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Bernard Delas : « L'ACPR attend des assureurs et des distributeurs qu'ils revisitent leurs pratiques commerciales »

Un an après l’entrée en vigueur de la DDA, qui a bousculé les pratiques commerciales, Bernard Delas, vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), mesure le chemin parcouru et dresse les axes de progrès pour tenir l’objectif d’une meilleure protection du consommateur.

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Bernard Delas : « L'ACPR attend des assureurs et des distributeurs qu'ils revisitent leurs pratiques commerciales »
Bernard Delas, vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

L’Argus de l’assurance : Le règlement Priip’s est applicable depuis le 1er janvier 2018. Pour autant, une révision du texte est déjà évoquée. Quelles sont les difficultés rencontrées lors de sa mise en œuvre ?

Bernard Delas : Le champ d’application du règlement Priip’s est très vaste. Tous les produits financiers sont concernés, qu’ils soient proposés par des gestionnaires d’actifs ou par des assureurs vie. L’ambition est de fournir à l’épargnant une information claire et transparente, qui lui permette, sur le marché européen comme au niveau de chacun des marchés nationaux, de comparer les offres entre elles. Dans sa forme actuelle, le KID (NDLR : key information document ou DIC, document d’information clé) ne tient pas sa promesse. Il est vrai que c’était une gageure, à partir d’un document unique de quatre pages, de rendre comparables les performances de produits très différents. La gestion d’actifs et l’assurance vie répondent à des objectifs d’investissement que l’on ne peut pas mettre sur le même plan. Par ailleurs, d’un pays à l’autre, les cultures nationales restent très fortes et conditionnent les caractéristiques des produits offerts. C’est pourquoi nous souhaitons que le règlement délégué soit révisé. Il est en effet essentiel que l’information apportée par le KID au consommateur européen soit compréhensible et pertinente.

En assurance non-vie, l’Ipid, le document d’information standardisé, est le pendant du KID (ou DIC). Des problématiques sont-elles également identifiées ?

L’Ipid est un document d’information standardisé qui poursuit le même objectif que le KID du règlement Priip’s : fournir au consommateur une information aussi claire et transparente que possible et permettre la comparaison des produits d’assurance non-vie entre eux. Contrairement au KID, l’Ipid laisse une plus grande liberté aux marchés nationaux et aux assureurs pour trouver le langage qui convient le mieux à la spécificité des produits. La mise en œuvre en est facilitée et il y a moins de difficultés qu’avec le KID.

Presque un an après l’entrée en vigueur de la DDA, les Ipid remis au client final répondent-ils aux exigences réglementaires ?

Il y a encore des axes de progrès. Les assureurs doivent s’adapter à cette nouvelle réglementation. Il est normal qu’une phase de rodage soit nécessaire. Au-delà du respect de l’exigence formelle, nous veillons à ce que le marché comprenne que l’essentiel est de privilégier ce qui est utile pour répondre au besoin du client et garantir son accès à une information claire et compréhensible. Je suis persuadé qu’avec l’expérience et sous l’effet de la concurrence, la qualité de l’information qui lui est apportée grâce à la généralisation de l’Ipid s’améliorera. Ce sera une véritable avancée pour la protection du consommateur.

La DDA met également l’accent sur la transparence des rémunérations et la prévention des conflits d’intérêts. Certains schémas ou modes de rémunération sont-ils à proscrire ?

Avec la DDA, nous souhaitons élever les standards du marché en matière de protection des consommateurs. Nous attendons des assureurs et de leurs distributeurs qu’ils revisitent leurs pratiques commerciales et se posent la question de savoir si elles prennent assez en compte l’intérêt du client. Les principes à respecter figurent dans le texte. Les opérateurs doivent les mettre en œuvre et faire évoluer, quand c’est nécessaire, leurs modes de distribution. Dans ce nouvel environnement ils doivent, bien sûr, intégrer et respecter les exigences de la directive, mais aussi s’adapter à l’évolution du paysage concurrentiel. Les avantages compétitifs que le marché avait l’habitude de mettre en avant vont évoluer. Demain, ils se mesureront également en termes de qualité des pratiques commerciales du vendeur.

Et qu’en est-il du précompte, en particulier en prévoyance ?

Là encore, les principes sont clairs. Les systèmes d’intéressement et de commissionnement ne doivent pas inciter à vendre un produit en particulier.

Assureurs et distributeurs semblent-ils volontaristes dans leur démarche pour s’élever au niveau de ces fameux standards ?

Oui bien sûr. D'abord parce que c’est une exigence du superviseur qu’il faut naturellement respecter, mais aussi parce que, dans des marchés qui sont très concurrentiels, le meilleur atout commercial, c’est de privilégier l’intérêt du client. L’amélioration des standards du marché en matière de protection des consommateurs passe par une évolution des priorités que les assureurs et leurs distributeurs fixent à leurs vendeurs. Cette évolution se fait étape par étape sur les différents axes de progrès identifiés dans la directive : formation, rémunération des forces commerciales, information des clients, devoir de conseil… Une fois la mutation achevée, la concurrence se déplacera sur le terrain de la qualité des produits et des services et de l’aptitude des vendeurs à conseiller utilement leurs clients.

En l’état, la pratique des challenges commerciaux n’est plus vraiment compatible avec la DDA. Dès lors, comment intéresser les équipes commerciales ?

Les modèles d’activités ne se modifieront pas tous du jour au lendemain. Ce qui est important c’est d’engager les processus de transformation et de se donner des objectifs suffisamment ambitieux. Pour certains acteurs, la phase de transition d’un modèle de distribution à un autre est effectivement délicate. Mais c’est une mutation qui se fait dans l’intérêt du consommateur et qui valorise le rôle des vendeurs. Ils sont responsables de la qualité du conseil donné au client et, de ce fait, au cœur du dispositif de protection des consommateurs.

