«Nous aurons un modèle économique à retravailler»

La deuxième mutuelle interprofessionnelle française, née de la fusion, en 2013, de Eovi et MCD, n'a pas terminé sa croissance. Son président et sa directrice détaillent le modèle mis en place pour conjuguer ancrage local et développement national, et analysent les évolutions liées à de possibles diversifications ainsi qu'au basculement du marché vers les collectives.

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«Nous aurons un modèle économique à retravailler»
Maurice Ronat, Président d'Eovi MCD Mutuelle et Nathalie Danizan, Directrice générale d'Eovi MCD Mutuelle


Qu'est-ce que cette fusion a apporté à Eovi et à MCD ?
Maurice Ronat - Eovi était une mutuelle certes importante, avec une implantation très forte dans la Loire, la Haute-Loire, la Drôme et l'Ardèche, et d'autres départements où nous avions des parts de marché à conquérir. Mais pour passer un cap, MCD nous permet de rayonner dans toute la France.

Nathalie Danizan - Nous avions besoin de nous adosser à une mutuelle importante pour nous développer. Aujourd'hui, il devient indispensable d'avoir à la fois une dimension nationale et une certaine taille. C'est le cas avec 1,4 million de personnes protégées.

Parvenez-vous à maintenir une relation de proximité avec vos adhérents ?
M. R. - Cela a été l'une de nos réflexions, car sans délégués mutualistes de terrain, nous ne serions plus des mutuelles. Notre légitimité repose sur le fait que nous avons des adhérents qui élisent des délégués, qui élisent un conseil d'administration, qui choisit ensuite un bureau. La question était de savoir comment conserver ces délégués locaux. Nous avons répondu par la mise en place de dix-sept conseils territoriaux, qui élisent chacun leurs délégués. Le président du conseil territorial siège au conseil d'administration, d'une part pour faire remonter les idées et, d'autre part, pour faire redescendre les options du conseil auprès des délégués.

Ces conseils sont-ils tous structurés sur le même modèle ?
M. R. - Ils sont très différents selon l'histoire. Celui de Drôme-Ardèche, où nous sommes très implantés, compte quatre-vingt-dix membres, tandis que d'autres sont plus petits. Nous sommes partis du principe d'avoir un conseiller territorial par 2 200 adhérents. L'idée est que ces conseils se rapprochent du fonctionnement de la mutuelle d'antan.

LEUR PARCOURS

  • Maurice Ronat Âgé de 65 ans, il a fait carrière dans le logement social, où il a été directeur d'une société de crédit immobilier et secrétaire général d'un organisme collecteur du 1%.
    - 1981-1999 Administrateur de la mutualité française Loire.
    - 1997 Président de la Fédération nationale de la Mutualité Interprofessionnelle (FNMI).
    - 2013 Président d'Eovi MCD Mutuelle. Il détient par ailleurs plusieurs mandats mutualistes régionaux et nationaux (bureau de la FNMF, qu'il représente au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, vice-président du Crédit coopératif, administrateur de la Matmut).
  • Nathalie Danizan Âgée de 46 ans, elle est diplômée de l'EM Lyon et du Celsa.
    - 1990 Consultante dans un cabinet de conseil en stratégie commerciale.
    - 1993 Responsable du marketing des services financiers de La Poste puis de l'animation du réseau.
    - 1999 Rejoint la direction commerciale de MMA.
    - 2001 Directrice du marché individuel de Covéa Risks.
    - 2007 Directrice générale de MCD Mutuelle, puis, fin 2013, d'Eovi MCD Mutuelle.

Comment ?
M. R. - Ils ont trois actions principales, dont la première est la gestion du fonds social, avec une somme de 1 € par chef de famille. Nous privilégions une aide aux prestations plutôt qu'aux cotisations, car nous considérons qu'avec la CMU-C et le renforcement de l'aide à la complémentaire santé (ACS), un certain nombre de choses sont faites. Et lorsqu'un nouveau délégué s'investit dans la mutuelle, nous lui demandons de participer au fonds social, car c'est là où l'on sent vraiment la vie sociale d'une mutuelle.

La deuxième action locale est la prévention. Elle est pilotée par la Mutualité française et normalement gérée par les unions régionales. Mais nous avons un service chargé de travailler sur ce sujet, car il établit un lien entre les adhérents et les professionnels de santé. C'est aussi un lieu de coopération entre les élus et les opérationnels.

Le troisième axe est la représentation locale. Nous devons être visibles auprès des élus locaux. Ce qui les intéresse, ce n'est pas notre rôle d'assureurs, mais la gestion par les mutuelles des réseaux sanitaires et sociaux. Tout en étant une grande mutuelle avec un siège à Paris, nous avons besoin de cette présence locale.

Nous aurons des élections au printemps, car l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) nous a demandé de réélire tous les délégués à l'assemblée générale. Ces derniers éliront un conseil d'administration de trente-neuf membres. Les dix-sept présidents de conseil territorial pourront siéger au conseil, mais pas être président, ni premier vice-président ni secrétaire général ou trésorier général.

Quelle organisation opérationnelle avez-vous mis en place ?
N. D. - Comme nous sommes une mutuelle nationale, nous avons besoin d'un pilotage uniforme sur tout le territoire, afin de garantir une qualité de service homogène. Nous avons donc créé huit directions centrales, avec toutes les fonctions classiques (directions comptable et financière, systèmes d'information, ressources humaines, etc.) et six pôles mutualistes régionaux (Nord-Est, Nord-Ouest, Centre-Est, Centre-Ouest, Sud-Est et Sud-Ouest). Chaque pôle couvre donc en moyenne trois conseils territoriaux. Ces pôles ont des responsabilités en matière de pilotage opérationnel, d'activités métier ou de ressources humaines. L'idée est aussi que les régions disposent d'une marge de manoeuvre, parce que si, demain, nous voulons convaincre d'autres mutuelles de nous rejoindre, il faut aussi que nous puissions leur proposer des responsabilités locales.

