Socialement responsables, les assureurs,vraiment ?
Avec 746 Md€ d’encours gérés, l’investissement socialement responsable (ISR) a enregistré un nouveau record en 2015, grâce à la forte contribution des assureurs. Un effet volume qui ne doit pas masquer les efforts à produire en matière d’ambition de gestion.

Cocorico ! En 2015, l’investissement socialement responsable (ISR) a continué de susciter l’appétit des investisseurs institutionnels français. Depuis la crise de 2008, cette conception éthique de la finance fait fureur, en particulier auprès des assureurs. La preuve : l’an dernier, les encours comptabilisés sous la bannière ISR, c’est-à-dire l’ensemble des gestions qui intègrent les critères E, S et G pour Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance, ont atteint 746 Md€, soit une progression de 29 % par rapport à 2014 et une multiplication par 10 depuis 2010. De quoi représenter « entre un quart et un cinquième des encours totaux », souligne Dominique Blanc, directeur de la recherche sur l’ISR au sein de Novethic, centre de recherche sur l’économie responsable. Avec 465 Md€ d’encours gérés au 31 décembre 2015, les assureurs, qui pèsent à eux-seuls environ 62 % des encours ISR au global constituent les principaux contributeurs de l’investissement responsable en France. Certes, l’année de la COP21 a constitué un terreau favorable à la prise d’engagements de la communauté financière. Mais cette belle dynamique ne doit pas masquer un effet trompe-l’œil quant aux ambitions réelles des investisseurs, dont les assureurs, en matière de prise en compte de l’ISR. Premier prisme déformant : celui des flux entrants. Près de la moitié de la croissance opérée en 2015 a reposé sur une importante vague de conversion de fonds préexistants. En d’autres termes, les gestionnaires d’actifs (au sein des sociétés de gestion ou en direct) n’ont pas procédé à des souscriptions de nouveaux fonds ISR, mais ont opté pour une simple requalification de fonds existants sous l’étiquette ISR, avec plus ou moins d’ambition sur les critères ESG. Ces retraitements d’actifs ont représenté un montant estimé « d’au moins 80 Md€ » selon Novethic. Autre point d’attention : celui des pratiques d’investissements responsables, plus ou moins engageantes (lire ci-contre). Si les assureurs, via leurs sociétés de gestion, ont investi largement les deux premiers niveaux (contraintes ESG et sélections ESG), ils sont en revanche plus timides lorsqu’il s’agit d’adopter une politique ISR dite de conviction. De ce point de vue, la COP21 a permis à certains acteurs de formaliser des objectifs plus audacieux : Axa s’est, par exemple, engager à tripler le montant de ses investissements verts (obligations vertes, infrastructure …) à 3 Md€ d’ici à 2020 tandis qu’Humanis a créé un fonds d’obligations vertes doté à hauteur de 160 M€ en juin 2016. « Nous avons été témoins d’un formidable élan des investisseurs institutionnels internationaux sur le climat, mais notre étude du marché 2015 montre que les investissements verts à proprement parler restent minoritaires dans le paysage de l’ISR français. Le prisme climat devrait donc plutôt s’observer d’ici quelques années, lorsque ces investisseurs traduiront leurs engagements COP21 dans leurs portefeuilles », indique Dominique Blanc.
L’ISR : de quoi parle-t-on ?
En juillet 2013, l’Association française de la gestion financière (AFG) et le Forum pour l’investissement responsable (FIR) ont apporté une définition commune de l’ISR. Il désigne « un placement qui vise à concilier performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable quel que soit leur secteur d’activité. »
Exclure, sans comptabiliser
Enfin, dernier élément qui relativise l’effet volume de l’ISR par les assureurs : le recours croissant aux démarches d’exclusions. Elles consistent à exclure des valeurs dans les portefeuilles d’investissement pour des motifs divers : éthiques, environnementaux, de santé publique… Il peut d’agir d’exclusions d’entreprises dites « normatives » (2 621 Md€ en 2015, soit un bond de 34 %). Elles peuvent être aussi « sectorielles » (631 Md€, +8 %). Le premier secteur exclu reste la production d’armement, suivi du tabac à l’instar d’Axa qui a annoncé sa sortie fin mai, des jeux d’argent, de l’alcool mais aussi du nucléaire, des OGM et des énergies fossiles. Revers de la médaille : ces stratégies aussi louables soient-elles, ne sont pas comptabilisées dans l’ISR à proprement parler dans la mesure où « elles n’ont pas d’impact sur le processus de gestion financière », souligne le Forum pour l’investissement responsable (FIR). Signe que la conversion vers un ISR dénuée de la tentation du greenwashing prendra encore quelques années. De ce point de vue, l’article 173 de la loi sur la transition énergétique, qui impose plus de transparence (obligation de reporting) aux investisseurs sur l’empreinte carbone de leurs portefeuilles, devrait contribuer à accompagner la montée en gamme de l’ISR dans les actifs des assureurs.
Il existe quatre grandes catégories de pratiques que bon nombres d’acteurs combinent en fonction de leurs objectifs...
- Les contraintes ESG : ce processus de gestion consiste à geler, limiter ou interdire l’investissement dans les entreprises qui présentent un profil de risque ESG majeur ou à imposer aux gérants un seuil minimal de qualité ESG.
- La sélection ESG : cette stratégie repose sur une sélection des émetteurs présentant les meilleurs pratiques du marché. C’est l’approche dite best in class par opposition au best in universe (sélection des meilleurs élèves indépendamment du secteur, conduisant à écarter les secteurs dits à risque comme le charbon).
- La valorisation financière : intégration systématique des critères ESG dans la valorisation, la notation ou les recommandations financières des émetteurs.
- Les investissements thématiques : c’est le must de l’ISR. L’entreprise concernée est porteuse de solutions environnementales, sociales ou de santé majeures.
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