Apport mineur pour le droit de la consommation ?

Sans bouleverser le droit de la consommation, la loi du 6 août 2015 apporte de nouvelles précisions qui tendent, une nouvelle fois, à protéger le consommateur. La DGCCRF et les associations en sortent grandis.

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La loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (L. n° 2015-990), dite « loi Macron » contient plusieurs dispositions visant la relation professionnel-consommateur. Cependant, comparée à la loi dite « Hamon » promulguée le 17 mars 2014, qui a apporté des modifications majeures dans le domaine du droit de la consommation (cf. le Renouveau du droit de la consommation, Jurisprudence automobile n° 862-mai 2014, Dossier), les apports de ce nouveau texte sont plus modestes.

Certaines dispositions méritent toutefois de s’y intéresser, car elles renforcent soit les pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mais surtout des associations de consommateurs agréées, soit certains droits et obligations des professionnels, notamment dans l’automobile.

Associations de consommateurs et DGCCRF plus fortes

Soucieux de renforcer le rôle de la DGCCRF et des associations de consommateurs agréées, le législateur a étendu leur droit d’agir en suppression des clauses abusives ou illicites mais aussi, plus généralement, le droit des associations de consommateurs agréées d’agir en justice.

Soucieux de renforcer le rôle de la DGCCRF et des associations de consommateurs agréées, le législateur a étendu leur droit d’agir en suppression des clauses abusives ou illicites mais aussi, plus généralement, le droit d’agir en justice des associations de consommateurs agréées.

Depuis le 8 août 2015, l’action des associations de consommateurs agréées ou de la DGCCRF peut être intentée en vue de la suppression de clauses abusives contenues dans des contrats qui ne sont plus en vigueur.

Préventif ou curatif : suppression des clauses abusives ou illi­cites. Le code de la consommation permet aux associations de consommateurs agréées, ainsi qu’à la DGCCRF, d’agir en suppression des clauses abusives (C. consom., art. L. 141-1, L. 421-2 et L. 421-6). Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont réputées comme telles « les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » (C. onsom., art. L. 132-1).

L’action des associations de consommateurs agréées ou de la DGCCRF peut être intentée en vue de la suppression de ces clauses contenues dans un contrat individualisé, mais également dans un contrat d’adhésion, c’est-à-dire un contrat dont les termes sont imposés par le professionnel au consommateur. Pareille hypothèse est en pratique la plus fréquente. C’est le cas de tous les contrats de vente de véhicules automobiles, de pièces ou accessoires ou de location de véhicules qui sont des contrats types renvoyant à des conditions générales de vente.

Depuis l’adoption de la loi Hamon du 17 mars 2014, le juge a l’obligation d’écarter d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause abusive dans un litige opposant un consommateur à un professionnel. Ceci, même si le consommateur ne soulève pas ce caractère abusif dans le cadre du litige qui l’oppose au professionnel. En outre, la loi Hamon a élargi aux « contrats identiques conclus par le même professionnel », le périmètre de l’action en suppression des clauses illicites ou abusives reconnue aux associations de consommateurs agréées et à la DGCCRF. Une décision de justice relevant la présence de clauses abusives ou illicites dans un contrat de consommation et déclarant celles-ci réputées non écrites peut donc être étendue à tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs.

En pratique, afin d’échapper aux poursuites, certains professionnels poursuivis modifiaient les clauses litigieuses en cours d’instance. Selon la jurisprudence, l’action en suppression des clauses illicites ou abusives ne revêtait en effet qu’un caractère préventif et ne pouvait donc pas être engagée pour des contrats ayant toujours cours mais qui n’étaient plus proposés au consommateur.

L’article 40 de la loi Macron remet en cause cette jurisprudence. Depuis le 8 août 2015, l’action des associations de consommateurs agréées ou de la DGCCRF peut être intentée en vue de la suppression de clauses abusives contenues dans des contrats qui ne sont plus en vigueur. L’action revêt donc dorénavant également un aspect curatif.

Élargissement de l’action des asso­ciations de consommateurs agréées. Le code de la consommation ouvre aux associations de consommateurs agréées le droit d’agir en justice dans l’intérêt collectif des consommateurs. Cette action peut revêtir trois formes. À savoir : l’action civile, lorsqu’une infraction pénale a été commise (C. consom., art. L. 421-1 à L. 421-5), l’action en cessation d’agissements illicites, telle la suppression d’une clause illicite ou abusive, qui a pour objet de prévenir ou d’éradiquer tout comportement nuisible aux consommateurs (C. consom., art. L. 421-6) ou encore l’intervention en justice. Cette dernière, associée à une action individuelle en réparation de préjudice (C. consom., art. L. 421-7), tend à obtenir la cessation des agissements nuisibles aux consommateurs et la réparation du préjudice causé à leur intérêt collectif.

Dans cette troisième hypothèse, l’action en justice ne pouvait être introduite conjointement par un consommateur et une association agréée de consommateurs. En d’autres termes, une association de consommateurs ne pouvait être à l’origine d’une action mais pouvait s’y joindre une fois l’action engagée par le consommateur. Si pendant longtemps, les juges du fond ont toléré la pratique d’une assignation conjointe d’une association de consommateurs et d’un particulier, la première chambre civile de la Cour de cassation avait condamné, dans un arrêt du 21 février 2006, cette pratique et rappelé avec force le principe : « Il résulte que si les associations agréées de consommateurs peuvent intervenir à l’instance introduite sur la demande initiale en réparation du préjudice subi par un ou plusieurs consommateurs, en raison de faits non constitutifs d’une infraction pénale, à l’effet notamment d’obtenir réparation du préjudice causé à l’intérêt collectif des consommateurs, en revanche elles ne peuvent, à cette fin, introduire l’instance » (Civ. 1re, 21 février 2006, n° 04-10879, Bull. n° 95). Cette règle freinait parfois certains consommateurs qui concevaient d’intenter une action contre un professionnel en même temps qu’une association mais n’osaient pas l’intenter seuls, même avec la perspective d’une intervention ultérieure de cette dernière. C’est pourquoi, les associations agréées de consommateurs demandaient la modification de la législation sur ce point afin de leur permettre d’engager une action conjointe avec un consommateur.

