Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants : « L'assurance vie n'est pas sur le déclin, mais en voie de stabilisation »

Le secrétaire général du Cercle des épargnants, centre de réflexion et d'études sur l'épargne retraite lié à Generali, rejoint les conclusions du rapport de la Cour des comptes sur l'épargne retraite. Cet économiste de renom se veut rassurant sur l'impact de la crise sur les assureurs et sur la baisse de la collecte de l'assurance vie.

Partager
Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants : « L'assurance vie n'est pas sur le déclin, mais en voie de stabilisation »

Le projet de loi de finances pour 2012 n'intègre pas de nouvelles taxes sur l'assurance vie. Est-ce une surprise ?

Avec l'augmentation des prélèvements sociaux de 12,3 à 13,5% qui interviendra au 1er janvier 2012, les titulaires d'assurance vie sont déjà mis à contribution. Aller au-delà aurait été dangereux pour un produit qui est le principal vecteur de l'épargne longue en France. Or, nous ne pourrons sortir de la crise qu'en améliorant l'offre, et cela passe par l'innovation et l'investissement. Pour atteindre cet objectif, il faut plus d'épargne longue notamment investie en actions. Le non-alourdissement de la fiscalité sur l'assurance vie constitue une bonne nouvelle, mais il faudra rester vigilant durant la discussion parlementaire, où un risque de surenchère en la matière n'est pas impossible.

Que pensez-vous du rapport de la Cour des comptes qui dénonce les niches fiscales de l'épargne retraite ?

Je suis assez d'accord avec les remarques de la Cour des comptes qui, il faut le souligner, se penchait pour la première fois sur l'épargne retraite. Le système en France est trop complexe, trop inégalitaire, et englobe un trop grand nombre de produits. Je suis favorable à une simplification et à une harmonisation des dispositifs, notamment individuels. Il n'est pas normal que Préfon, la Retraite « Madelin » et le Perp ne disposent pas de la même fiscalité et de la même réglementation. Ainsi, le cantonnement des actifs du Perp et le taux garanti nul désavantagent ce produit. D'ailleurs, aucun assureur ne gagne aujourd'hui d'argent avec le Perp. D'un produit « tête de gondole », il est vite devenu un centre de coûts pour les compagnies d'assurance. Par ailleurs, ce ne sont pas les 2 Md€ de « niches fiscales » de l'épargne retraite pointées par la Cour des comptes qui vont régler le déficit du pays.

La crise actuelle des dettes souveraines va-t-elle finir par avoir un impact sur les assureurs, à l'image des banques ?

Il ne faut pas mettre dans le même panier les banques et les assureurs. Ils ne pratiquent pas le même métier, ils ne possèdent pas le même portefeuille d'actifs et ils ne sont pas soumis aux mêmes ratios prudentiels. Il faut rappeler que Solvabilité 2 qui entrera en vigueur en 2013 exigera un effort en fonds propres, ce qui renforcera la solidité des assureurs européens.

Des analystes financiers parlent d'une dégradation générale à venir de la note de solvabilité des assureurs, comme récemment avec Groupama ?

C'est de l'intox. Encore une fois, les sociétés d'assurances ne sont pas du tout dans la même situation que les banques. Elles sont moins tributaires du financement interbancaire et moins exposées aux risques de court terme. La nature de leurs fonds propres les protège mieux des aléas des marchés. Quant à Groupama, Standard et Poor's et Fitch ont surtout sanctionné sa gestion, notamment ses achats massifs et coûteux à l'étranger.

Reste que les cours des actions des assureurs sont en forte baisse. Faut-il craindre des OPA ?

Je ne le crois pas... faute d'acheteurs potentiels. Pour mettre la main sur Axa ou sur Scor (avec la CDC dans son capital, CNP est intouchable), il faut avoir les reins solides. En Europe, seuls Allianz, Generali et Aviva auraient les moyens d'une telle opération, mais l'époque ne plaide guère pour des aventures capitalistiques.

Qu'en est-il des assureurs étrangers, notamment issus des pays émergents, comme Ping Ann ou China Life ?

L'assurance demeure un métier très national. D'ailleurs, il n'existe pas de produit européen d'assurance. Chaque marché présente des spécificités. On le voit avec les grandes compagnies d'assurances américaines et japonaises, en définitive peu présentes sur le Vieux Continent. Même le groupe britannique Aviva, lorsqu'il a voulu s'installer en France, a dû passer par des acquisitions. De toute manière, les assureurs des pays émergents sont encore jeunes. Il leur faut d'abord maîtriser ce métier très technique avant de se lancer à l'international. Qui plus est, ils ont beaucoup à faire chez eux, la population de ces pays étant très peu assurée.

La collecte de l'assurance vie a encore baissé en août. Ce mouvement marque-t-il le déclin de ce produit ?

