« Nous restons attachés à notre indépendance et à notre taille »

Bruno Périssé vise davantage le retour à l'équilibre technique que la croissance. Une stratégie qui amène l'assureur de niches à couper les « branches mortes » et à renouer avec son coeur de cible, l'entreprise.

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« Nous restons attachés à notre indépendance et à notre taille »
Bruno Périssé, directeur général de la Cameic


En 2013, vous avez pris la direction générale de la Cameic avec pour priorité d'améliorer les fondamentaux techniques. Au regard des comptes de votre premier exercice, êtes-vous sur la bonne voie ?
Le pari est en train de se tenir. Toutefois, en 2013, le résultat technique a connu un déficit historique à hauteur de 3 M€, pour une société qui détient 12 M€ de fonds propres. L'exercice a été marqué par la mise en oeuvre de mesures drastiques pour pouvoir tendre vers ces équilibres techniques à horizon Solvabilité 2, c'est-à-dire en 2016. Pendant cette année 2013, nous avons coupé les branches mortes, en supprimant les activités non rentables que nous développions depuis quelques années.

Comment expliquez-vous ce déficit technique record ?
Notre déficit technique 2013 provient pour 70% de l'activité loyers impayés. Cette branche pèse 9 M€ de primes sur un chiffre d'affaires total de 43 M€, lequel a progressé de 17% par rapport à 2012. Sans compter la révision des taux de recours, qui a également pesé pour 1,3 M€. Tout l'équilibre technique des loyers impayés repose sur ce paramètre. Il représente la créance qu'a l'assureur auprès du locataire défaillant. Ces opérations de recours ne peuvent s'exercer qu'au bout de deux, trois, voire cinq années. Lorsque nous avons lancé ces produits en 2009, les données dont nous disposions à l'époque indiquaient un taux de recours de 50%, ce qui signifie qu'un sinistre sur deux est remboursé au terme de la cinquième année. Aujourd'hui, ce sont seulement un sur quatre qui le sont dans ces délais, ce qui n'est pas tenable financièrement. Nous avons donc réduit notre activité à 4 M€ à effet 2014 et conservé un seul délégataire, le courtier Invenia Assurances, pour la distribution, contre quatre précédemment.

SON PARCOURS

Bruno Périssé, 50 ans, est titulaire d'un DESS en économie et gestion du système de santé.

  • 1995 Responsable région Est du groupe Magdebourg.
  • 2000 Conseiller grands comptes du groupe MV4Parunion.
  • 2006 Conseiller clientèle grands comptes pour Gras Savoye.
  • 2010 Directeur du développement de la Cameic.
  • 2013 Directeur général de la Cameic.

L'annonce d'un possible démantèlement de la garantie universelle des loyers (GUL), qui instaure une couverture publique contre les loyers impayés, vous surprend-elle ?
Ces reports ne nous surprennent pas. J'ai toujours considéré qu'un système assurantiel privé allait perdurer malgré la loi Alur (1), avec une surcomplémentaire possible. La « sécurité sociale » des loyers est une bonne chose, mais nous étions tous un peu sceptiques sur la finalité de la mise en oeuvre avec un organisme d'État coûteux [l'agence de la GUL, NDLR], un financement douteux, l'abandon de la caution et le gel du marché.

Les débats actuels changent-ils votre vision stratégique sur ce segment de marché ?
Nous restons résolument convaincus que l'assurance de loyers impayés est une opération pour des acteurs privés comme les nôtres. Pour autant, il faut que cela s'inscrive dans un partenariat tel que nous nous le souhaitons. Il doit y avoir, avec notre délégataire, un partenariat exclusif, avec une vision commune. Ce modèle de développement, qui pose l'impératif de rentabilité technique, me semble inévitable, même avec une redéfinition des contours de la GUL favorable à l'assurance privée.

Au-delà de la branche loyers impayés amputée de moitié, à quelle activité avez-vous dû renoncer ?
En 2008, nous nous sommes positionnés sur la multirisque habitation, un produit atypique pour la Cameic. Nous avons résilié l'ensemble de notre protocole composé de trois délégataires (dont les deux courtiers grossistes toulousains Ami3F et Sagesse) à effet au 1er janvier 2014. Nous ne sommes pas sur un produit de niche, mais sur un produit hautement standardisé, déjà occupé par les majors du secteur. Cinq ans après son lancement, nous n'avons récolté qu'à peine 1 M€ de primes, ce qui est insuffisant. Les conditions n'étaient pas réunies pour poursuivre sur ce segment.

Est-ce à dire que la Cameic veut s'éloigner de son statut d'assureur de niches ?
En raison de sa taille, la Cameic ne peut pas s'intéresser aux produits sur lesquels les sociétés d'assurances sont présentes. Il faut se positionner là où les autres ne sont pas. Le business plan repose sur la construction de partenariats avec des courtiers grossistes qui sont sur des niches avec une expertise de leur métier. De fait, nous sommes davantage une société de contrôle qu'une société d'assurances qui gère directement son portefeuille.

