Savoir, c'est prévoir
Avec toutes les données collectées via Internet, il est possible d'affiner sa connaissance du client et, grâce à des outils prédictifs, de définir des plans d'action mieux adaptés à ses besoins.

Savoir qu'un client a l'intention de résilier son contrat, savoir s'il constitue un bon risque... : c'est un rêve qui pourrait devenir réalité sous peu. « Les assureurs sont dans un environnement de plus en plus concurrentiel, avec des marges de manoeuvre réduites. Les outils prédictifs peuvent leur permettre de gagner des points de marge en travaillant sur leur taux de rétention, sur la détection des fraudes et l'amélioration de leur portefeuille de risques », explique Gontran Peubez, actuaire, senior manager chargé de l'offre Analytics pour l'assurance chez Deloitte.
Le client et son double
En effet, avec des outils prédictifs, il est possible d'anticiper le comportement de l'assuré, donc de devancer son départ, de décider ou non de le retenir, de détecter les tendances à frauder. « De plus en plus, ne pas anticiper sera un désavantage concurrentiel », prévient Gontran Peubez. Ces outils s'appuient sur la masse de données stockée un peu partout dans les systèmes d'information des assureurs, dans leur logiciel de gestion de la relation client (CRM), mais aussi récupérées sur les réseaux sociaux, ou les données publiées par les collectivités. « L'idée est de mettre un lien, via un système expert, entre toutes ces données pour savoir, par exemple, quels produits proposer à quel client, avec l'argumentaire adéquat », explique Philippe Poux, directeur au sein du cabinet de conseil Ellipsa. Les moteurs neuronaux, par exemple triturent ces données « afin de trouver un mix de facteurs déclenchants. Ils peuvent calculer un nouveau scoring tous les jours si on le souhaite, donc s'adaptent en temps réel aux changements de comportement du client », note-t-il. D'autant que les capacités de traitement informatiques ne constituent plus un frein.
Question de confiance
« Nous n'avons pas attendu l'arrivée d'Internet pour faire du prédictif. Nous avons un CRM analytique qui calcule des indices en fonction du potentiel du client, des scores sur son appétence pour telle ou telle offre. Mais avec Internet, la masse des données est bien supérieure et de nature différente, reconnaît Laurent Richaud, directeur digitalet multiaccès chez Axa France. Nous disposons de données en langage naturel provenant des réseaux sociaux, et nous pouvons savoir sur quels sites étaient les gens avant de venir sur le nôtre, et où ils vont après... »
Outre l'anticipation du comportement, ces systèmes sont capables de calculer la valeur du client tout au long de sa relation avec l'assureur. Il est donc possible de mieux cibler sa communication et d'allouer ses ressources de façon plus avantageuse. « Imaginez le gain d'efficacité si vous concentrez les mêmes X millions d'euros sur les quelques pourcents d'assurés dont vous savez qu'ils vont partir et que vous voulez les garder, plutôt que de ratisser l'ensemble du portefeuille », explique Gontran Peubez. Les outils prédictifs sont précieux pour faire de la rétention et multiéquiper ses clients, mais aussi en conquête. Ainsi, Aviva, aux États-Unis, pour ouvrir son assurance décès à un plus grand nombre, cherchait à baisser les coûts de souscription (des tests médicaux qui lui coûtaient en moyenne 125 $ par dossier). En 2010, il a testé un modèle prédictif comportemental, en récupérant sur les réseaux sociaux des données pour décrire des comportements alimentaires, culturels..., et 99,3 % des prévisions du modèle ont concordé avec le résultat des tests médicaux. Le tout avec un coût unitaire bien inférieur, une fois le modèle prédictif mis en place. Si, Outre-Atlantique, ces modèles prédictifs semblent prisés, en France, ils sont encore très peu utilisés par les assureurs. Même s'ils ont évolué, beaucoup se souviennent des outils d'il y a 10 ou 15 ans dont les résultats ne les avaient pas emballés. Par ailleurs, « ce sont des boîtes noires : il est souvent difficile de savoir pourquoi tel client sort et pas tel autre. Cela peut poser problème à certains de faire confiance à un moteur », reconnaît Philippe Poux.
Déjà, maîtriser le Web...
De tels outils nécessitent des investissements importants. « On prête beaucoup de vertus aux outils prédictifs. Toutefois, comme pour le CRM, cela nécessite la mise en place de développements informatiques complexes. C'est intéressant, mais la priorité aujourd'hui est d'abord de maîtriser Internet et les réseaux sociaux, et de mesurer leur impact en termes d'organisation », rappelle Renaud Desvignes directeur marketing de Natixis assurances. Le prédictif devrait cependant avoir de beaux jours devant lui.
TÉMOIGNAGEDaniel Makanda, directeur du marketing et de la communication de santiane.fr « Travailler sa rentabilité »« Nous avons développé en interne l'outil Analytics pour analyser toutes les données relatives à nos clients ainsi qu'aux prospects qui consultent notre comparateur. Cet outil se fonde sur l'historique pour prédire quels prospects seront les plus rentables. Cela nous permet de prioriser les appels. Ainsi, lorsque la demande est forte, les conseillers se concentrent sur les prospects pour lesquels ils anticipent une prime plus élevée. Cet outil est l'un des éléments qui expliquent notre forte rentabilité. »
2 QUESTIONS À Fabrice Gardette, expert distribution d'assurance chez Accenture« Une multitude de nouvelles données »Quelles nouvelles données peut-on utiliser ? À travers les navigateurs Web, les réseaux sociaux, le géomarketing, etc, on accède à des données comportementales, comme le canal de contacts préférentiel du client, ou des données relationnelles, comme son niveau de satisfaction à un moment donné. On récupère également des informations concernant son attitude, comme ses besoins du moment, et, via les réseaux sociaux, des données « social CRM », qui permettent de savoir à qui les clients font confiance, qui sont les leaders d'influence. Vous parlez de données froides et chaudes... Les données captées en temps réel lors du contact avec le client constituent des données chaudes. Elles complètent les données froides en base, socio-démographiques ou de segmentation, l'historique de sinistres. Ainsi, si un client appelle pour un relevé d'information, le logiciel mettra en avant la meilleure recommandation au conseiller pour conserver le client s'il est intéressant. Dès lors, le défi pour les assureurs consiste à pouvoir faire systématiquement le lien entre données froides et données chaudes.
TÉMOIGNAGEChristine ROUSSILLON, directrice commerciale et marketing de Direct assurance « Des outils efficaces »« Nous utilisons des outils prédictifs qui nous permettent d'automatiser davantage nos campagnes. Grâce à la collecte d'informations de comportement, nous savons si le client répond aux sollicitations, le canal qu'il vaut mieux utiliser pour s'adresser à lui, nous pouvons prédire le moment où il va changer de véhicule. Ce sont aussi des aides à la vente : lorsqu'un client appelle un conseiller, le système affiche à l'écran les produits à proposer en rebond commercial. En effet, les conseillers doivent se concentrer sur la demande du client et ne pas avoir à chercher les informations qui leur permettraient de déduire le produit à proposer. Nous comparons l'efficacité de ces outils à un échantillon, et, il faut le reconnaître, cela fonctionne plutôt bien. »
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