Je ne crois pas. Je pense surtout que nous assistons à un retour à la réalité de l'épargne en France. Le formidable essor de l'assurance vie depuis la fin des années 80 était allé trop loin. Il n'était pas normal que sur les 200 Md€ de flux financiers des particuliers, plus de 75% soient captés par ce produit. Aujourd'hui, les transferts du PEL vers l'assurance vie touchent à leur fin, et quand les Français perçoivent une grosse somme d'argent, ils préfèrent la placer dans l'immobilier qui constitue, a fortiori en période de crise, une valeur refuge. Ceci dit, compte tenu du ticket d'entrée et du rendement de l'immobilier, entre 1 à 2%, ce n'est pas obligatoirement la meilleure idée.

Quid du livret A ?

Certains attribuent la baisse de la collecte de l'assurance vie par la hausse de la collecte du livret A. C'est ridicule. L'encours du Livret A atteint 200 Md€, tandis que celui de l'assurance vie dépasse les 1 300 Md€. Les volumes ne sont pas comparables ! C'est pourquoi, je ne pense pas que nous assistons à un déclin de l'assurance vie, plutôt à une stabilisation.

Les rendements de l'assurance vie baissent, le Livret A est plafonné, la Bourse est en chute, l'immobilier montre des signes d'essoufflement. Où placer son argent aujourd'hui ?

Je conseillerais aux épargnants d'investir... en Bourse. Les prix des actions sont peu élevés et la majorité des grandes entreprises françaises restent en bonne santé. Elles versent des dividendes. Les épargnants se focalisent trop sur le cours des actions et oublient les dividendes qui peuvent, à terme, rapporter autant qu'une assurance vie.

Quelles sont les pistes pour redynamiser l'assurance vie ?

Les assureurs ont déjà introduit quelques innovations, comme les variable annuities ou les fonds structurés. Pour ma part, je pense que l'assurance vie doit davantage accompagner l'épargnant au cours des différentes périodes de sa vie. Il faut retrouver le chemin de la simplicité et éviter les produits qui ne sont pas compris par les clients et les commerciaux. Il faut aussi imaginer des produits avec des bouquets de services. Les contrats pourraient comprendre une « poche » dédiée à la complémentaire santé, à la retraite ou à la dépendance. Surtout, je crois à la sortie des contrats en prestations. Avec le vieillissement de la population, les Français vont de plus en plus avoir besoin d'être aidés. Les assureurs vont devoir se transformer en prestataires de services.

SON PARCOURS

Diplômé de Sciences Po et d'un DEA d'économie publique à Paris-Dauphine, Philippe Crevel a démarré sa carrière comme chargé de mission au cabinet du Premier ministre, Jacques Chirac, puis au service de presse du ministère des Affaires étrangères. Il a travaillé à la CFE-CGC, a été conseiller auprès des présidents du groupe UDF à l'Assemblée nationale, puis secrétaire général du groupe Démocratie libérale.

  • 2002-2003 Consultant auprès de la Fondation Konrad Adenaeur.
  • 2002-2003 Conseiller auprès du président de la Caisse des dépôts, Philippe Auberger.
  • 2003-2004 Conseiller auprès du ministre de la Santé, Jean-François Mattei.
  • 2004-2011 Secrétaire général du Cercle des épargnants et conseiller auprès de la direction générale de Generali France.

Base des organismes d'assurance

Abonnés

Retrouvez les informations complètes, les risques couverts et les dirigeants de plus de 850 organismes d’assurance

Je consulte la base

Sujets associés

NEWSLETTER La matinale

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

LES ÉVÉNEMENTS L’ARGUS DE L’ASSURANCE

Tous les événements

Les formations L’ARGUS DE L’ASSURANCE

Toutes les formations

LE CARNET DES DECIDEURS

Anne Charon Everest 2022

Anne Charon Everest 2022

Everest Insurance

directrice générale France

Marie-Eve Saint-Cierge Lovy, Apicil 2023

Marie-Eve Saint-Cierge Lovy, Apicil 2023

Apicil

Directrice de la relation client groupe

Julien Remy, MIP 2021

Julien Remy, MIP 2021

Mutuelle de l’Industrie du Pétrole

Directeur général adjoint

LES SERVICES DE L’ARGUS DE L’ASSURANCE

Trouvez les entreprises qui recrutent des talents

HAYS

Coordinateur financement de stock H/F

HAYS - 22/03/2023 - CDI - Beauvais

+ 550 offres d’emploi

Tout voir
Proposé par

Accédez à tous les appels d’offres et détectez vos opportunités d’affaires

92 - EMMAUS HABITAT

Souscription et gestion de divers services d'assurances

DATE DE REPONSE 21/04/2023

+ de 10.000 avis par jour

Tout voir
Proposé par

ARTICLES LES PLUS LUS