Sécurité sociale : nouvel exécutif... et vieilles recettes
Les mesures du projet de budget de la Sécu pour 2018, conjuguées aux revalorisations conventionnelles et à la hausse naturelle des dépenses, devraient coûter 800 M€ aux complémentaires santé.
Si l’on se fie aux prévisions annexées au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, l’Assurance maladie cessera, bientôt, d’être « l’homme malade » de la Sécu. Après une amélioration en 2018 (voir tableau), la branche maladie dégagerait, en 2019, un excédent de 1 Md€, tandis que le solde du régime général s’établirait à +0,8 Md€. Du jamais vu depuis 2001 ! L’objectif de retour à l’équilibre a maintes fois été invoqué et tout aussi souvent repoussé. L’an passé, Marisol Touraine, ministre de la Santé, annonçait la disparition du trou de la Sécu pour 2017… Pour son premier exercice budgétaire du quinquennat, le nouvel exécutif ne pouvait pas faire moins… d’autant que les indicateurs sont au vert.
Toujours plus d’économies
Mais le redressement se fera au prix de coups de rabot qui, additionnés, dessinent une politique d’économies drastiques (voir tableau), pour tenir un Ondam (objectif de dépenses voté par le Parlement) de 2,3 %. Ce retour du rabot n’a pas manqué de provoquer des grincements de dents. Pour les complémentaires santé, l’augmentation de 2 € de la participation des malades aux frais hôteliers à l’hôpital se traduira par une charge de 200 M€.
La dernière augmentation du forfait hospitalier, – de 16 à 18 € –remonte au 1er janvier 2010. Tant et si bien que, lors de la présentation du PLFSS le 28 septembre à Bercy, la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a évoqué un simple rattrapage de l’inflation. Dans la foulée, elle a soutenu que « les ”mutuelles” (ndlr : au sens générique du terme) ont probablement un peu de marge », du fait de la hausse de la part de l’Assurance maladie dans les dépenses de santé liée à la progression de la prise en charge à 100 % au titre des affections de longue durée (ALD). Par conséquent, « les ”mutuelles” peuvent faire le choix de ne pas répercuter cette hausse ».
Les mutuelles paieront
Des éléments de langage qui restent en travers de la gorge des premiers concernés. Thierry Beaudet, président de la Mutualité française (FNMF), a rappelé que ce poste « avait déjà augmenté en 2016 avec la réforme des contrats responsables, qui obligeait les complémentaires à prendre en charge le forfait hospitalier, sans limitation de durée. Faire financer par les complémentaires ce que la Sécurité sociale ne parvient plus à prendre en charge, c’est une recette du passé », déplore-t-il dans un entretien publié le 2 octobre dans la lettre d’information de la FNMF. Une rhétorique qui fait écho à celle de la Fédération nationale indépendante des mutuelles (FNIM), pour qui « la méthode Buzyn utilise les vieilles recettes ».
Le mécontentement est d’autant plus palpable que l’addition dépasse les 200 M€ du forfait hospitalier. La présentation du budget de la Sécu fait état d’un montant de 100 M€ au titre de la « participation des organismes complémentaires au financement de la convention médicale » (ndlr : revalorisation de la consultation à 25 €, majoration pour consultations complexes…). À cela s’ajoute un avenant à la convention des pharmacies d’officines signé en juillet dernier. La diversification de leurs modes de rémunération correspond à un engagement, sur les années 2018 à 2020, de 160 M€ pour l’Assurance maladie et de 120 M€ pour les complémentaires. L’addition grimpe du coup à 400 M€. « Sans compter que chaque année, nos remboursements augmentent déjà du fait de la hausse tendancielle des dépenses de santé, de l’ordre de 400 M€. La note est donc salée : elle s’élève à 800 M€ ! », martèle Thierry Beaudet. Comparée aux 35 Md€ du marché de la complémentaire santé, cette « note salée » correspond à deux points de cotisations. Et comme le souligne la FNIM, l’addition se retrouvera nécessairement dans les cotisations, car « toute augmentation du risque technique doit en effet être compensée, l’ACPR y veille d’ailleurs avec rigueur ».
La facture sera bien plus lourde pour le médicament, comme toujours fortement mis à contribution. Le Leem, l’organisation professionnelle des industriels du secteur, a déploré « un PLFSS décevant, copie conforme des précédents », marqué par 1,5 Md€ d’économies sur les médicaments. La régulation de leur prix représente à elle seule près de 1 Md€, soit 140 M€ de plus qu’en 2017, « année déjà particulièrement pénalisante (…) ». L’hôpital devra lui aussi se serrer la ceinture pour dégager plus de 1 Md€ d’économies, sur une panoplie de postes allant de l’optimisation des achats à celle des transports. Sans aller jusqu’à soutenir que le malheur des uns fait (parfois) le bonheur des autres, les organismes complémentaires pourraient bénéficier, via le ticket modérateur, d’une partie des mesures sur le médicament, comme les baisses de prix ou la politique de développement des génériques, voire sur les transports ou les indemnités journalières. Mais il semble hasardeux d’établir un chiffrage, qui restera de toute façon très en dessous des 800 M€ pointés par la FNMF.
Pas de contrats type
En définitive, les seuls signaux positifs de ce PLFSS se situent du côté des projets en faveur de l’innovation, comme la télémédecine, qui intéresse de nombreux acteurs de l’assurance complémentaire. Et peut-être, aussi, de l’absence de mesures sur le reste à charge zéro en optique, audioprothèse et dentaire, ainsi que sur la mise en place de contrats types, deux promesses électorales de M. Macron. « Sur le reste à charge zéro, nous ferons connaître avant la fin de l’année le cadre de travail et de concertation », a promis Mme Buzyn, dans une allusion à la prochaine stratégie nationale de santé.
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