Fédération des experts d'assurés : « Il y a un besoin d'écrémage évident dans notre profession »

Les experts d’assurés cherchent à gagner en crédibilité dans le monde de l’assurance. Nicolas de Barrau et Gilles Magnol, respectivement président et vice-président de la Fédération des experts d’assurés (Fedexa), évoquent les actions engagées pour y parvenir.

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Fédération des experts d'assurés : « Il y a un besoin d'écrémage évident dans notre profession »
Gilles Magnol Vice-président de la Fédération des experts d’assurés (Fedexa)

Argus de l'Assurance : Les experts d’assurés se font discrets dans le monde de l’assurance. Pourtant, votre profession existe depuis plus d’un siècle…

Nicolas de Barrau - Incontestablement, les experts d’assurés sont trop méconnus. Il faut dire que notre profession est encore très atomi­sée et reste dans l’ombre des forces écono­miques très puissantes du secteur de l’assurance. Rappelons que l’ADN de notre métier a d’abord été les estimations préal­a­bles des biens. Puis notre cœur de métier est devenu l’expertise après sinistre. Ces ­dernières décennies, notre métier d’expert indépendant s’est surtout concentré sur ­l’expertise amiable et contradictoire au ­moment du ­sinistre. Concrètement, nous ­établissons pour le compte de l’assuré la ­réclamation chiffrée des dommages que nous transmettons à l’expert de la compagnie ­d’assurance. Le débat contradictoire entre ­experts déterminera l’indemnité finale. Nous pouvons également, le cas échéant, négocier la non-application de pénalités infligées par la compagnie d’assurance qui n’auraient pas dû l’être.

Quel est votre poids aujourd’hui ?

N. d. B. - Les adhérents à la Fedexa représentent environ 15 M€ de chiffre d’affaires ­annuel. Nous gérons environ 2 500 dossiers significatifs par an, de plus de 50 000 € le plus souvent. Nous avons vocation à intervenir sur des dossiers de taille importante, car, pour les petits sinistres, l’intervention d’un expert d’assuré, souvent, ne se justifie pas. Notre valeur ajoutée tient, en effet, aux profils de nos experts de terrain : des ingénieurs, des architectes, des juristes, des économistes, etc. Bref, beaucoup de formations techniques. Au-delà des compétences de négociation nécessaires pour obtenir les meilleurs remboursements pour les assurés, nous avons donc de vraies compétences pour gérer les sinistres.

Gilles Magnol, Expert régleur.

  • Depuis 1998 : Expert régleur chez LDAS expertises, cabinet qu’il dirige.
  • 2015 : Vice-président de la Fedexa.

 

Comment démontrer ces compétences à vos clients et au monde de l’assurance ?

N. d. B. - D’abord, il faut faire en sorte d’élever la qualité globale de notre profession qui est mise à mal par certaines mauvaises pratiques. Nous souhaitons notamment une reconnaissance officielle des experts d’assurés par une certification d’un organisme reconnu. Nous venons de lancer un projet de certification de nos compétences, avec le Centre national de prévention et de protection (CNPP). Un chantier stratégique pour notre profession. Ensuite, nous tentons de nous rassembler entre cabinets compétents afin d’être plus visibles. C’est nécessaire, car, à de rares exceptions, notre marché demeure très atomisé.

Votre profession a, en effet, été dévalorisée par des pratiques peu éthiques, notamment au moment de catastrophes naturelles…

N. d. B. - Oui, c’est un vrai problème pour nous. Lorsque certains s’improvisent de la sorte experts d’assurés et sont peu bienveillants à l’égard de celles et ceux qui sont victimes de sinistres, cela nuit fortement à notre image. Ce type de comportements « sauvages » est à proscrire.

Gilles Magnol - C’est d’ailleurs pour cela que nous avons créé la Fedexa il y a sept ans : une fédération de cabinets reconnus, indépendants et compétents. Il faut savoir que notre métier s’est dégradé, car n’importe qui peut s’improviser expert d’assurés. Il nous faut donc monter en compétence.


Justement, comment la profession peut-elle monter en compétence ?

N. d. B. - Par la mise en place de formations ­reconnues comme nous l’évoquions, mais aussi d’un code de déontologie qui concerne tous les aspects du métier : de la relation avec l’assuré jusqu’aux pratiques contractuelles, en passant par les exigences qualitatives de conseils.

G. M. - Il reste beaucoup à faire. Par exemple à Paris, sur les 27 cabinets d’experts d’assurés, seuls quatre rentrent pour l’instant dans les clous de la charte de déontologie de la ­Fedexa… Il y a un besoin d’écrémage évident dans notre profession. Constituer un Ordre des experts d’assurés pourrait, dans ce cadre nous faciliter les choses.

Nicolas de Barrau, Diplômé de l’École supérieure d’assurances (ESA).

