Renaud de Pressigny (QBE) : « Une entreprise pro-LGBT a plus de chances d'attirer des talents »
Fermement opposé à toute forme de discrimination dans l’entreprise, le directeur général de QBE France a décidé de monter au créneau pour défendre la cause des personnes LGBT (Lesbiennes, Gay, Bisexuelles ou Transgenres). Un sujet de diversité tabou dans le monde de l’assurance que Renaud de Pressigny entend bien mettre en lumière.

Lors du Dive In Festival (1) organisé en septembre dernier, vous avez fait une intervention remarquée en abordant la diversité au travers des personnes LGBT. Pourquoi avoir choisi cet angle ?
QBE est un groupe engagé dans la diversité, que ce soit en matière d’égalité professionnelle hommes/femmes, d’intégration des handicapés ou des LGBT. Ce sujet est développé dans les pays anglo-saxons, où l’entreprise est fortement implantée. En France, la question de l’intégration des LGBT dans le monde professionnel est rarement abordée. J’ai donc estimé qu’il était important d’aborder cette problématique, tout en essayant de la promouvoir – avec humilité – au sein du marché français de l’assurance.
Quel accueil a reçu votre discours ?
Il y a plusieurs années, quand QBE s’est engagé pour la cause LGBT au niveau mondial, j’avais proposé de relayer ces actions en France. C’était prématuré, car la majorité de l’équipe de direction de QBE France estimait, alors, que ce sujet relevait de la vie privée. Depuis, les mentalités ont évolué et les managers et collaborateurs de QBE France sont, désormais, plus à l’écoute. La plupart d’entre eux reconnaissent que cette thématique ne se cantonne pas uniquement à la vie personnelle. Comme pour tous les sujets d’actualité liés à la qualité de vie au travail (QVT) – tels que le télétravail ou le droit à la déconnexion – il y a une interaction complète entre les sphères professionnelle et privée.
Mais pourquoi, à titre personnel, cette thématique vous tenait-elle à cœur ?
En fait, c’est malgré moi que je me suis improvisé porte-parole de l’intégration des LGBT dans le monde du travail ! Quand j’en parle avec mes enfants, ils estiment qu’il s’agit d’un non-sujet, car les personnes de leur génération sont très ouvertes en matière de diversité, qu’elle soit raciale ou d’orientation sexuelle. Mais ce n’est pas le cas dans l’assurance. L’intégration des LGBT dans le monde professionnel est un thème peu abordé en France, notamment dans le monde des services financiers. Ce sujet me tient également à cœur, car il est lié à l’acceptation de l’autre. J’ai toujours été heurté par toute forme de discrimination, qu’il s’agisse de sexisme, d’antisémitisme, de racisme, ou de rejet des LGBT.
Connaissez-vous des personnalités du monde de l’assurance qui ont fait leur coming out ?
À ma connaissance, Inga Beale, la directrice générale du Lloyd’s de Londres, est, aujourd’hui, la seule dirigeante du secteur à avoir révélé sa bisexualité. L’univers anglo-saxon est plus ouvert que nos sociétés latines. En France, bien qu’il soit de notoriété publique que certains patrons sont LGBT, personne n’en parle vraiment. Pourtant, quand vous êtes patron d’une grande entreprise, que vous êtes arrivé au sommet, vous n’avez normalement plus grand-chose à perdre… Mais non, le sujet reste tabou. En décidant de prendre la parole régulièrement sur l’intégration des LGBT dans le monde du travail, j’espère contribuer à faire évoluer les mentalités !
Quels seront les engagements de QBE France en la matière au cours de l’année ?
Je serai à la Mairie de Paris le 14 décembre (2) pour signer la charte LGBT de l’association L’Autre cercle. À travers cette signature, QBE s’engage à créer un environnement inclusif pour les collaborateurs LGBT, à veiller à une égalité de droit et de traitement entre tous quelles que soient leur orientation sexuelle, leur identité sexuelle ou leur genre, et à soutenir les salariés victimes en interne de propos ou d’actes discriminatoires. C’est d’ailleurs le principe des Alliés, mis en place au sein de notre groupe depuis plusieurs années.
En quoi consiste cette initiative ?
Les Alliés sont des collaborateurs qui affichent, en interne, un signe prouvant qu’ils soutiennent l’intégration des LGBT. Leur mission est d’être à l’écoute de personnes qui s’estimeraient discriminées, victimes de remarques homophobes, ou parce qu’elles n’osent pas faire leur coming out au sein de l’entreprise. L’idée des Alliés est de créer un lieu d’expression, de faciliter les échanges, afin d’éviter toute souffrance liée à l’orientation sexuelle. Chez QBE France, nous avons déjà cinq Alliés. Un chiffre assez élevé pour une entité d’une centaine de salariés.