L’article 41 de la loi Macron répond favorablement à cette demande. L’ar­ticle L. 421-7 modifié du code de la consommation prévoit en effet dorénavant que l’association pourra agir conjointement ou intervenir pour obtenir réparation de tout fait portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs et demander, le cas échéant, la cessation de pratiques et/ou la suppression de clauses illicites ou abusives. L’assignation conjointe reconnue par la loi Macron devrait donc faciliter l’action en justice de certains consommateurs jusqu’à présent réticents.

Soulignons toutefois que l’association de consommateur agréée ne peut engager seule l’action. Elle devra soit l’introduire conjointement avec un consommateur souhaitant voir réparer son préjudice, soit, comme par le passé, intervenir dans une procédure en cours.

Renforcement des droits et obligations du professionnel

La loi Macron ne s’est pas contentée de renforcer les pouvoirs de la DGCCRF et des associations de consommateurs agréées. Elle a également renforcé les droits et obligations des professionnels. D’une part, en consacrant la possibilité offerte à titre expérimental par la loi Hamon de pratiquer un double affichage des prix ; d’autre part, en mettant à la charge des plates-formes en ligne une nouvelle obligation d’information contractuelle.

Obligations d’information des plates-formes en ligne. Outre le renforcement des informations relatives aux garanties légales de conformité et des vices cachés (cf. Une loi sur la consommation automobile ? Charles Aronica et Laurent Ostojski, Jurisprudence automobile n° 862 – mai 2014), la loi Hamon avait également renforcé l’obligation générale précontractuelle d’information du consommateur pesant sur les professionnels.

Selon les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel doit lui communiquer, de manière lisible et compréhensible, certaines informations. Sont notamment concernés les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix, la date ou le délai de livraison, l’identité du professionnel, mais également les informations relatives aux garanties et aux autres conditions contractuelles ainsi que la période de disponibilité des pièces détachées pour les biens mis pour la première fois sur le marché depuis le 1er mars 2015.

S’agissant des contrats conclus à dis­tance et hors établissement, d’autres informations précontractuelles supplémentaires sont exigées, et notamment celles concernant l’identité du professionnel et ses coordonnées ; les moyens de paiement acceptés au plus tard au début de la commande ; l’existence d’un droit de rétractation (conditions, délai et modalités d’exercice du droit de rétractation, formulaire type de rétractation) ; les frais de renvoi du bien en cas d’exercice du droit de rétractation ; les informations sur les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations.

L’article 134 de la loi Macron poursuit cet objectif de transparence et met à la charge des plates-formes en ligne une nouvelle obligation. « Toute personne dont l’activité consiste à mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service est tenue de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne. »

Lorsque seuls des consommateurs ou des non-professionnels sont mis en relation, la plate-forme en ligne est également tenue de fournir une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale.

Lorsque des professionnels, vendeurs ou prestataires de services sont mis en relation avec des consommateurs, d’autres contraintes sont prévues. La plate-forme doit mettre à leur disposition un espace leur permettant de communiquer aux consommateurs les informations prévues à l’article L. 121-17 du code de la consommation, à savoir :

  • les informations relevant de l’obligation générale précontractuelle d’information du consommateur ;
  • lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation ;
  • le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
  • l’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ;
  • lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
  • les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles.

Un décret devra toutefois préciser le contenu des informations ainsi que les modalités de communication. À cette fin, le Conseil national de la consommation (CNC) a été saisi en vue de rendre un avis.

Consécration du double affichage du prix. La loi Hamon avait prévu, à titre expérimental du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, la possibilité pour les vendeurs professionnels de pratiquer l’affichage d’un double prix pour un même bien : un prix de vente et un prix d’usage. Le prix d’usage désignant « la valeur marchande associée à l’usage du service rendu par un bien meuble, et non à la propriété de ce bien ». Outre le classique prix de vente, le professionnel peut donc également afficher un second prix s’apparentant à un loyer de location (par exemple : vente à un consommateur de kilomètres plutôt que vente de pneus comme c’est parfois le cas pour les flottes de poids lourds). Dans ce cadre, le bien reste la propriété du professionnel pendant toute sa durée de vie. La loi Hamon avait toutefois prévu que ce double prix porte sur un nombre de produits déterminés par décret.

Bien que les travaux sur le sujet au sein du CNC, chargé de définir les modalités de cette expérimentation, ont montré que les modèles économiques ne per­mettent pas encore sa mise en œuvre (cf. avis du CNC du 12 mai 2015 « relatif au double affichage des prix de vente et d’usage des biens de consommation » sur www.economie.gouv.fr), la loi Macron a supprimé toute référence à la phase d’expérimentation et consacré la pratique du double affichage des prix pour les professionnels qui le souhaitent. Le décret précité devant fixer la liste des produits éligibles doit préalablement être publié.

Charles Aronica, directeur juridique de la Fédération des industries des équipements pour véhicules, chargé d’enseignement à l’université Paris-Saclay au sein du master ii de droit de la concurrence et du droit des contrats.

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