Les limites de la vertu
La Mutualité française plaide pour un encadrement très strict des contrats responsables, notamment sur les dépassements d'honoraires. Ce qui n'est pas du goût des autres familles de la complémentaire.
Coïncidence ? Le jour même où Marisol Touraine, ministre de la Santé, annonçait le lancement de la concertation sur la refonte des contrats solidaires et responsables de complémentaire santé, la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) faisait valoir sa position sur cette réforme prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014.
« Nous voulons un changement de méthode de la part des pouvoirs publics et une véritable concertation », a expliqué Étienne Caniard, président de cette fédération de 775 mutuelles et unions mutualistes, lors d'une conférence de presse le 5 mars. Avec un préalable : « Faire le deuil d'une Sé-curité sociale universelle qui, dans les faits, n'a jamais existé. C'est une révolution culturelle indispensable pour que les pouvoirs publics sortent enfin de l'hypocrisie et acceptent d'organiser le marché des complémentaires. »
Pour la FNMF, le contrat solidaire et responsable est un excellent outil de régulation. À condition qu'il soit réellement responsable et solidaire. « En 2013, plus de 90% des contrats étaient responsables ; leur fiscalité a été largement majorée », rappelle Étienne Caniard. Le retour à une fiscalité incitative passe donc par des contrats mieux encadrés.
Et tout particulièrement dans la prise en charge des dépassements d'honoraires, « qui sont l'un des principaux facteurs de la croissance des tarifs des mutuelles : en 2012, sur 1,7% d'augmentation, 1,5% est dû aux dépassements d'honoraires ». Et d'enfoncer le clou : « Entre 2005 et 2012, les dépassements d'honoraires ont augmenté de 5,9% par an en moyenne. En faisant de leur prise en charge un produit d'appel, les complémentaires santé ont solvabilisé les pratiques des 2% de médecins qui abusent et prennent les autres en otage en pratiquant des honoraires dépassant 150% de la base de remboursement. Ils créent ainsi un appel d'air et nourrissent l'inflation. »
En faisant de leur prise en charge un produit d'appel, les complémentaires santé ont solvabilisé les pratiques des 2% de médecins qui abusent.
Étienne Caniard, président de la Mutualité française
Plafonnement ou pas ?
Un argumentaire relativement partagé par Marisol Touraine, qui a déclaré, sur Radio classique, que « les complémentaires trop généreuses finissent par entretenir des honoraires - prix des lunettes ou autres - trop élevés ». Mais elle s'est bien gardée d'afficher des niveaux de plafonnement. A contrario de la FNMF, qui souhaite, par exemple, que la prise en charge des dépassements par les contrats solidaires et responsables ne dépasse pas 100% de la base de remboursement pour les médecins signataires du contrat d'accès aux soins, et 50% pour les autres. La fédération formule aussi des propositions portant sur les remboursements des médicaments, du ticket modérateur et du forfait hospitalier (lire ci-dessous).
L'encadrement excessif et brutal des contrats responsables serait une négation du rôle essentiel des complémentaires.
Communiqué du CTip
Cette vision des contrats solidaires et responsables n'est pas forcément du goût des deux autres acteurs de la complémentaire santé, la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) et le Centre technique des institutions de prévoyance (CTip). Le jour de l'annonce de la Mutualité française, le porte-parole des groupes de protection sociale a défendu une position totalement contraire sur les dépassements d'honoraires. Dans un communiqué, le CTip estime en substance que l'avenant n° 8 à la convention médicale, négocié par l'Assurance maladie avec les syndicats de médecins et les complémentaires (Unocam), est suffisant. Plus largement, l'organisme « estime que l'encadrement excessif et brutal des contrats responsables serait une négation du rôle essentiel des organismes complémentaires ». La concertation promet d'être tendue.
LES PROPOSITIONS DE LA MUTUALITÉ FRANÇAISE
Dépassements d'honoraires
Limiter la prise en charge à 100% de la base de remboursement de la Sécu pour les médecins signataires du contrat d'accès aux soins (CAS), à 50% pour les autres.Médicaments
Corréler le taux de remboursement au service médical rendu.Ticket modérateur
Établir une prise en charge obligatoire pour les soins conservateurs dentaires et les séjours hospitaliers.Forfait journalier hospitalier
Proposer une prise en charge totale d'au moins 60 jours par an et par assuré.Prothèses dentaires
Rembourser 125% minimum de la base Sécu si la garantie prévoit la prise en charge des dépassements de tarifs.
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