  • 2010 : Directeur général de Patrimoine consultant, filiale du groupe Oddo & Cie.
  • 2014 : Directeur du cabinet Freschet Expertises d’Assurés.
  • 2015 : Élu président de la Fedexa.

 

C’était d’ailleurs l’une des suggestions de l’ex-secrétaire d’État aux victimes, Juliette Méadel que vous avez rencontrée.

N. d. B. - Oui, elle nous a indiqué que la création d’un Ordre faciliterait grandement notre cause. Cette rencontre est survenue à ­l’automne dernier après les catastrophes naturelles de 2015 et 2016 où les experts d’assurés ont démontré qu’ils étaient capables de se mobiliser pour apporter un conseil aux victimes qui, désemparées, avaient besoin d’être aidées, tant dans l’évaluation des dommages que dans la compréhension des conditions d’indemnisation.

Cela constitue une vraie avancée pour vous d’avoir enfin l’oreille des pouvoirs publics…

N. d. B. - C’est une première reconnaissance. Mais ce secrétariat d’État a depuis été supprimé et il nous faut désormais garder contact avec l’administration pour ne pas sortir des radars. Nous attendons de savoir quel ministère, au-delà de Bercy, sera notre interlocuteur privilégié. D’ici là, nous allons continuer à renforcer notre visibilité et à mettre en place notre projet de certification.

Juliette Méadel avait, par ailleurs, promis de vous mettre « dans la boucle » avec les assureurs lors de la prochaine gestion de crise liée à une catastrophe naturelle…

N. d. B. - Oui, mais, fort heureusement, il n’y en a pas eu depuis. Nous ne savons donc pas encore si ces paroles seront suivies d’effets.

Rien n’est gagné, donc, d’autant que vous n’êtes pas bien considéré par les compagnies d’assurances…

G. M. - En effet, depuis deux décennies, quelques compagnies d’assurance tentent de nous ignorer. Elles se livrent à une concurrence féroce et optent pour une logique ­financière qui vise à réduire le coût des ­sinistres. Comment procèdent-elles ? En limitant les garanties complémentaires qui ­permettent de payer l’intégralité des sinistres. Or, nos revenus proviennent en grande partie des compagnies d’assurances, par le biais de la garantie « honoraires d’experts » inscrite dans les contrats.

Il faut faire en sorte d’élever la qualité globale de notre profession qui est mise à mal par certaines mauvaises pratiques.

Nicolas de Barrau

 

Militez-vous pour être systématiquement rémunérés par l’assureur ?

N. d. B. - C’est un point important, mais ce n’est pas la priorité absolue. Notre combat réside avant tout dans la reconnaissance de notre rôle d’expert indépendant auprès des assurés. Nos honoraires peuvent d’ailleurs être pris en charge par les assurés eux-mêmes, mais encore faut-il qu’ils en soient objectivement informés par leurs compagnies d’assurance... Mais ces dernières entretiennent la confusion entre leur expert d’assurance et l’expert ­d’assurés indépendant.

Quelques compagnies d’assurance tentent de nous ignorer. Elles se livrent à une concurrence féroce et optent pour une logique financière qui vise à réduire le coût des sinistres.

Gilles Magnol

 

Dans ce cadre, les pratiques des assureurs sont-elles en conformité avec la réglementation ?

G. M. - Non, car soit le sinistre ne nécessite pas d’expert et se règle de gré à gré entre la ­compagnie d’assurance et l’assuré, soit la compagnie d’assurance mandate un expert. Dans ce dernier cas, elle doit demander à son client s’il souhaite être assisté de son propre expert. Ce qu’elle fait très rarement. Ce type de comportement est en contradiction totale avec le principe même de l’indemnisation en France, puisque l’expertise doit être amiable et contradictoire. Elle doit donc permettre à au moins deux experts de donner leur avis sur un dossier. Pour contourner cette réglementation, les assureurs proposent un expert unique à leurs clients, mécaniquement favorable aux compagnies… Ce n’est pas normal, il y a là un risque de conflit d’intérêt évident.

Avec quelles conséquences pour l’assuré ?

G. M. - Il subit de plein fouet la logique des compagnies d’assurance qui veulent afficher des ratios financiers les plus favorables ­possibles. Notre logique est différente : ­sachant que l’assuré connaît souvent mal les contours de son contrat, nous l’analysons en détail. Ainsi, quelqu’un qui sollicite un véritable expert d’assuré a la certitude d’obtenir une juste indemnisation des dommages au regard de son contrat, avec l’application de toutes les garanties. Et ce, grâce au travail contradictoire et commun de deux experts, l’expert d’assuré et celui de la compagnie.

N. d. B. - C’est notre grande force : étant indépendants, nous nous concentrons exclusivement sur les intérêts contractuels de nos clients assurés. Nous devons faire valoir cette spécificité et notre valeur ajoutée.

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