Vous n'avez pas terminé votre croissance...
M. R. - Le protocole d'accord pour le rapprochement avec la mutuelle Myriade a été signé en janvier. Le dossier sera présenté aux assemblées générales de juin, dans la perspective d'une fusion avec effet rétroactif au 1er janvier. Cela nous apportera 250 000 personnes protégées de plus et environ 120 M€ de chiffre d'affaires, ce qui nous rapproche du milliard d'euros. Nous ajouterons à nos activités de gestion des régimes complémentaire et obligatoire des indépendants (où Eovi est deuxième mutuelle avec 150 000 personnes protégées) la gestion du régime obligatoire des étudiants, car Myriade substitue les mutuelles étudiantes Vittavi.

Envisagez-vous les rapprochements uniquement dans une logique de fusion ?
M. R. - Nous avons changé de politique. Les mutuelles qui nous rejoignaient devaient, dans les trois ans, fusionner ou repartir. Aujourd'hui, nous accueillons au sein du groupe des mutuelles avec qui nous avons envie de travailler, mais la fusion n'est pas gravée dans le marbre. C'est le cas avec Avenir Mutuelle, issue du rapprochement entre la Mutuelle générale de Paris et une mutuelle de Belfort. C'est aussi le cas des mutuelles étudiantes, qui ont un statut spécial. Et les mutuelles de livre III, les réseaux sanitaires et sociaux dans lesquels nous sommes très investis sont une autre composante importante du groupe, qui s'ajoute à nos activités assurantielles.

«nous attendons beaucoup des projets de la ministre déléguée à l’autonomie, michèle delaunay. »

Maurice ronat, président d’Eovi MCD Mutuelle

Seriez-vous ouvert à des discussions avec des acteurs du monde paritaire ?
M. R. - Pourquoi pas. Mais sachant qu'il y a dans le monde paritaire quatre grands acteurs qui vont encore se renforcer et ont déjà tous leurs pôles mutualistes, si nous sommes amenés à discuter avec des groupes de protection sociale, ce serait plutôt sur des dossiers spécifiques, des partenariats ciblés, que sur des rapprochements.

Avez-vous actuellement un enjeu de diversification ?
M. R. - Nous attendons beaucoup des projets de Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie, en matière de dépendance. Je considère qu'il vaut mieux aller chercher ce genre de produits dans sa mutuelle que chez son banquier. Je pense que c'est une femme de grande valeur qui essaie de se battre pour sortir un produit, mais elle est dans un contexte économique difficile. Nous le voyons parce que nous sommes gestionnaires d'une association d'aide à domicile, et c'est la quadrature du cercle pour atteindre l'équilibre. Par ailleurs, nous réfléchissons à un partenariat en dommages. Cela ne pourra se faire qu'avec un acteur de l'économie sociale, dans le périmètre du Gema.

« Tout en étant une grande mutuelle avec un siège à Paris, nous avons besoin d'une présence locale. »

Maurice Ronat, président d'Eovi MCD Mutuelle

Comment s'articule votre activité avec celle de votre partenaire SA Mutex ? Il se dit que le dossier Total (1) a provoqué des tensions...
M. R. - Soyons clairs, il y a un pacte d'actionnaires qui a été écrit et qui fixe certaines conditions. Mutex doit prendre en charge les accords de branche et les contrats de plus de cinq mille salariés. Le dossier Total est donc une transgression de ce pacte d'actionnaires. Les 34% détenus par Harmonie ne sont pas la majorité, et nous devons rediscuter ensemble les fondamentaux de fonctionnement dans l'intérêt général. C'est ce qui est en train de se faire. Les partenaires ont mis 600 M€ et ont donc des responsabilités. Je n'en dirai pas plus aujourd'hui.

« nous avons besoin d’un pilotage uniforme sur tout le territoire, afin de garantir une qualité de service homogène. »

Nathalie Danizan, directrice générale d’Eovi MCD Mutuelle

Comment analysez-vous l'impact de la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés prévue par l'accord national interprofessionnel de janvier 2013 ?
M. R. - L'arrivée de l'ANI a aiguisé les appétits. Elle va aussi amener à des évolutions. Aujourd'hui, nous avons 60% d'individuel et 40% de collectif. La problématique de l'ANI est simple : si nous conservons nos effectifs avec une bascule importante de l'individuel vers le collectif, les taux de chargement étant différents, nous aurons un modèle économique à retravailler.

N. D. - Cela nous amènera à travailler sur notre réseau et des évolutions pour une partie de nos collaborateurs. Les entreprises concernées par la mise en place de l'ANI sont surtout de très petites entreprises, et nos implantations sont un atout qui doit nous permettre de nous conforter.

1. L'attribution, à l'automne dernier, du contrat collectif de complémentaire santé des salariés de Total à Harmonie Mutuelle a provoqué des tensions entre les partenaires de Mutex SA. Harmonie Mutuelle en détient aujourd'hui 34%, les quatre autres mutuelles interprofessionnelles fondatrices (Adréa, Apreva, Eovi et Ociane) 33%, Mutex Union 28,5%, Matmut 4% et Chorum 0,5%.

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