Responsabilité décennale des constructeurs, des attestations d’assurance en trompe l’œil ?
Prévue par la loi Hamon du 17 mars 2014, l’arrêté sur les attestations d’assurance de responsabilité décennale des constructeurs est paru au Journal officiel. Quelle est la valeur de ce texte ?

Après de longues années d’attente, les attestations d’assurance construction de responsabilité civile décennale (RCD) ont enfin une existence réglementaire avec la publication de l’arrêté du 5 janvier 2016, publié au Journal officiel du 13 janvier 2016. Il s’agit de la mise en œuvre de la standardisation prévue par la loi « Hamon » du 17 mars 2014.
L’objectif a toujours été de certifier de l’existence de l’assurance de responsabilité civile décennale à l’ouverture des chantiers et de rendre les recours subrogatoires efficaces lors de la survenance de sinistres. Or, cet objectif ne sera vraisemblablement pas pleinement atteint. A cela plusieurs raisons et en premier lieu la méthode employée.
Le choix des mentions minimales
En effet, deux voies étaient envisageables, la mise en œuvre d’un « modèle » d'attestation d’assurance de responsabilité décennale ou, et c’est l’option retenue par les pouvoirs publics, les mentions minimales. Schématiquement, la première option était celle défendue par les courtiers, la seconde par les assureurs.
Pascal Dessuet, directeur délégué construction et immobilier, chez Aon France explique « Après 20 ans d’attente, on peut se féliciter que les attestations d’assurance de responsabilité décennale aient enfin une existence réglementaire. Mais nous aurions préféré à la voie des mentions minimales choisie, celui de la modélisation, bien plus à même de garantir une véritable sécurité juridique pour le maître de l’ouvrage et de fluidifier les recours au total ».
Sarah Roméo, avocate, est d’un autre avis : « il s’agit plutôt d’une attestation type, avec des mentions obligatoires, qui apporte la sécurité juridique attendue ».
Paiement des primes
Quoiqu’il en soit, le texte ne permet pas de résoudre l’épineuse question liée au paiement de la prime. En effet, le maître de l’ouvrage n’aura pas la certitude que le maître d’œuvre est couvert en se fondant sur la seule attestation d’assurance RCD si la prime d’assurance est mensualisée et qu’il n’a pas connaissance du paiement régulier des primes. Un paradoxe que souligne Pascal Dessuet : « dans la mesure en effet où le paiement de la prime d’assurance est parfois mensualisée, la police pourra avoir été légalement résiliée pour non-paiement, entre le jour de la délivrance de l’attestation et l’ouverture du chantier. Cela a déjà été jugé par deux fois. Par conséquent, si l’attestation est émise après la date d’ouverture de chantier (DOC), je préconise d’exiger une attestation de paiement de prime ». Sur une autre ligne, Sarah Roméo explique « c’est aussi au maître de l’ouvrage, le « consommateur », de s’assurer de la solvabilité des entreprises avec lesquelles il contracte ».
Techniquement, Pascal Dessuet relève encore que « parmi les autres difficultés que soulève ce texte, il faut encore signaler la mention relative au coût de la construction, qui n‘est pas le coût prévisionnel préalablement déclaré par le Maitre de l’ouvrage, mais le coût total, par conséquent le cout définitif donc, ce qui pourrait parfois conduire l’assureur à opposer une non-assurance rétroactive, si finalement le coût définitif constaté une année après la réception excède celui indiqué dans l’attestation. »
Il serait trop simpliste et rapide d’en conclure que l’arrêté du 13 janvier 2016 contente les assureurs et mécontente les courtiers. En effet, ce texte qui entrera en vigueur le 1er juillet 2016 révèlera sa réelle portée lors de sa mise en œuvre pratique. Affaire à suivre donc.
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