Interview de David Dorn, directeur du marché santé, prévoyance et dépendance individuelles d’Axa France« Nos hausses 2012 devraient rester inférieures à la moyenne du marché »
Malgré un écart de fiscalité réduit depuis la hausse de la TSCA, David Dorn ne croit pas au développement des contrats de complémentaire santé non responsables, voire non solidaires. Il souligne les risques liés à la surenchère à l'acquisition dans un marché hyperconcurrentiel et parie sur l'essor des services pour maintenir les équilibres techniques.
PROPOS RECUEILLIS PAR LAURE VIEL
Les hausses tarifaires sont la grande préoccupation actuelle en complémentaire santé. Qu'en est-il chez Axa France ?
Notre politique tarifaire n'est pas complètement arrêtée, car nous appliquons nos majorations en avril. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : la hausse de la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA), l'effet âge qui correspond à 2 points pour la moyenne du marché, et la progression des dépenses de santé. Si le gouvernement annonce une progression modérée avec un Ondam* à 2,5 % pour 2012, tous les assureurs ont enregistré, en 2011, une dérive des dépenses supérieure à 6 % , particulièrement marquée sur l'hospitalisation avec une hausse à deux chiffres. Face à cette dérive, nous devrons jouer notre rôle en pratiquant de la gestion du risque. Nous pouvons, par exemple, offrir un service à nos assurés avec l'analyse des devis, pour les faire baisser lorsqu'ils sont excessifs.
Ne serez vous pas obligé de modérer vos hausses, car Axa est réputé cher et votre réseau dit l'avoir ressenti ?
À la différence de certains opérateurs, nous ne nous sommes pas engagés dans une surenchère à l'acquisition. Nous avons donc un portefeuille de bonne qualité et nous n'avons pas besoin de pratiquer un redressement, une année technique comme disent certains. Nos hausses devraient donc rester inférieures à la moyenne du marché. Mais 2012 sera une année difficile pour ceux qui sont allés dans la surenchère à l'acquisition : certains opérateurs appliquent des majorations de 10 à 20 % selon les formules.
Quels comportements observez-vous chez les assurés ? Y a-t-il des phénomènes de désassurance ou de réduction de garanties ?
La désassurance existe, mais elle n'est pas sensible en termes chiffrés. Il y a aussi des assurés qui passent en contrats aidés, au titre de l'aide à la complémentaire santé (ACS) ou de la CMU complémentaire, mais cela reste limité. Par contre, il y a une réorientation vers les formules d'entrée de gamme, de type ticket modérateur plus ou moins bonifié. Ces dernières représentent 40 % de nos ventes aujourd'hui, soit 10 points de plus qu'il y a deux ans. C'est une tendance générale sur le marché. Le comportement des assurés change : avant, ils cherchaient un niveau de garantie et s'accommodaient du prix ; aujourd'hui, ils se sont fixé un budget et prennent l'offre correspondante.
Cela va-t-il vous inciter à modifier votre offre, d'autant que l'écart de fiscalité entre les contrats solidaires et responsables et les autres est réduit à 2 points ?
Je ne vois pas de révolution due au change-ment de fiscalité. Aujourd'hui, les contrats solidaires et responsables représentent 85 à 90 % de notre portefeuille, le solde étant constitué des contrats hospitalisation, qui répondent à un besoin spécifique. Introduire de la sélection médicale ne s'inscrit pas dans notre stratégie. Nous ne sommes pas convaincus de l'intérêt de tels contrats, qui seraient de plus compliqués à mettre en oeuvre avec les volumes que nous avons en santé. Cela n'irait pas non plus dans le bon sens en termes d'acceptation client.
Si des acteurs plus agressifs commercialement ouvraient la brèche, ne seriez-vous pas obligé de suivre ?
Peut-être que des contrats non responsables vont apparaître sur le marché. Mais il faut toujours respecter un équilibre technique. Un acteur peut toujours sortir un contrat non solidaire, ou se positionner avec un prix extrêmement agressif, mais je ne suis pas certain qu'il se constituera un bon portefeuille d'assurés. Nous sommes aussi un important réassureur en santé, et nous voyons passer des dossiers avec des ratios combinés non soutenables dans la durée. Pour nous, l'enjeu est plutôt de trouver l'équilibre entre acquisition des assurés et fidélisation. Nous réfléchissons à de nouveaux bonus ou à des garanties augmentant avec le temps. Il y a aussi un travail de pédagogie à mener. Il faut expliquer à l'assuré que sa complémentaire sert d'abord à le couvrir en cas de coup dur, qu'il ne peut pas reporter une intervention chirurgicale, alors qu'il n'est pas indispensable de changer de monture de lunettes chaque année.
À moyen ou long terme, anticipez-vous des bouleversements en assurance santé, par exemple grâce à de nouveaux champs comme la télémédecine ou la médecine prédictive ?
Nous avons créé, au niveau d'Axa France, une instance de gouvernance spécifique, rassemblant santé collective et individuelle, dédiée aux sujets prospectifs et chargée de réfléchir à un horizon de quatre ou cinq ans. Mais nous ne travaillons pas sur des sujets comme la médecine prédictive, car il s'agit de très long terme, et nous sommes aussi attentifs à ne pas tomber dans la sélection médicale. Il faut conserver un principe de mutualisation en assurance santé. Par contre, nous sommes convaincus qu'il est possible d'aller beaucoup plus loin en matière de services. Nous avons été parmi les premiers à mettre en place des aides au retour d'hospitalisation et à la préhospitalisation. Nous proposons aussi du téléconseil médical. Il faut poursuivre dans ces directions, et en matière de réseaux. Ces domaines pourraient être étendus à d'autres spécialités que l'optique, le dentaire et l'audioprothèse. Par ailleurs, il faudra se pencher sur la problématique des affections de longue durée (ALD). Une partie passera peut-être dans le champ des complémentaires, par instauration d'un ticket modérateur ou parce qu'elles sortiront de la liste. C'est un mouvement que l'on voit émerger, par exemple sur l'hypertension artérielle.
Objectif d'évolution des dépenses de santé voté chaque année par le Parlement à l'occasion de la loi de financement de la Sécurité sociale
" IL Y A UNE RÉORIENTATION VERS LES FORMULES D'ENTRÉE DE GAMME, DE TYPE TICKET MODÉRATEUR PLUS OU MOINS BONIFIÉ. "
" IL FAUDRA SE PENCHER SUR LA PROBLÉMATIQUE DES AFFECTIONS DE LONGUE DURÉE. UNE PARTIE PASSERA PEUT-ÊTRE DANS LE CHAMP DES COMPLÉMENTAIRES. "
SON PARCOURSDiplômé de l'École centrale de Lyon et de l'Insead, David Dorn, 42 ans; a commencé sa carrière dans le conseil et les nouvelles technologies.
- 1995-1998 Consultant puis chef de projet spécialisé dans le secteur financier au cabinet Bossard Consultants.
- 1999 Chargé de mission marketing chez l'éditeur de logiciels Business Objects.
- 2000-2001 Membre de la direction de la web-agency Grey Interactive.
- 2001-2008 Consultant puis Associate Principal chez McKinsey et Co, spécialisé dans les questions financières et l'assurance.
- 2009-2010 Directeur de la stratégie d'Axa France.
- 2011 Directeur du marché santé, prévoyance et dépendance individuelles d'Axa France, dont il est aussi membre du comité de direction générale.
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