Gérard Bapt, président de la mission sur le Mediator : « La liberté de prescription doit être maintenue »

Le député PS Gérard Bapt se dit relativement satisfait de l'impact de la mission d'information parlementaire sur le Mediator. Il revient sur les problématiques soulevées par cette affaire. En particulier, elle a relancé le débat sur la responsabilité civile médicale.
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Gérard Bapt, président de la mission sur le Mediator : « La liberté de prescription doit être maintenue »

La mission d'information sur le Mediator a remis son rapport en juin. Que reste-t-il aujourd'hui de vos conclusions ?

L'idée de cette mission était de comprendre ce qu'il s'est passé dans l'affaire du Mediator, de détecter les dysfonctionnements à l'origine de ce scandale sanitaire et de faire des propositions pour que cela ne se reproduise plus. Certaines de nos conclusions concernant la transparence, le renforcement de la pharmacovigilance et l'organisation interne de l'Afssaps [NDLR : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé] ont été reprises dans le projet de loi du médicament. Je regrette que la possibilité pour les victimes d'agir via une association (action de groupe à la française) ait été refusée par le gouvernement. Il manque aussi un volet universitaire et de recherche.

Il semblerait que vous ayez eu des difficultés à obtenir des informations sur les mécanismes et l'étendue de la couverture d'assurance du laboratoire Servier. Pensez-vous que c'est un domaine où il faudrait davantage de transparence ?

Les assureurs que nous avons auditionnés ont joué le jeu. Certes, ils ne se sont pas attardés sur l'étendue de leur garantie et nous ne les avons pas non plus poussés à le faire. Il est délicat pour un assureur d'être totalement transparent sur l'étendue de sa garantie. Les laboratoires sont leurs clients, et il est normal qu'ils soient prudents.

Que pensez-vous du dispositif d'indemnisation des victimes mis en place par le gouvernement à l'issue de votre mission et géré par l'Office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux (Oniam) ?

Sa mise en place a pris un peu de retard, le collège d'experts n'ayant été nommé que le 18 novembre. Les victimes devraient être indemnisées plus rapidement qu'en passant devant un juge, où les expertises sont beaucoup plus longues. Après, tout dépend de la réaction du laboratoire mis en cause. Pour que cela aille vite, il faut qu'il accepte les conclusions et le barème des indemnisations fixé par le collège d'experts.

Que pensez-vous de la mise en cause des médecins dans cette procédure ?

Elle intervient toujours quand on s'engage sur la voie de la reconnaissance de responsabilité. En principe, les médecins ne risquent rien si leur prescription s'est effectuée dans les règles de l'art - par exemple dans le cadre de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) -, si le produit est défectueux, ou encore s'ils ont été trompés par les visiteurs médicaux.

Dans le cas du Mediator, les médecins sont impliqués, car la majorité des prescriptions ont été faites hors AMM. Néanmoins, si l'incrimination de tromperie est révélée par la justice, ils seront mis hors de cause.

Cette affaire ne montre-t-elle pas que la prescription hors AMM est problématique ?

La liberté de prescription doit être maintenue. Prescrire en dehors du cadre fixé par l'AMM est souvent utile (comme en cancérologie), et parfois obligatoire, notamment en pédiatrie, où aucune posologie n'est adaptée aux enfants. Il y a aussi de la prescription hors AMM dans les recommandations de la Haute Autorité de santé. Toutefois, il y a trop de latitude à l'heure actuelle. La loi prévoit seulement que le médecin peut prescrire hors AMM « avec le consentement éclairé du patient », et je doute fort que ce soit toujours le cas. Il faut davantage d'encadrement et surveiller de près les possibles dérapages.

Les assureurs RC médicale doivent donc être mis à contribution en cas de prescription hors AMM ?

Bien sûr. Dans la mesure où elle est acceptée par le patient et où le praticien peut présenter des documents scientifiques pour démontrer l'efficacité scientifique de sa prescription, il doit être couvert par son assureur. La question de la responsabilité personnelle du médecin peut se poser lorsqu'il sait qu'il risque d'exposer le patient à des complications. Tout dépend de sa spécialité, du moment de la prescription et de la situation personnelle du patient. Un endocrinologue est censé être davantage au courant des risques d'un coupe-faim qu'un généraliste.

Que pensez-vous du fonds de garantie RC instauré par l'article 60 du projet de loi de Finances 2012 voté le 14 novembre par les députés ?

Ce dispositif va être utile pour plafonner les cotisations des professions à hauts risques, mais le plancher de garantie de 8 M€ est beaucoup trop élevé. Il a été calculé sur un record d'indemnisation (7,6 M€) et il ne représente pas la réalité. La plupart des garanties tournent autour de 3 M€. Il va donc falloir modifier les contrats d'assurance pour atteindre ce niveau, les assureurs vont forcément augmenter les cotisations. Une couverture minimale entre 3 et 5 M€ serait largement suffisante.

Vous souhaitiez élargir la fourchette des cotisations au Fonds de garantie RC ? Pour certains, 15 €, c'est donc trop cher ?

C'était une question à la marge du dispositif, l'essentiel étant qu'il soit adopté. L'idée de notre amendement était de pouvoir davantage adapter la cotisation au niveau des revenus. L'écart de 15 à 25 € envisagé dans le texte me semble insuffisant pour moduler les cotisations en fonction des revenus, sachant la différence qu'il y a entre ceux d'une infirmière libérale et ceux d'un chirurgien. Nous allons demander qu'un bilan soit réalisé au bout de deux ans, afin d'envisager de faire sauter une année de cotisations si les fonds récoltés (entre 2 à 5 M€ par an) ne sont pas utilisés.

Le projet de loi sur le médicament renforce la pharmacovigilance et la prévention des conflits d'intérêts. Va-t-il assez loin ?

Je regrette que la prévention des liens d'intérêt ne soit pas confiée à un organisme unique chargé de rassembler tous les éléments et d'assurer la gestion des liens d'intérêt en relation avec l'organisme public qui déclenche les expertises. La création d'un haut comité avait été envisagée, mais le gouvernement l'a refusée pour des raisons de coût.

SON PARCOURS
  • 65 ans
  • Médecin cardiologue jusqu'en 1995
  • Député PS de Haute-Garonne
  • Membre de la commission des Finances, rapporteur spécial de la mission Santé, rapporteur du projet de loi de Finances 2012
  • Président de la mission d'information sur le Mediator (mai 2011)
  • Membre de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé
  • Membre de la mission d'information sur la Problématique de l'assurance maladie

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