SON PARCOURS
Diplômé de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et titulaire d’une licence en droit, Renaud de Pressigny, 58 ans, a fait toute sa carrière dans le secteur de l’assurance.
- 1988 Directeur du département programmes RC internationaux de Diot.
- 1998 DG adjoint d’Aon France.
- 2000 DG de la division grands risques d’entreprise de Scor.
- 2004 Directeur des départements techniques de Marsh France.
- 2010 DG adjoint de Gras Savoye.
- 2013 Directeur associé au sein du cabinet dédié au conseil en gestion des risques d’entreprises, Arengi.
- Depuis mars 2014 DG de QBE France.
Comment comptez-vous communiquer sur le sujet auprès de vos équipes ?
Lors d’un séminaire, en octobre, nous avons évoqué la thématique LGBT avec nos managers. Je reviendrai, à nouveau, sur nos engagements en faveur de l’intégration des LGBT en mars prochain, à l’occasion d’une convention organisée avec tous les collaborateurs de QBE France. Cette information fait partie des engagements de la Charte L’Autre cercle.
Quels sont, d’après vous, les services à former prioritairement aux questions de discriminations liées aux LGBT ?
Les ressources humaines sont en première ligne. Selon le Défenseur des droits, 13 % des LGBT déclarés expliquent qu’on leur a déjà posé la question de leur orientation sexuelle lors d’un entretien d’embauche. C’est non seulement illégal, mais proprement scandaleux ! En outre, selon la même source, 20 % des LGBT estiment avoir été victimes de discrimination à l’embauche ou dans leur emploi au cours des 12 derniers mois. Il faut que les mentalités évoluent. Et cela passe avant tout par un travail de fond, auprès des managers et de leurs équipes, avec le support des RH.
Envisagez-vous la diversité comme un levier de performance ?
Ce n’est pas le but recherché, mais effectivement, la diversité peut clairement jouer sur la performance. C’est un facteur de bien-être comme un autre. Si les entreprises investissent autant sur la QVT et le bien-être au travail, ce n’est pas dans une finalité uniquement philanthropique ! Un salarié bien dans sa peau sera toujours plus productif qu’une personne qui occulte sa vie privée lorsqu’elle arrive le matin au bureau.
Quel impact cet engagement en faveur des LGBT peut-il avoir sur l’image de QBE ?
Je suis persuadé qu’une entreprise qui s’affiche clairement comme pro-LGBT a plus de chances d’attirer des talents qu’une autre plus discrète sur le sujet. Cela a un impact sur l’attractivité, mais aussi sur la rétention des talents. En outre, affirmer face à nos partenaires, qu’ils soient courtiers, clients, avocats ou experts, que nous accueillons toute forme de diversité y compris LGBT, contribue à donner de QBE une image ouverte et engagée.
Il y a plusieurs années, quand QBE s’est engagé pour la cause LGBT au niveau mondial, j’avais proposé de relayer ces actions en France. C’était prématuré, car la majorité de l’équipe de direction de QBE France estimait, alors, que ce sujet relevait de la vie privée. Depuis, les mentalités ont évolué et les managers et collaborateurs de QBE France sont, désormais, plus à l’écoute.
Votre prise de parole sur la cause LGBT a-t-elle eu un écho dans l’assurance ?
Non, pas pour l’instant. Aucune association dédiée à cette question n’existe à ma connaissance dans le marché français de l’assurance. Après avoir signé la Charte LGBT de L’Autre cercle, j’ai l’intention d’y contribuer, avec nos courtiers, d’autres assureurs, et nos organisations professionnelles.
Pourquoi l’assurance doit-elle, d’après vous, se mobiliser pour favoriser l’intégration des LGBT dans le monde du travail ?
Notre secteur peine toujours à attirer des talents. Il n’a pas forcément une image très séduisante auprès des jeunes candidats à l’emploi. Des investissements importants sont faits en matière de digital par les assureurs, ce qui renforce l’attractivité de nos métiers. Mais il faut aller plus loin, comme en matière de qualité de vie au travail (dont la Fédération française de l’assurance s’est saisie) ou de diversité.
Selon vous, y a-t-il encore des questions de diversité taboues dans l’entreprise ?
Parmi les sujets de diversité compliqués à aborder en interne, il y a celui de la religion. En France, les entreprises ont la possibilité d’intégrer le principe de neutralité politique et religieuse dans leur règlement intérieur. Autrement dit, les salariés n’ont pas le droit d’afficher leurs croyances religieuses, ni leurs opinions politiques dans le cadre de l’entreprise. Il y a donc une différence fondamentale entre, d’un côté, la diversité des genres, des origines ethniques ou de l’orientation sexuelle, que nous devons intégrer dans les meilleures conditions, et de l’autre côté, les diversités religieuse et politique, qui doivent s’arrêter aux portes de l’entreprise.
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