Réseaux de soins : les plateformes santé en pleine diversification

Outre des incursions de plus en plus nombreuses dans les professions paramédicales, les opérateurs historiques de réseaux de soins s’orientent de plus en plus vers l’hospitalisation et la médecine de ville.

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Réseaux de soins : les plateformes santé en pleine diversification

Après avoir pris un poids important en optique, et croissant en audioprothèse, les réseaux de soins explo­rent de nouveaux territoires. La loi dite Le Roux qui régit leur activité, leur interdisant de conclure des conventions avec les professions médicales – à l’exception du dentaire, où les réseaux ne représentent qu’une part « marginale » des soins selon un récent rapport de l’Inspection générale des affai­res sociales (voir ci-contre) –, les principales plateformes santé s’orientent désormais vers les professions paramédicales comme l’ostéopathie, non prise en charge par l’Assurance maladie, où leur marge de manœuvre apparaît plus importante.

Après Santéclair dont le site annon­ce 330 ostéopathes et chiropracteurs partenaires, plusieurs acteurs cherchent à se posi­tionner pour répondre à une forte demande. « Les Français ont massi­vement recours à l’ostéopathie et les assureurs indemnisent de plus en plus ces soins. En nombre d’actes, ils sont devenus aussi impor­tants que les prothèses dentaires, c’est pourquoi il nous a semblé important d’être présents », déclare Jean-Marc Boisrond, président du directoire d’Itelis. Cette plateforme ouvrira, en début d’année 2018, un réseau d’ostéopathes, comptant quelques centaines de professionnels. « Sur le plan tarifaire, nous cherchons à coller au plus près des prix moyens réellement pratiqués », ajoute Jean-Marc Boisrond.

Les opérateurs deviendraient-ils prudents après les conflits médiatiques et les interminables pro­cédu­res en justice déclenchées par le déploiement de certains réseaux ? Certes, face à un métier comme l’ostéopathie, ils n’avan­cent pas sur un terrain aussi miné qu’en optique ou en dentaire. Mais ils marchent tout de même sur des œufs, car autour de cette discipline s’est créé un marché de la formation avec une qualité parfois sujette à caution.

Un meilleur encadrement

« Nous sommes sur des soins qui ne font pas l’objet de consensus dans le monde médical », souligne Laurent Borella, directeur général de Kalivia, dont le réseau d’ostéopathes démarrera en janvier 2018, avant de préciser : « Nous avons ouvert le réseau aux ostéopathes issus d’écoles agréées pour ceux qui sont en exercice exclusif et, pour les autres, kinésithérapeutes ou médecins, nous suivons les conditions définies par les textes réglementaires ».

Kalivia a également défini un niveau d’activité en deçà duquel il est estimé que la pratique n’est pas suffisante. « L’ostéopathie ne se pratique bien que si elle est fréquente et nous avons fixé des seuils à environ 1 000 actes par an, avec une dérogation pour les jeunes praticiens », explique M. Borella. La plateforme prendra aussi en compte les avis des patients dans ses critères d’évaluation, sans aller jusqu’à les afficher publiquement. « Mais en dessous d’un certain seuil, l’ostéopathe sortira du réseau. C’est une approche tota­lement nouvelle », affirme M. Borella.

Autre nouvelle profession investie par les plateformes, les psychologues. Itelis ouvre un réseau en mettant l’accent sur les thérapies courtes qui représentent l’essentiel de l’activité de ces praticiens. « Nous nous intéressons en particulier aux thérapies comportementales et cognitives (TCC). On constate de plus en plus que, face à une difficulté familiale, professionnelle ou à une addiction, les gens considèrent qu’il est possible de se faire accompagner par un professionnel et ne considèrent plus ces pratiques réservées à certains troubles », note M. Boisrond. Ce dernier annonce, également, la création d’un réseau de diététique courant du premier trimes­tre 2018. « Avec les problèmes croissants d’obésité et de “malbouffe”, c’est un sujet qui préoccu­pe beaucoup de monde. Il ne s’agira pas seulement d’un réseau physique. L’idée est de permettre aux gens de s’entretenir très vite avec un professionnel, que ce soit en le rencontrant ou autrement », déclare M. Boisrond.

Les plateformes souhaitent aussi aborder la médecine de ville. Santéclair a choisi de le faire hors réseaux, en montant un service baptisé Médecins généralistes et médecins spécialistes. « Nous avons choisi ce nom, car nous nous sommes rendu compte que le terme de ”médecine de ville” n’était pas compris du grand public », explique Marianne Binst, directrice générale de Santéclair. Un premier lot a été lancé en septembre, avec un outil de prise de rendez-vous en partenariat avec Pages Jaunes et Clic RDV, avant la finalisation de partenariats avec d’autres sites de prise de rendez-vous. « C’est indispensable, car si l’on cherche, par exemple, un dermatologue à Nantes, sur une trentaine, il y en aura 5 sur Keldoc, 6 sur Doctolib et 3 sur Mondocteur », remarque Mme Binst.

Les bénéficiaires de Santéclair auront aussi accès, début 2018, à un service de téléconsultation multicanal (téléphone, Web, chat) grâce à un partenariat avec le site Mesdocteurs.com. Ouvert 24 h/24 et 7 j/7, il permettra d’accéder, en ligne (visio ou chat) et par téléphone, à un médecin libéral sans délai. Cette téléconsultation, dont la mise en place a fait l’objet d’une autorisation auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France, sera susceptible de délivrer une prescription médicale et le patient pourra, une fois qu’elle a eu lieu, demander l’envoi d’un rapport complet à son médecin traitant. Le patient n’aura rien à débourser, dans la limite de cinq téléconsultations par an.