Les robo-advisors sont-ils DDA-compatibles ?

DDA est une directive qui responsabilise les acteurs. Il leur appartient de veiller à ce que leurs pratiques respectent les principes de la directive et de déterminer, dans leurs processus de vente, la place qui peut revenir à des robo-advisors. Je ne pense pas qu’elle puisse être centrale. La vente d’un produit d’assurance obéit à des mécanismes complexes qui reposent le plus souvent sur la confiance qu’inspire une société d’assurance ou son distributeur. Le robo-advisor peut constituer une aide précieuse pour le vendeur, mais je ne suis pas certain qu’il puisse aller jusqu’à le remplacer, sauf s’il s’agit de vendre des produits simples présentant des engagements limités.

“ Les systèmes d’intéressement et de commissionnement ne doivent pas inciter à la vente d’un produit en particulier. ”

Après certaines sanctions de l’ACPR, la vente à distance de contrats d’assurance semble être dans le viseur du régulateur. Les plateformes sont-elles menacées ?

Elles ne sont pas menacées. Les canaux de distribution traditionnellement utilisés par les assureurs sont très divers. Le recours à des plateformes téléphoniques est l’un d’entre eux, au même titre que la vente par Internet ou la vente intermédiée. Ce que nous visons, lorsque nous sommes amenés à les constater, ce sont les dérives de certains de ces modes de distribution. À cet égard, nous suivons avec attention le modèle d’affaires de certains courtiers qui ciblent au téléphone une clientèle vulnérable et utilisent des techniques de vente agressives. Ce sont des situations où il est très important que les exigences de la réglementation relatives au devoir de conseil et aux conditions dans lesquelles le consentement du client est recueilli soient strictement respectées. Nous y sommes particulièrement attentifs.

Quels autres modèles de distribution font également l’objet d’une attention particulière du régulateur ?

On peut citer les chaînes de distribution faisant intervenir plusieurs intermédiaires entre l’assureur et le client. Nous examinons le rôle et la valeur ajoutée des différents maillons de la chaîne, ainsi que le niveau du ratio sinistres à primes du produit proposé. Ces indicateurs, parmi d’autres, permettent de mesurer la réalité des services rendus au client. Là encore, c’est son intérêt qui doit primer. À la différence de la directive sur l’intermédiation en assurance (DIA) qu’elle remplace, la DDA place le client – et non plus l’intermédiaire – au cœur du dispositif. Le produit d’assurance doit être conçu pour répondre à ses seules exigences et besoins.

Dans ces chaînes longues, le modèle des grossistes est-il scruté d’un peu plus près ?

Les courtiers grossistes jouent un rôle essentiel dans l’animation et la formation des réseaux de courtiers de proximité. Ils diffusent auprès d’eux de bonnes pratiques commerciales et mettent à leur disposition les outils dont ils ont besoin pour conseiller utilement le client. Une fois de plus, ce qui retient notre attention, ce n’est pas le modèle du courtier grossiste, mais certaines de ses dérives. Lorsque nous constatons de mauvaises pratiques dans une chaîne de distribution, nous nous intéressons au rôle joué par chacun des intervenants. Le courtier de proximité, bien sûr, puisqu’il est en relation directe avec le client, mais aussi le courtier grossiste et l’assureur, qui sont souvent coconcepteurs du produit.

“ Nous suivons avec attention le modèle d’affaires de certains courtiers qui ciblent au téléphone une clientèle vulnérable et utilisent des techniques de vente agressives. ”

Les pratiques tarifaires agressives observées par certains acteurs en LPS ne se font pas non plus toujours dans l’intérêt du consommateur…

L’une des nombreuses leçons à tirer des défaillances d’assureurs construction travaillant en LPS sur le marché français porte sur le devoir de conseil. Il occupe une place centrale dans la directive DDA. Agir dans l’intérêt du client, c’est bien sûr lui conseiller un produit compétitif. Mais de bonnes garanties et un bon tarif ne sont pas les seuls critères à prendre en compte. Le vendeur doit aussi s’assurer que le risque sera placé auprès d’un assureur dont la solidité financière et le professionnalisme sont reconnus, et qui comprenne les risques associés aux produits vendus.

En construction, justement, peut-on dire que la crise est aujourd’hui contenue ?

Les nombreuses mesures que nous avons prises, tant au niveau national qu’européen, devraient, je l’espère, avoir pour effet de limiter le risque d’avoir à faire face à une nouvelle série de défaillances de sociétés d’assurance opérant en LPS sur le marché français. Cela ne veut pas dire pour autant que, pour les assurés français, la crise soit derrière nous. En RC décennale, une grande partie des sinistres n’est pas encore déclarée, et nous ne savons pas encore déterminer quelle proportion d’entre eux pourrait ne pas être réglée.

La réforme des ESAs (les autorités de supervision européenne, dont l’Eiopa) n’est-elle pas l’occasion de renforcer le système de supervision au niveau européen ?

En matière de supervision des assureurs, les dispositions applicables sont définies par l’Eiopa et mises en œuvre par chacune des 28 autorités nationales. Il est essentiel que ces différentes autorités travaillent plus efficacement ensemble. C’est particulièrement vrai en LPS, où un dialogue confiant entre le superviseur du pays d’origine et celui du pays d’accueil est nécessaire. Sous l’égide de l’Eiopa, des progrès significatifs ont été réalisés au cours de ces derniers mois, et la coopération au sein du système européen de supervision s’est beaucoup renforcée.

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