« L'assurance joue un rôle très structurant pour son environnement »
PROPOS RECUEILLIS PAR MADELEINE VATEL
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PROPOS RECUEILLIS PAR MADELEINE VATEL
Le Conseil d'orientation et de réflexion de l'assurance (Cora) fêtera ses deux ans en novembre. C'est un tout jeune club de réflexion dans une profession déjà bien assise. Dans quel contexte est-il né ?
L'idée est venue de Bernard Spitz, le président de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), et, justement, parce qu'il n'est pas issu de la profession, qui est très technique. Outre le fait qu'il vienne de l'extérieur, qu'il ait un oeil différent, il vient d'un milieu intellectuel, il connaît les clubs de réflexion. En arrivant, il a été frappé par une chose : d'un côté, la très grande richesse technique de l'assurance, des professionnels d'un haut niveau d'expertise, en somme, une ressource remarquable, et, de l'autre, une société environnante avec laquelle ce milieu communique très peu. Dans ce contexte, le discours des assureurs est peu audible. Ils ont une parole d'experts, là où la population attend un discours sociétal. Il n'y avait pas d'enrichissement mutuel.
Et pourtant l'assurance est au coeur des grands enjeux économiques et sociaux...
Oui, la dépendance, les retraites, les problèmes environnementaux, la responsabilité civile médicale la concernent totalement. J'ai pris conscience en écoutant les grands experts que les enjeux allaient bien au-delà : la configuration des modalités de couverture peut, par exemple, avoir une conséquence directe sur l'offre de soin. Certains domaines, comme l'obstétrique, considérés comme risqués, doivent ainsi payer plus cher pour s'assurer, alors que la tarification reste publique. Autrement dit, en donnant à l'assurance tel ou tel rôle, on va agir sur le système de soin lui-même. On le voit bien autour des problèmes d'accès au corps médical, qui connaît dans certaines régions, mais aussi dans certains arrondissements parisiens, une véritable désertification. Il faut donc avoir en tête à quel point l'assurance joue un rôle très structurant pour son environnement. En ce sens, son impact est plus fort que celui de la banque.
Comment le Cora nourrit-il sa réflexion ?
L'idée qui a présidé à la création du Cora était de faire vivre un outil qui jette un pont entre l'assurance et le sociétal. Et, pourquoi pas, d'enrichir également le débat public avec l'expertise de la profession sur des sujets d'actualité. Il est composé d'une vingtaine de membres qui ont une hauteur de vue, une réflexion personnelle. Il y règne une véritable diversité, qui nous offre une vraie capacité de regards croisés. Des économistes, des médecins, des syndicalistes, des universitaires y participent. Car, pour comprendre la relation entre la sinistralité et les circonstances locales, il faut des gens qui sont sur le terrain.
Dans quelle mesure est-il vraiment indépendant ?
Cela vient tout simplement de ses membres, qui n'ont pas de compte à rendre. Ils ne viennent pas au nom d'une organisation. Ils viennent en toute liberté. C'est certes un risque, mais le résultat est qu'il n'y a pas de réticence de la part de ceux qui s'expriment, pas de réserve. Et finalement, les cadres de la FFSA apprécient les interventions qui ne sont pas techniques, mais proches des préoccupations sociétales. Cette indépendance nous préserve de tout lobbying qui peut exister dans d'autres groupes.
Est-ce vraiment un lieu de débat ?
En général, les réunions font alterner les interventions formelles et les moments d'échange. Des personnes sont opposées, mais ce ne sont pas des désaccords idéologiques, ce sont plutôt des différends sur l'analyse des faits ou les solutions préconisées. Il peut donc y avoir un diagnostic différent. Il y a également des colloques, où des invités de la profession interviennent sur les grands sujets qui la concernent. Le regard du philosophe, celui du sociologue sont très importants pour décrypter le fonctionnement de la société. Aujourd'hui, les solutions aux grands sujets de société ne sont plus uniquement publiques, elles ne peuvent pas non plus être portées uniquement par l'assurance. Elles sont le fruit d'un partenariat public-privé.
Vous dites qu'il faut rendre audible la parole des assureurs, mais on entend peu le Cora... Pourquoi ne trouve-t-on pas de comptes rendus de ses rencontres ?
Nous ne souhaitons pas nous donner d'obligation à une quelconque synthèse. Rechercher un dénominateur commun, c'est toujours simplifier, et édulcorer ce qui est né de la diversité des discussions. Sous réserve de préserver la richesse du débat, il faudrait toutefois que ces réunions se traduisent en effet par une publication. Communiquer, diffuser sans appauvrir, c'est difficile. Nous pensons également ouvrir davantage les sessions de travail à des professionnels de l'assurance travaillant dans les compagnies et qui viendraient en auditeurs.
Pouvez-vous évoquer une question sur laquelle se penche actuellement le Cora ?
La formation est au coeur de notre réflexion, et Bernard Spitz y est sensible. Aujourd'hui, les cursus qui préparent aux métiers de l'assurance ne sont absolument pas évalués. De quelle manière la profession peut-elle les aider ? Avec des finances, des intervenants, des supports pour l'élaboration du matériel pédagogique, avec la mutualisation des cas qui coûtent très chers. L'autre question porte sur la connaissance de l'assurance qu'ont les jeunes, qui n'ont pas du tout cette culture. L'ignorance ne contribue jamais à donner une image positive. Comment faire en sorte qu'un étudiant qui a un niveau bac + 5 puisse être, au cours de sa formation, exposé aux problématiques de base de l'assurance ? Faut-il le prévoir dans le programme scolaire ? Cela doit devenir un vrai sujet que doit saisir la Fédération, car le Cora n'a pas de vocation opérationnelle.
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