Rapport Igas, Un bilan positif sur l’accès aux soins, pas sur la qualité

Dans une étude rendue publique en septembre, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) décerne un satisfecit aux réseaux, soulignant leur effet « globalement favorable » sur l’accès aux soins. La mission a ainsi observé un écart de prix notable entre les soins ou produits consommés via un réseau et ceux consommés hors réseau, en particulier en optique, avec un tarif d’environ -20 % pour des verres et -10 % pour des montures, d’où un reste à charge réduit de 50 %. En revanche, concernant la qualité, un sujet qui cristallise toujours les tensions avec les professionnels de santé, l’Igas remarque que l’impact des réseaux de soins est « plus difficile à apprécier », en ajoutant que c’est « d’ailleurs le cas de l’évaluation de la qualité en santé en général ». La mission ajoute que les réseaux de soins « opèrent une restriction de la liberté de choix et de prescription, modérée pour les patients, mais très forte pour les professionnels de santé ». Elle en conclut que les réseaux ont « acquis un tel poids qu’il est indispensable que le ministère de la Santé réinvestisse ce sujet, en commençant par mieux le connaître ».

Vers une médecine de ville

De son côté, Kalivia, souhaiterait aussi, « si la loi le permettait », travailler en médecine de ville pour faciliter l’orientation des assurés, préparer les consultations et en assurer le suivi, ou encore améliorer la coordination ville-hôpital. « Ce qui pourrait se faire notamment en coopération avec des start-up », ajoute la plateforme sans dévoiler de projets plus précis. L’hôpital apparaît justement comme la véritable nouvelle frontiè­re pour les réseaux. « C’est le secteur où il faut avancer », affir­me Christophe Lafond, vice-président de la Mutuelle géné­rale de l’Éducation natio­nale. « Nous avons des conventionnements historiques comme le règlement fédéral hospitalier, mais il reste de grosses problématiques pour les chambres particulières et les dépassements ; il y a aussi la problématique des soins de suite et de réadaptation (SSR) où les chambres sont chères, les séjours longs (21 à 30 jours) et susceptibles de générer de gros restes à charge. Et il est difficile de conventionner avec ces établissements qui disent être étranglés finan­cièrement. On voit que nos dispositifs arrivent à bout de souffle. Il faut négocier avec le privé et le public. Nous réfléchissons à de nouvelles logiques », détaille-t-il.

Des services de prévention et d’accompagnement

À l’image des organismes complémentaires, qui sont leurs clients et actionnaires, les plateformes multiplient les applications et services de prévention. Carte blanche partenaires vient de lancer une application de test auditif. Baptisée EvalAudio, elle permet de mesurer son audition sur mobile, de suivre son évolution dans le temps et d’indiquer aux utilisateurs s’ils doivent consulter un spécialiste. Ce dernier pourra accéder, s’il le souhaite, à l’historique des tests effectués par le patient, et ainsi évaluer l’évolution de son audition. Jean-François Tripodi, directeur général de Carte blanche partenaires, évoque « une action de santé publique » à propos de cette application disponible gratuitement sur l’Apple Store et Google Play. M. Tripodi annonce aussi l’arrivée prochaine d’un chatbot spécialement conçu pour accompagner les assurés au quotidien et améliorer leur parcours de santé dans les domaines de la vision et du buccodentaire. Chez Kalivia, une réflexion a été engagée sur la pharmacie. « Alors que les officines commencent à proposer des services, nous souhaitons proposer des services de prévention santé, en travaillant en direct avec elles », indique Laurent Borella.

Renforcer l’information

Outre les mutuelles de la Fonction publique, Santéclair a mis en place, il y a deux ans, un réseau hospitalier, en chirurgie orthopédique. Marianne Binst se dit satisfaite du développement de ce réseau qui compte maintenant une trentaine d’établissements, mais déplore « la difficulté d’informer les gens au bon moment ». « Les assureurs n’ont, en effet, pas le droit d’exploiter leurs bases de données de remboursement pour contacter nommément les assurés. Mais quand l’information passe, on constate qu’elle intéresse beaucoup de monde. Par exemple, nous avons testé sur la file d’attente des gens qui appellent Santéclair un message parlant de la chirurgie orthopédique. Cela a bien marché. » Itelis, après avoir lancé l’an dernier Hospiway, un site d’information sur l’hospitalisation, souhaite passer à la vitesse supérieure, le conventionnement. L’enjeu n’est pas de négocier X % de remise sur une appendicite comme sur une monture optique. « Concrètement, le conventionnement portera essentiellement sur des éléments de qualité, par exem­ple en termes de services de suivi. Si un patient, au lieu de se retrouver seul après la sortie, bénéficie d’un dispositif d’accompagne­ment qui lui permet d’avoir un professionnel de santé en ligne avec qui il peut parler d’un symp­tô­me, cela le rassure. Et cette efficien­ce des soins a aussi un intérêt économique », conclut M. Boisrond. Une réflexion sur le parcours du patient que Kalivia dit aussi avoir engagée.

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