Avant d'être un assureur de niches, la Cameic s'était illustrée en proposant une couverture aux entreprises contre les pertes pécuniaires liées à des interruptions forcées d'activité. Un siècle plus tard, comment ce produit s'est-il adapté aux évolutions sociétales et réglementaires ?
Le produit grève est une couverture sur laquelle la Cameic avait un monopole dès 1907 grâce au comité des Forges (2). Nous sommes restés les seuls à le distribuer en l'état jusqu'en 1995, quand nous avons commercialisé des produits individuels, en chômage notamment. Il a également évolué au fur et à mesure des contraintes réglementaires. Il y a deux ans, nous avons réformé le système d'indemnisation, qui prévoyait une indemnisation illimitée de la perte de marge des entreprises. Nous avons limité à onze le nombre de jours indemnisés, une période qui correspond à la durée moyenne d'une grève en France. Cette activité, qui pèse pour moins de 1% de notre chiffre d'affaires avec 80 entreprises adhérentes (PME-PMI jusqu'à 500 salariés), constitue l'un de nos axes de développement en 2014.

Pourquoi vouloir vous réorienter sur la cible des entreprises ?
Le chiffre d'affaires de la Cameic repose aujourd'hui en grande partie sur les garanties frais de santé individuelles. Avec l'accord national interprofessionnel de janvier 2013, nous anticipons une baisse d'activité sur ce segment. D'où la nécessité de diversifier nos activités et de rechercher de nouveaux partenariats. En 1995, nous étions une société d'investissement dans l'assurance. Aujourd'hui, la Cameic doit récolter les fruits de ces investissements pour viser un retour à l'équilibre technique. Mais nous n'irons pas sur la collective, ce n'est pas notre schéma.

« Nous sommes davantage une société de contrôle qu'une société d'assurances qui gère directement son portefeuille. »

Quelles couvertures allez-vous proposer ?
Des risques classiques - responsabilité civile, dommages, garantie immeuble... - pour des entreprises atypiques. Ce qui revient à nous concentrer sur les entreprises qui n'ont pas toujours les faveurs de la souscription auprès des majors. C'est le cas, par exemple, de l'immeuble avec une discothèque au rez-de-chaussée ou doté d'une structure en bois. Mais nous nous donnons comme projet de croître harmonieusement plutôt que trop vite. Volontairement, nous souhaitons une montée en charge progressive, en nous déployant d'abord en France métropolitaine puis, à moyen terme, dans les Dom-Tom.

Les délégataires occupent une place de choix dans votre distribution. Sur quels critères les sélectionnez-vous ?
La recherche du mandataire précède le positionnement marché, mais nous ne nous lancerons pas dans des activités à haut risque ou pour des risques que nous ne maîtrisons pas. C'est la condition sine qua non pour ne pas être tributaire de l'évolution du marché. Il faut que nous ayons, la Cameic ou le délégataire, une connaissance et une visibilité du risque à contrôler.

Pourquoi privilégier les mandats d'exclusivité ?
Notre position, qui est relativement nouvelle, est de privilégier un partenariat unique avec un délégataire. À l'instar de la branche loyers impayés, où nous avons retenu un mode de développement avec un délégataire unique, nous souhaitons procéder de la même façon pour les autres marchés. Nous allons rechercher le mouton à cinq pattes. Un courtier grossiste spécialisé qui apportera à ses courtiers une expertise de niche. C'est le modèle de développement qui nous intéresse et qui produit des résultats. À une exception près, le courtier Henner, nous évitons les grands cabinets en matière de distribution.

« Nous allons rechercher le mouton à cinq pattes. Un courtier grossiste spécialisé qui apportera à ses courtiers une expertise de niche. »

La Cameic est également présente dans les assurances annulation mariage, chiens-chats... Ces segments sont-ils encore porteurs de relais de croissance ?
En termes de croissance, nous continuons à miser sur les produits chiens et chats (4 M€ de chiffre d'affaires) avec notre partenaire, le courtier grossiste ECA. Nous considérons que ce marché n'est pas saturé. C'est une activité à fort levier de croissance qui viendra contrebalancer la perte de chiffre d'affaires que nous anticipons sur la santé.

La Cameic sera-t-elle prête pour l'entrée en vigueur de Solvabilité 2 au 1er janvier 2016 ?
Nous sommes tout à fait confiants sur l'échéance. En 2013, notre marge de solvabilité est couverte à hauteur de 1,57 fois. Globalement, c'est un sujet qui nous occupe plus qu'il ne nous préoccupe. L'exercice se révèle bénéfique pour des petites sociétés, puisqu'il nous oblige à revoir nos modalités de fonctionnement. Quelques interrogations demeurent cependant sur l'application du principe de proportionnalité pour des petites mutuelles comme la nôtre, de même que sur le pilier 3, nous attendons de connaître clairement les exigences de reporting détaillé.

La perspective de Solvabilité 2 a eu pour effet d'accélérer la concentration des petites mutuelles d'assurances. Avez-vous eu à étudier des projets de rapprochement avec d'autres organismes d'assurance mutuelle ?
Nous avons été approchés à plusieurs reprises par des sociétés d'assurance mutuelle qui en avaient le besoin, la mariée étant belle et nos fonds propres importants. En 2013, une mutuelle santé nous a présenté un projet de rapprochement, mais il n'a pas reçu l'aval du conseil d'administration, ce dernier estimant que nous n'avions pas grand-chose à attendre de ce partenariat. Nous restons attachés à notre indépendance et à notre taille, tout en remplissant les obligations réglementaires.

1. Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
2. Organisation patronale française de la sidérurgie créée en 1864.

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