conduiront pas à des arbitrages réglementaires, voire à l’émergence de mécanismes non contrôlés. Le spectre du «shadow banking» n'est pas très loin. «L’ensemble des régulations financières a été découpé en silos. Or, c’est à leurs jonctions que peuvent se faire des arbitrages vers un système moins régulé», explique Valérie Rabault.
Sur la base des entretiens menés auprès d’assureurs, de banquiers, de hedge funds et de régulateurs, les députés sont déjà arrivés à un premier constat : Solvabilité 2 est plus restrictive que Bâle 3, du moins en matière de financement de l’économie. «Autrement dit, un euro de financement long terme de l’économie coûtera plus cher aux assureurs qu’aux banquiers», poursuit la député, expliquant que l’un des enjeux de la mission est «de faire une cartographie du financement de l’économie et de regarder là où se situent les intersections».
Ne pas rater le coche de l'analyse crédit
Or, parce qu’ils sont en quête d’investissement et de rendements dans l’univers actuel de taux très bas, les assureurs sont aujourd’hui enclins à accroître leur exposition à la dette de PME et d’ETI, que ce soit en direct, via les nouveaux fonds de prêts à l’économie – le décret d’extension aux mutuelles et aux IP est sorti du Conseil d’Etat, et devrait être publié avant la fin de l’année, a fait savoir Olivier Jonglez, chef du bureau des entreprises et des intermédiaires d’assurance à la Direction Générale du Trésor – ou via la titrisation.
«La titrisation n’est pas mauvaise en soi pour mutualiser le risque», admet Valérie Rabault. Mais les nouveaux terrains de jeu des assureurs peuvent porter les germes de nouveaux risques. «Si on loupe le coche de l’analyse crédit, on se retrouve avec les subprimes», prévient la députée, soucieuse notamment de comprendre ce que vise la Banque de France quand elle recommande, comme au printemps dernier, que 25% des portefeuilles de crédit des banques soient titrisés, alors que cela va a priori en sens inverse de l’esprit des nouvelles régulations. «Nous voulons, au sortir de cette mission, faire prendre conscience à tout le monde quels sont les grands enjeux, de façon à avoir une idée du levier qu’il est possible d’avoir quand on met les normes en place», conclut Valérie Rabault.
Compression des spreads
Les assureurs présents autour de la table des débats (dont Suravenir, BNP Paribas Cardif, Aviva France, Thélem Assurances, Axa France ou Malakoff-Médéric) ont souligné l’intérêt à investir en direct dans des prêts ou via des FPE, notamment parce que Solvabilité 2 favorise la diversification et traite plutôt correctement les obligations et prêts non notés. Et parce qu'ils ont toute leur légitimité pour financer les entreprises à moyen long terme (ce qu'ils font déjà via les obligations d'entreprises). Mais ils ont aussi tous insisté sur le caractère indispensable de l’analyse crédit (en amont et pendant la vie du contrat), sur la technicité requise par ce type d’investissements (analyse des covenants, rédactions des clauses du contrat) et sur la sélectivité que cela implique vis à vis des sociétés de gestion partenaires ainsi que sur la compression des spreads déjà constatée sur cette jeune classe d’actifs.
Clause de revue
De façon intéressante, cette mission parlementaire est relancée à un moment où, aussi bien à Bercy qu’à Bruxelles, l’heure est plutôt aux messages d’apaisement à destination des assureurs, la priorité de la Commission européenne étant clairement à la relance de l'investissement. Les actes délégués de Solvabilité 2 contiennent ainsi des calibrages révisés à la baisse en matière de titrisation «de haute qualité» ou de private equity. Le Trésor confirme que les curseurs pourraient encore bouger dans le cadre de la clause de revue, prévue au plus tard en 2018. Charge aux assureurs de prouver d'ici là, notamment en matière d’infrastructures ou de titrisation, que les choses peuvent encore être déverrouillées.
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